éloigne les possessions, de ma chair

ici donne forme, à l'âme-corps

peau tendue de désir

temps déchiré

déployé

déformé

dans la rétine des enfants

qui rêvent leur vie d'hier

avec la joie du lendemain vibrant

dans un repli de tissu

troué, retramé

cousu sur ma bouche,

qui chante

avec toi

mon geste attend sa place

se déploie comme on crie

une lancée subite

interrompue par les mouettes

qui rient trop fort

cherchant une mer absente

je danse dans mon encre

vaine recherche entre les lignes

de ce qu'il resterait à dire

que je n'aurais pas déjà mâché

j'ai les dents fourbues

en terre, salées

elles sèment

quand elles ne se retournent pas

os de la bouche qui frappe

la colère des ancêtres

recousus

brode nos rêves, nos oublis,

les mêler à la salive

de nos chants

talismans de nos récits distendus

qui creusent tout au fond de la tombe

humus de nos gencives démembrées

la brodeuse s'affaire

regarde peu dans les rétines

caresse la bouche descellée

lui confie ses fils

guette ses murmures

les effiloche en bobines

les enroule d'argent

fait sa toile, trame joie

dedans-dehors de nos mondes

recoudre les textures manquantes

retrouver les mo(r)ts

signe à signe

récits de chair et d'os

composite infini de nos mères,

grands-mères et vieilles feuilles

canevas emmêlé

tient à un fil de salive perdue

renouées,

envoyées au ciel de nos lendemains

la brodeuse de dents

ne connaît pas l'histoire

elle signe par son geste

que ces chicots importent

qu'ils forment la bouche d'un monde.