Aldor (le podcast)

Le Mont Analogue

02.15.2023 - By AldorPlay

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“La porte de l’invisible doit être visible” répète Patti Smith dans Peradam, ce morceau-titre de l’album dont le nom renvoie à cette “seule substance, ce seul corps matériel auquel les guides du Mont Analogue reconnaissent une valeur.”

Le Mont Analogue est cette montagne, la plus haute du globe, qui s’élève, invisible, au milieu des mers antipodiques, et qui ne se révèle, comme les péradams, qu’à ceux qui s’en sont montrés dignes (et ont peut-être été, pour cette raison, élus).

René Daumal est mort avant d’avoir terminé son roman. Il nous quitte au détour d’une virgule posée par Théodore, le narrateur, laissant en suspens le récit d’un enchaînement de catastrophes nées de la mort d’un rat. Cette histoire d’équilibre écologique menacé par l’action des hommes est l’un des quelques contes qui s’enchâssent dans le récit principal, le troublent mais en éclairent peut-être le sens, à la façon d’une pierre précieuse, d’un péradam ou des disgressions qu’on trouve dans le Manuscrit trouvé à Saragosse ou Les Mille et une nuits.

Le Mont Analogue lui-même est comme un syncrétisme des monts sacrés, depuis l’Olympe jusqu’au Sinaï, en passant par le Méru des religions orientales. Il est, comme le suppose le narrateur dans un article de la Revue des fossiles, la voie unissant la terre au ciel, le lieu de rencontre de l’homme et du divin, la porte permettant d’atteindre l’inaccessible en partant de l’accessible. Et comme cette porte est nécessaire, elle existe forcément. L’article tombe sous les yeux de Pierre Sogol, mélange de Pic de la Mirandole et de Georges Gurdjieff échappé du monastère ; et ce Pierre étant également convaincu de l’existence de cette montagne, ils décident tous deux de la trouver et d’en faire l’ascension, point de départ de l’aventure et du livre.

Je ne ferai pas la narration de ce voyage qui, partant de l’inexistant 37, passage des Patriarches, aboutit en un lieu inconnu de nos cartes. Un mot seulement sur la méthode de recherche, qui me semble excellente : elle consiste à supposer le problème résolu et à en déduire toutes les conséquences logiques pour en trouver la solution. Un autre sur René Daumal dont je viens de découvrir (et je n’en reviens pas) qu’il donna des cours de sanskrit à Simone Weil. Et un dernier sur l’épisode qui intervient à la veille de l’ascension proprement dite : Pierre Sogol, jusqu’alors chef de l’expédition, abdique de son rôle de chef et dépose sa casquette galonnée “qui était couronne d’épines pour la mémoire que j’ai de moi”. L’adulte se dépouille de son personnage, laisse place au petit enfant qui se réveille, “un petit enfant qui cherche père et mère, qui cherche avec vous l’aide et la protection ; la protection contre son plaisir et son rêve, l’aide pour devenir ce qu’il est sans imiter personne.” Et c’est à cet instant que, dans le sable de la plage, est trouvé le premier péradam, cette pierre qui, comme tous les trésors vrais, ne se révèle qu’à qui ne la cherche pas.

Et maintenant, un peu dans la même veine, un extrait du chapitre quatrième, qui évoque la cupidité intellectuelle et la nécessité de l’extirper pour pouvoir commencer vraiment l’ascension vers le sommet.

“L’étrange structure géologique du continent lui valait la plus grande variété de climats et l’on pouvait, paraît-il, à trois jours de marche de Port-des-Singes, trouver d’un côté la jungle tropicale, d’un autre des pays glaciaires,

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