French Through Stories

35. Poèmes pour marins

11.06.2021 - By French Through StoriesPlay

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L’homme et la mer

Homme libre, toujours tu chériras la mer !

La mer est ton miroir ; tu contemples ton âme

Dans le déroulement infini de sa lame,

Et ton esprit n’est pas un gouffre moins amer.

Tu te plais à plonger au sein de ton image ;

Tu l’embrasses des yeux et des bras, et ton cœur

Se distrait quelquefois de sa propre rumeur

Au bruit de cette plainte indomptable et sauvage.

Vous êtes tous les deux ténébreux et discrets :

Homme, nul n’a sondé le fond de tes abîmes ;

Ô mer, nul ne connaît tes richesses intimes,

Tant vous êtes jaloux de garder vos secrets !

Et cependant voilà des siècles innombrables

Que vous vous combattez sans pitié ni remord,

Tellement vous aimez le carnage et la mort,

Ô lutteurs éternels, ô frères implacables !

Charles Baudelaire

Les voiles

Quand j’étais jeune et fier et que j’ouvrais mes ailes,

Les ailes de mon âme à tous les vents des mers,

Les voiles emportaient ma pensée avec elles,

Et mes rêves flottaient sur tous les flots amers.

Je voyais dans ce vague où l’horizon se noie

Surgir tout verdoyants de pampre et de jasmin

Des continents de vie et des îles de joie

Où la gloire et l’amour m’appelaient de la main.

J’enviais chaque nef qui blanchissait l’écume,

Heureuse d’aspirer au rivage inconnu,

Et maintenant, assis au bord du cap qui fume,

J’ai traversé ces flots et j’en suis revenu.

Et j’aime encor ces mers autrefois tant aimées,

Non plus comme le champ de mes rêves chéris,

Mais comme un champ de mort où mes ailes semées

De moi-même partout me montrent les débris.

Cet écueil me brisa, ce bord surgit funeste,

Ma fortune sombra dans ce calme trompeur ;

La foudre ici sur moi tomba de l’arc céleste

Et chacun de ces flots roule un peu de mon cœur.

Alphonse de Lamartine

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