Aldor (le podcast)

Les miracles véritables, qu’ils font peu de bruit !

03.31.2019 - By AldorPlay

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“Les miracles véritables, qu’ils font peu de bruit ! Les événements essentiels, qu’ils sont simples !” – écrit Antoine de Saint-Exupéry au début du chapitre III de sa Lettre à un otage. Il y parle d’un déjeuner passé sur les bords de Saône avec son ami Léon Werth, déjeuner qui fut comme un moment de grâce sur les raisons de laquelle il s’interroge : était-ce la douceur de l’amitié, la chaleur du soleil, le plaisir du plaisir partagé, la gentillesse des mariniers et de la serveuse ? Un peu de tout cela sans doute : le sentiment d’un accord, d’une harmonie, d’une plénitude de l’instant se résumant dans un sourire partagé :

L’essentiel, le plus souvent, n’a point de poids. L’essentiel ici, en apparence, n’a été qu’un sourire. Un sourire est souvent l’essentiel. On est payé par un sourire. On est récompensé par un sourire. On est animé par un sourire. Et la qualité d’un sourire peut faire que l’on meure.

Antoine de Saint-Exupéry raconte ensuite un autre sourire, celui au travers duquel se renoua, quelques années auparavant, pendant la Guerre d’Espagne le dialogue entre un milicien anarchiste et lui. “Miracle”, écrit-il d’abord, puis plus tard : “Lever du jour” :

Ce miracle ne dénoua pas le drame, il l’effaça, tout simplement, comme la lumière, l’ombre. Aucun drame n’avait plus eu lieu. Ce miracle ne modifia rien qui fût visible. La mauvaise lampe à pétrole, une table aux papiers épars, les hommes adossés au mur, la couleur des objets, l’odeur, tout persista. Mais toute chose fut transformée dans sa substance même. Ce sourire me délivrait. C’était un signe aussi définitif, aussi évident dans ses conséquences prochaines, aussi irréversible que l’apparition du soleil. Il ouvrait une ère neuve. Rien n’avait changé, tout était changé.

“Rien n’avait changé. Tout était changé.” C’est le signe des choses les plus essentielles, comme l’intention, qui bouleversent sans rien modifier, qui donnent comme miraculeusement sens à ce qui en était dépourvu. Un sourire permet de renouer le lien ; qu’il apparaisse sur les lèvres de celle que j’aime et les ombres sont balayées.

Le sourire est le signe de la vie qui revient : on est revenu du repli mécanique, de la rétractation du soi sur soi, de la fermeture aux autres et au monde pour réépouser le flux, réhabiter sa chair, renouer avec l’amour. Le sourire, qui est perche tenue et acceptée de celui auquel il s’adresse, est la première ouverture de la porte des étoiles. De la vraie porte des étoiles : celle qui s’ouvre dans la matérialité d’un corps pour conduire jusqu’au ciel.

Qui n’a jamais connu ce miracle silencieux ? Cette transfiguration ? Ce pur bonheur du bonheur partagé ? Cette grâce merveilleuse de la complicité et de l’amour ? Cette joie de donner et de simultanément recevoir ? Malheureux ceux qui l’ont oubliée ! Malheureux ceux qui, par peur ou orgueil la refusent !

Le plaisir véritable est plaisir de convive. Le sauvetage n’était que l’occasion de ce plaisir. L’eau n’a point le pouvoir d’enchanter, si elle n’est d’abord cadeau de la bonne volonté des hommes.

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