Aldor (le podcast)

Une chambre à soi (de Virginia Woolf)

07.30.2023 - By AldorPlay

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Louis Charlot, Le lever, Musée Rolin, Autun

“Il est indispensable qu’une femme possède quelque argent et une chambre à soi si elle veut écrire une œuvre de fiction.” écrit, dès la deuxième page de son livre, Virginia Woolf dans Une chambre à soi.

On ne lui avait pas tout à fait demandé cela. On lui avait demandé un texte sur les femmes et le roman et peut-être attendait-on (quoique j’en doute ; on devait bien savoir à qui l’on s’adressait) un essai sur la sensibilité particulière des femmes ou un hommage à Jane Austen ou aux sœurs Brontë. Mais non : Virginia Woolf répond d’une tout autre manière à la commande qui lui a été faite, nous emmenant avec elle (avec son alter ego, plutôt, Mary Beton), dans un long voyage qui commence à Oxbridge et se poursuit dans les activités, les tâches et les lieux dont les femmes furent si longtemps exclues, si longtemps absentes, à moins qu’elles ne s’y montrent curieusement présentes.

Une chambre à soi, a titré Clara Malraux, la traductrice, là où le texte anglais ne parlait que de room. Mais elle a sans doute eu raison, Clara, qui s’y connaissait en fait d’encombrement de l’espace et d’étouffement par les hommes, de traduire ainsi. Car ce n’est pas seulement un bureau qui, pour Virginia Woolf, a manqué aux femmes, mais une vie, la possibilité d’une vie autonome.

Dans la littérature, observe l’autrice, “les femmes flamboient comme des phares, dans les œuvres de tous les poètes depuis l’origine des temps, Clytemnestre, Antigone, Cléopâtre, lady Macbeth, Phèdre, Cressida, Rosalinde, Desdémone, la duchesse d’Amalfi dans les drames ; puis, dans les œuvres en prose : Millamant, Clarisse, Becky Sharp, Anna Karenine, Emma Bovary, Mme de Guermantes – les noms me viennent à l’esprit en foule et n’évoquent pas des femmes “manquant de personnalité et de caractère”. Vraiment, si la femme n’avait d’existence que dans les œuvres littéraires masculines, on l’imaginerait comme une créature de la plus haute importance, diverse, héroïque et médiocre, magnifique et vile, infiniment belle et hideuse à l’extrême.”

Mais ça, c’est ce que racontent les livres : “En imagination, elle est de la plus haute importance, en pratique, elle est complètement insignifiante. Elle envahit la poésie d’un bout à l’autre ; elle est, à peu de chose près, absente de l’Histoire. Dans la fiction, elle domine la vie des rois et des conquérants ; en fait elle était l’esclave de n’importe quel garçon dont les parents avaient exigé qu’elle portât l’anneau à son doigt. Quelques-unes des paroles les plus inspirées, quelques-unes des pensées les plus profondes de la littérature tombent de ses lèvres ; dans la vie pratique elle pouvait tout juste lire, à peine écrire et était la propriété de son mari.”

Et Virginia Woolf de citer longuement ces hommes (en commençant, paradoxalement, par Périclès dont la compagne, Aspasie, était pourtant loin de vivre dans l’ombre de son compagnon) qui jugent les femmes incapables de briller (ou leur demandent – on n’en est pas a une contradiction près – de ne pas faire d’éclats). Elle constate qu’au delà même de cette injonction, les femmes n’ont jamais eu de temps à elles, étant toujours là pour les autres. Et que c’est cette place, ce rôle d’être pour les autres, pour les hommes qui les entourent notamment, qu’elles occupent dans la littérature,

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