Mai 68 a-t-il ouvert dans notre édition pour la jeunesse une phase de rupture radicale avec ce qui précédait ? La réponse est à nuancer. Les remises en question esthétiques et idéologiques quant à la conception des livres, à leurs conditions de production et au statut même de l'enfant dans la famille et dans la société se sont nourries des audaces de certains grands précurseurs, français et étrangers. Le vent du renouveau soufflait en effet déjà en Italie ou dans les pays anglo-saxons. En France on pouvait également déceler des frémissements annonciateurs dans la ré-orientation par certains grands éditeurs de leur catalogue. Il n'en reste pas moins que les années 65-75 ont été foisonnantes : émergence de nouveaux talents et de nouveaux types de livres dans le domaine de l'album et du documentaire, création de nouvelles maisons d'édition sous la forme de petites structures alternatives... Cette décennie a vu naître aussi L'École des loisirs et Gallimard Jeunesse, deux éditeurs majeurs aujourd'hui, qui ont marqué ce paysage de leur empreinte singulière. Leurs directeurs en témoignent.