Aldor (le podcast)

L’art du chat merveilleux

01.04.2020 - By AldorPlay

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En annexe de son livre sur le Hara, Karl Graf Dürckheim reproduit un vieux conte taoïste souvent cité dans les écoles japonaises d’escrime : l’art du chat merveilleux. C’est l’histoire d’un maître d’escrime dont la maison est occupée par un rat agressif que ni chats, ni le maître d’escrime lui-même ne parviennent à chasser et qui ne partira que lorsqu’il sera fait appel à une vieille chatte, apparemment nonchalante, qui, le plus simplement et le plus calmement du monde, prend le rat dans sa gueule et le dépose dehors.Tous les chats sont stupéfaits et demandent à la vieille chatte par quel prodige elle a réussi là où tous ont échoué. Il s’en suit un long dialogue – celui que je lis et reproduis plus  bas – durant lequel la vieille chatte écoute chacun, explique ce qui a manqué ou qui a été mal fait, avant d’exposer sa propre méthode, essentiellement fondée sur l’abandon de la conscience de soi :Une seule chose importe : que pas le moindre soupçon de conscience de soi n’entre en jeu, sinon tout est perdu. Si on pense au but, même d’une façon fugitive, tout devient artificiel.Les chats qui, avant elle, avaient tenté d’expulser le rat, s’y sont mal pris parce qu’ils comptaient trop sur eux-mêmes, leur savoir, leur technique, leur habileté, leur volonté, leur souplesse ou leur astuce. Or, même dans ce dernier cas, c’est-à-dire quand, au lieu de s’opposer frontalement, on laisse aller et on suit le mouvement avec fluidité, même dans ce cas là, quand l’intention demeure, elle est en trop et fait obstacle.Le secret de la vieille chatte, que je comprends parfois dans un éclair avant qu’il ne replonge dans l’obscurité, est l’absence d’intention consciente :Tout ce que tu entreprends avec une intention consciente entrave la vibration originelle de la grande Nature, gêne le surgissement de sa source secrète et perturbe le cours de son mouvement spontané. D’où viendrait alors l’efficacité miraculeuse ? C’est uniquement en ne pensant à rien, en ne voulant rien et en ne faisant rien, mais en t’abandonnant dans ton mouvement à la vibration de l’Être, que tu n’aurais pas de forme saisissable. Ne penser à rien, ne vouloir rien et ne faire rien ; là est le secret de la réussite qui ne fait que s’abandonner, sans rien prévoir ni planifier, sans rien réfléchir, en se laissant aller au destin et à l’invention de l’instant, dans une sorte d‘Amen sans fin.Je ne comprends pas directement cela mais comprends bien que le charme s’évanouit dès lors qu’il est recherché, que qui parle au nom de l’intelligence s’enfonce au plus profond de la bêtise et que les choses les plus subtiles et les plus aériennes ne survivent pas à la conscience qu’on en prend :C’est seulement si tu es dans l’état où tu es libre de toute conscience du moi, seulement si tu agis “sans agir”, sans intention et sans astuce – en harmonie avec la grande Nature – c’est alors seulement, que tu es sur la vraie Voie. Abandonne toute intention, entraîne-toi à la non-intentionnalité et laisse faire l’Être. Cette Voie est sans fin et inépuisable. »Je ne comprends pas tout à fait ce que dit la vieille chatte mais sens qu’elle a raison. Et voici le début du conte, que je lis :Il était une fois un maître d’escrime du nom de Shoken. Dans sa maison, un gros rat causait du désordre. Même en plein jour il courait partout. Un jour, le maître de maison l’enferma dans sa chambre et dit à son chat de l’attraper. Mais le rat sauta à la gorge du chat et le mordit si cruellement qu’il se sauva en miaulant. Ensuite Shoken amena plusieurs chats du voisinage, réputés pour leur grande vaillance, et les fit entrer dans la chambre. Le rat était assis, ramassé sur lui-même dans un coin.

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