Aldor (le podcast)

La servitude volontaire (ou l’optimisme de La Boétie)

09.27.2020 - By AldorPlay

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A la fin de son Discours sur la servitude volontaire, Etienne de La Boétie a l’intuition de ce que la servitude est non pas seulement acceptée, ni même désirée, du fait d’une ruse ou d’une subtilité machiavélique des puissants qui instilleraient ce faux désir en nous, mais qu’elle est consciemment voulue et construite par nous, pour servir nos propres intérêts. Nous n’aimons pas la servitude parce qu’on nous aurait fait croire que nous l’aimions, parce que des méchants nous auraient jeté un sort, mais plus simplement, beaucoup plus trivialement, parce que nous espérons bien tirer notre épingle du jeu et en avoir profit.Et encore pêche-t-il sans doute par optimisme, ne voyant pas que le tyran si facilement montré du doigt n’est le plus souvent au fond qu’une projection de nos propres désirs, une créature que, comme celles du Solaris, de Stanislas Lem, nous avons nous-mêmes fait surgir du néant, bâtie de nos propres fantasmes.Il existe des tyrans, il existe des chaînes, il existe de la cruauté. Mais le plus souvent, ce que nous désignons ainsi n’est que l’émanation de nous-même, une chose que nous nourrissons en nous et que nous désignons comme autre par abus de langage : cette société de consommation et de pillage, de dévastation et de salissure, elle ne descend pas du ciel ; nous la fomentons, nous la pérennisons par chacun de nos achats, par chacune de nos actions, par notre comportement quotidien. Ce  pouvoir de l’argent, que serait-il si nous n’aspirions nous-mêmes à en avoir plus et à l’utiliser ? Qui est Satan, sinon l’incarnation de notre propre avidité, de notre propre jalousie, de notre propre méchanceté ?  Dans Matrix, des machines dominent le monde et jettent sur les hommes un voile d’illusion grâce auquel elles les manipulent. Mais la réalité est tout le contraire : les dieux, les maîtres, les démons, ne sont pas les marionnettistes ; ils sont nos créatures, sorties tout entières de notre esprit et placées par nos soins sur le trône.C’est en cela que les choses sont difficiles. Il ne suffit pas, comme dans la vision matrixielle et complotiste du monde, de se débarrasser des méchants pour que le bien advienne. Les méchants ne sont qu’une projection ; c’est en nous que le mal vit et prospère.Réalisant cela, Etty Hillesum écrit le 23 septembre 1942 que rien ne pourra  être fait si l’on ne commence par soi-même, si l’on ne se corrige d’abord soi-même : Je ne vois pas d’autre issue : que chacun de nous fasse un retour sur lui-même et extirpe et anéantisse en lui tout ce qu’il croit devoir anéantir chez les autres. Et soyons bien convaincus que le moindre atome de haine que nous ajoutons à ce monde nous le rend plus inhospitalier qu’il n’est déjà.Mais le peut-on vraiment ? Peut-on vraiment extirper de nous toutes ces émotions, toutes ces colères, tous ces sentiments ancrés au fond de notre humanité ? Peut-on vraiment ne plus être ces êtres déchirés, ces enfants nés de la Chute ?Je crois plutôt qu’il faut apprendre à faire avec. Et c’est un chemin difficile, car c’est un chemin sans chemin, seulement une attention qui ne demande rien aux...

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