Cette semaine, un auditeur nous a fait parvenir une lettre dans laquelle il explique comment son chat est devenu vegan. Au-delà du bien-être de la planète, cette entreprise hasardeuse pose un tas de questions morales : peut-on être certain que le chat a bien lui-même choisi de devenir vegan ? Pourra-t-il oui ou non continuer à consommer ses aliments préférés ?
Je précise au passage que mon insistance sur la question des insectes n’est pas absurde puisque les vegans ne mangent pas de miel…
Courrier de l’auditeur ayant rendu son chat vegan :
Dans mon entourage, personne n’ignore plus que je suis récemment devenu une âme 100% vegan. Cela signifie que mon âme est toute entière convertie au véganisme. Du coup, j’ai voulu convaincre mon chat Albert*. Désarmorçons d’office les éventuelles objections.
Premièrement : oui, je sais que les chats ne sont pas naturellement vegan. Mais figurez-vous qu’ils ne vivent pas non plus “naturellement” avec les humains, dans leurs maisons. Donc après quelques millénaires de vie commune, ne serait-il pas temps de lever nos préjugés et cesser de faire preuve de spécisme avec ces animaux qui nous sont si liés ? Pour beaucoup de gens, le chat est un être plus proche au quotidien que les amis ou même la famille. De par sa proximité immédiate, il joue un rôle prépondérant, comparé aux parents mourants placés en EPHAD, aux enfants partis s’établir à l’étranger ou aux frères et soeurs que l’on ne croise qu’à une ou deux fêtes de famille par an. Comparé à tout ce monde superficiel, le chat occupe une place de choix.
Deuxièmement, j’ai remarqué que depuis tout petit, Albert a un goût particulier pour le fromage (Époisses et Cîteaux) ainsi que les flocons d’avoine et la purée au beurre parsemée de persil. En gros, ce chat m’a toujours semblé avoir des prédispositions au véganisme : pourquoi ne pas l’aider à développer son potentiel moral ?
“Mais le fromage n’est pas vegan !” dixit une conne de véganiste qui relit mon texte. Franchement, peut-on se permettre d’être aussi radical dans un monde où il y a eu Auschwitz ? Évidemment non : tout cela nous mènerait en ligne droite aux extrémismes qui font que des avions se plantent dans des tours et qu’on doit ensuite bombarder l’Irak pour se prémunir du pire. De plus, les fromages AOP peuvent être considérés comme 100% vegan car les fermiers sont aux petits soins avec leurs bêtes. Dans la nature, celles-ci auraient fini les tripes dévidées par des ours. Une vache produisant de l’Époisses a droit à du fourrage frais toute l’année. Logement gratuit en hiver. Frais médicaux pris en charge à 100%, etc. Ce sont des vaches qui respirent le bonheur et ne troqueraient jamais leur statut social contre un autre. Ce serait comme demander à un cheminot des 90’s de devenir auto-entrepreneur. Obviousse, la vache dit non… et en conséquence, vu l’espèce de contrat social qui nous lie à elle… je ne vois pas pourquoi son fromage ne serait pas vegan. Je vous rappelle qu’à la base, le lait c’est de l’herbe. Albert a compris tout ça et il peut s’empiffrer 150 grammes d’un coup en bavant… Avant je lui chauffais un peu au grill avec des petits lardons équitables mais maintenant, ce sera sans viande puisque comme vous allez le voir, je l’ai convaincu de devenir un meilleur chat.
Sur le plan de la responsabilité éthique, il me restait néanmoins à vérifier qu’Albert était partant pour devenir vegan : n’étais-je pas en train de lui imposer ma propre volonté ? Comment se prémunir d’un tel biais et garantir que je n’étais pas moi-même en train d’écraser mon chat sous le joug d’un spécisme leucodermique caractérisé ? J’ai donc décidé de mettre l’accent sur l’autonomie et de...