
Sign up to save your podcasts
Or
On croyait tout savoir sur les impressionnistes, et bien non! C’est ce que nous allons découvrir avec la brillante historienne de l’art Marine Kisiel.
Mais avant, observez ou imaginez ce tableau…
Dans un jardin, à l’ombre d’un arbre, une scène de déjeuner est temporairement désertée par ses convives. La table semblait accueillir deux personnes dont la présence récente se devine par la vaisselle laissée en l’état : sur la table, deux tasses disposées de part et d’autre, un verre vide, un petit pain grignoté, une coupe de fruits, une théière et un châle abandonné en un monticule sur le bord de la nappe.
À l’avant plan, notre regard butte sur une dessert en osier où sont déposés les restes de la collation ainsi que sur un banc où devait être installée l’une des convives. Placé à l’oblique, le banc souligne la profondeur de la composition qui guide le regard du spectateur tout en maintenant une distance. La place encore chaude de l’une des convives est dorénavant occupée par son ombrelle et son panier. Les deux dineuses ne sont forcément pas loin. Aux pieds de la table, un enfant s’amuse à empiler des tiges de bois. Il ne faudrait pas le laisser trop longtemps seul… Et en effet…. La suite de la scène se passe à l’arrière plan, à l’abri des regards, derrière une branche d’arbre dont l’ombre apportait un air de fraicheur au repas. Au milieu des buissons fleuris du jardin, aux couleurs ravivées par les rayons du soleil, deux jeunes femmes dont on ne distingue pas les visages se promènent.
Ce tableau de Monet est montré à l’occasion de la seconde exposition impressionniste en 1876, accompagné de la mention « panneau décoratif ». Rappelons qu’un panneau décoratif est censé avoir été commandé à un artiste pour venir orner une pièce précise d’un intérieur. Le peintre adapte ainsi son sujet aux contraintes du lieu désigné. Mais ce tableau que nous venons de décrire ne possède ni commanditaire ni lieu de destination au moment de son exposition. Alors pourquoi attribuer une fonction à un tableau qui ne semble remplir a priori aucune de ces caractéristiques ? Voilà une première interrogation.
Claude Monet, Le déjeuner, Vers 1873, huile sur toile, 160 x 201 cm, Legs de Gustave Caillebotte, 1894, Musée d’Orsay.
Marine Kisiel, Docteure en histoire de l’art, conseillée scientifique à l’Institut nationale d’histoire de l’art (Inha), anciennement conservatrice au musée d’Orsay, elle a notamment été commissaire des expositions « Degas, danse, dessin » (2017), « Degas à l’Opéra » (2019) ou encore « James Tissot, l’ambigu moderne » en 2020.
Marine Kisiel, La peinture impressionniste et la décoration, Paris, ed. Le Passage, 2021.
On croyait tout savoir sur les impressionnistes, et bien non! C’est ce que nous allons découvrir avec la brillante historienne de l’art Marine Kisiel.
Mais avant, observez ou imaginez ce tableau…
Dans un jardin, à l’ombre d’un arbre, une scène de déjeuner est temporairement désertée par ses convives. La table semblait accueillir deux personnes dont la présence récente se devine par la vaisselle laissée en l’état : sur la table, deux tasses disposées de part et d’autre, un verre vide, un petit pain grignoté, une coupe de fruits, une théière et un châle abandonné en un monticule sur le bord de la nappe.
À l’avant plan, notre regard butte sur une dessert en osier où sont déposés les restes de la collation ainsi que sur un banc où devait être installée l’une des convives. Placé à l’oblique, le banc souligne la profondeur de la composition qui guide le regard du spectateur tout en maintenant une distance. La place encore chaude de l’une des convives est dorénavant occupée par son ombrelle et son panier. Les deux dineuses ne sont forcément pas loin. Aux pieds de la table, un enfant s’amuse à empiler des tiges de bois. Il ne faudrait pas le laisser trop longtemps seul… Et en effet…. La suite de la scène se passe à l’arrière plan, à l’abri des regards, derrière une branche d’arbre dont l’ombre apportait un air de fraicheur au repas. Au milieu des buissons fleuris du jardin, aux couleurs ravivées par les rayons du soleil, deux jeunes femmes dont on ne distingue pas les visages se promènent.
Ce tableau de Monet est montré à l’occasion de la seconde exposition impressionniste en 1876, accompagné de la mention « panneau décoratif ». Rappelons qu’un panneau décoratif est censé avoir été commandé à un artiste pour venir orner une pièce précise d’un intérieur. Le peintre adapte ainsi son sujet aux contraintes du lieu désigné. Mais ce tableau que nous venons de décrire ne possède ni commanditaire ni lieu de destination au moment de son exposition. Alors pourquoi attribuer une fonction à un tableau qui ne semble remplir a priori aucune de ces caractéristiques ? Voilà une première interrogation.
Claude Monet, Le déjeuner, Vers 1873, huile sur toile, 160 x 201 cm, Legs de Gustave Caillebotte, 1894, Musée d’Orsay.
Marine Kisiel, Docteure en histoire de l’art, conseillée scientifique à l’Institut nationale d’histoire de l’art (Inha), anciennement conservatrice au musée d’Orsay, elle a notamment été commissaire des expositions « Degas, danse, dessin » (2017), « Degas à l’Opéra » (2019) ou encore « James Tissot, l’ambigu moderne » en 2020.
Marine Kisiel, La peinture impressionniste et la décoration, Paris, ed. Le Passage, 2021.