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Or
Née soviétique en 1975 à Moscou, et arrivée en France en 1989, deux ans avant la fin de l’URSS, Anna Colin Lebedev est aujourd’hui maîtresse de conférences à l’université Paris-Nanterre et chercheuse rattachée à l’Institut des sciences sociales du politique. À rebours des héritages de l’ancienne kremlinologie, c’est-à-dire d’une approche des sociétés postsoviétiques centrée sur le pouvoir d’État, la grande originalité de son travail est de s’intéresser en priorité aux sociétés, de documenter leurs complexités et de renseigner leurs vitalités.
C’est ce qu’elle fait dans son récent Ukraine : la force des faibles (Seuil, « Libelle »), qui fait suite à Jamais frères ? Ukraine et Russie : une tragédie postsoviétique, paru en 2022. Elle y rend compte de l’avancée de ses recherches sur un pays qu’elle connaît bien pour y avoir vécu. Ses travaux, dont elle tient le carnet de route sur son blog, mettent en évidence la dynamique de la société ukrainienne, impulsée par la révolution dite de l’Euromaïdan de 2013-2014, qui explique sa résistance à l’invasion russe de 2022, construite depuis les premières agressions de 2014. « La méfiance à l’égard de l’État a été un moteur puissant d’engagement citoyen, parce que les Ukrainiens étaient certains que leur État seul n’était pas capable de faire face à la menace russe », écrit Anna Colin Lebedev, qui raconte comment « l’engagement protestataire se transformera ensuite en engagement militaire ».
« L’État, c’est nous, ce n’est pas eux », « eux » désignant les élites politiques et administratives : cette mobilisation de la société ukrainienne, qui est la première explication de la résistance de l’Ukraine à l’impérialisme russe, est ainsi résumée à Anna Colin Lebedev par Kyrylo, un chercheur en biologie engagé depuis 2014 dans un des bataillons volontaires pour combattre au front, dans l’est du pays. C’est pourquoi, au-delà du défi à la volonté de puissance grand-russe, la résistance ukrainienne est un défi à la dictature de Vladimir Poutine : « L’Ukraine est douloureuse pour la Russie parce qu’elle est une alternative », résume dans « L’échappée » la chercheuse, qui explique aussi combien « cette guerre est en train de détruire la société russe de l’intérieur ».
Tout son propos est une alerte qui interpelle notre trop grande indifférence à une guerre européenne commencée il y a déjà onze années, puis devenue extrême il y a plus de trois ans et, surtout, partie pour durer encore longtemps tant, explique Anna Colin Lebedev, la guerre est « un facteur de stabilité pour le régime poutinien ». Les Ukrainien·nes « sont en train de nous défendre, ils se battent pour nous », insiste-t-elle en invitant à sortir d’une vision étatiste et campiste du monde, où seuls les pouvoirs politiques comptent, pour mieux se rapprocher des sociétés et connaître leurs peuples.
Hébergé par Audiomeans. Visitez audiomeans.fr/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.
Née soviétique en 1975 à Moscou, et arrivée en France en 1989, deux ans avant la fin de l’URSS, Anna Colin Lebedev est aujourd’hui maîtresse de conférences à l’université Paris-Nanterre et chercheuse rattachée à l’Institut des sciences sociales du politique. À rebours des héritages de l’ancienne kremlinologie, c’est-à-dire d’une approche des sociétés postsoviétiques centrée sur le pouvoir d’État, la grande originalité de son travail est de s’intéresser en priorité aux sociétés, de documenter leurs complexités et de renseigner leurs vitalités.
C’est ce qu’elle fait dans son récent Ukraine : la force des faibles (Seuil, « Libelle »), qui fait suite à Jamais frères ? Ukraine et Russie : une tragédie postsoviétique, paru en 2022. Elle y rend compte de l’avancée de ses recherches sur un pays qu’elle connaît bien pour y avoir vécu. Ses travaux, dont elle tient le carnet de route sur son blog, mettent en évidence la dynamique de la société ukrainienne, impulsée par la révolution dite de l’Euromaïdan de 2013-2014, qui explique sa résistance à l’invasion russe de 2022, construite depuis les premières agressions de 2014. « La méfiance à l’égard de l’État a été un moteur puissant d’engagement citoyen, parce que les Ukrainiens étaient certains que leur État seul n’était pas capable de faire face à la menace russe », écrit Anna Colin Lebedev, qui raconte comment « l’engagement protestataire se transformera ensuite en engagement militaire ».
« L’État, c’est nous, ce n’est pas eux », « eux » désignant les élites politiques et administratives : cette mobilisation de la société ukrainienne, qui est la première explication de la résistance de l’Ukraine à l’impérialisme russe, est ainsi résumée à Anna Colin Lebedev par Kyrylo, un chercheur en biologie engagé depuis 2014 dans un des bataillons volontaires pour combattre au front, dans l’est du pays. C’est pourquoi, au-delà du défi à la volonté de puissance grand-russe, la résistance ukrainienne est un défi à la dictature de Vladimir Poutine : « L’Ukraine est douloureuse pour la Russie parce qu’elle est une alternative », résume dans « L’échappée » la chercheuse, qui explique aussi combien « cette guerre est en train de détruire la société russe de l’intérieur ».
Tout son propos est une alerte qui interpelle notre trop grande indifférence à une guerre européenne commencée il y a déjà onze années, puis devenue extrême il y a plus de trois ans et, surtout, partie pour durer encore longtemps tant, explique Anna Colin Lebedev, la guerre est « un facteur de stabilité pour le régime poutinien ». Les Ukrainien·nes « sont en train de nous défendre, ils se battent pour nous », insiste-t-elle en invitant à sortir d’une vision étatiste et campiste du monde, où seuls les pouvoirs politiques comptent, pour mieux se rapprocher des sociétés et connaître leurs peuples.
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