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Extraitde Histoires du soir, un livre de Benoît Broyart illustrépar Laurent Richard, en vente dans La Librairie de Benoît :
https://www.lalibrairiedebenoit.fr/shop/histoires-du-soir-201
Louis met sa blouse et traverse la librairie pour vérifier que tout est à sa place, que rien ne dépasse. Le désordre et le bruit sont ses deux grandes terreurs. Quand des enfants entrent ici, les piles de livres chancellent, vacillent, chavirent, sombrent. Les livres s’effondrent, s’écroulent, tombent. Ça finit toujours mal. Un désastre. Tout est déclassé, déplacé.
Ce matin, sa sœur Magali surgit, tenant Aurélien par la main.Aurélien... et deux de ses copains.
– Je n’ai personne pour les garder. J’en ai pour une heure. Pas plus. Voici Bastien et Firmin. Ils se mettront dans un petit coin et tu ne les entendras pas.
Louis pâlit, blêmit, frémit et Magali poursuit.
– Merci, tu es trop gentil. Je suis sûre que ça se passera bien.
La porte du magasin claque. Le libraire est seul avec Aurélien et ses copains. Six ans et une vingtaine de dents chacun.
Des enfants, ça a besoin d’espace. Sinon, c’est la catastrophe. Le libraire voit déjà les livres tomber. Ils seront abîmés, cornés.
– Installez-vous dans la réserve, les garçons. Et surtout, pas un bruit.
Les trois enfants filent dans l’arrière-boutique. La pièce estminuscule. Bastien et Firmin regardent par-dessus l’épauled’Aurélien qui tient sa console à deux mains.
– Aurélien, tu me la prêtes. Tu me la prêtes ?
– Attends. Je finis le niveau. Je suis arrivé au château.
– Ouimais tu avais dit… Bon, si c’est ça, je rentre chez moi !
En courant dans la boutique, Firmin renverse une pile de livres. Louis se précipite pour la ramasser. Trois secondes plus tard, l’enfant est dans la rue. Dehors, quelle horreur ! Dehors, les voitures bourdonnent, bouchonnent, klaxonnent et les trottoirs sont sales. Le libraire n’a pas le choix. Il sort en se bouchant le nez, slalome entre les papiers et les crottes et rattrape Firmin de justesse.
– Viens ici, tu vas te faire écraser.
En revenant dans la librairie, Louis trouve deux jeunes chevaliers en train de se battre. Bastien se protège avec un livre d’art. Aurélien s’est fait un casque avec un livre de poche. Cetteboutique n’est pas un champ de bataille.
– Vous vous croyez où ? À partir de maintenant, vous ne bougez plus. C’est compris.
Les enfants font les statues pendant que le libraire entame un tour complet du magasin. Il inspecte, ramasse, remet en place, reclasse.
– Tonton, si tu nous lisais une histoire ? Ça nous occuperait.
– Une histoire… Et puis quoi encore ! Je n’ai pas que ça àfaire. J’ai des clients.
Les enfants regardent autour d’eux, étonnés.
– Où ça ?
Louis fait la grimace. C’est vrai, sa librairie est en train de coulercomme un bateau troué. Les clients disparaissent, avalés par unaspirateur géant. Tout le monde file acheter ses livres àl’hypermarché. C’est l’hyper, le coupable. L’aspirateur àclients surgonflé.
Une histoire. Finalement, pourquoi pas. Mais devant cette soixantaine de dents alignées, Louis se demande s’il sera à la hauteur. Il attrape un recueil de contes, fait asseoir les enfants devant lui etse lance.
– Il était une fois, un vieux roi qui habitait un château…
La voix de Louis est lente. Aurélien s’ennuie. Il se tortille. Surune fesse. Sur l’autre. Il bâille et se lève bientôt. Lelibraire garde le nez dans son livre, imperturbable.
Aurélien escalade la face nord de la librairie. Sans échelle. Première étagère. Deuxième. Quatrième. Huitième. Il est presque à hauteur du plafond et va redescendre par la face sud, beaucoup plus dangereuse, quand son pied accroche une longue rangée de livres qui tombe sur la tête de son oncle. Catastrophe ! Le libraire, couché par terre, ne bouge plus...
By Benoît BroyartExtraitde Histoires du soir, un livre de Benoît Broyart illustrépar Laurent Richard, en vente dans La Librairie de Benoît :
https://www.lalibrairiedebenoit.fr/shop/histoires-du-soir-201
Louis met sa blouse et traverse la librairie pour vérifier que tout est à sa place, que rien ne dépasse. Le désordre et le bruit sont ses deux grandes terreurs. Quand des enfants entrent ici, les piles de livres chancellent, vacillent, chavirent, sombrent. Les livres s’effondrent, s’écroulent, tombent. Ça finit toujours mal. Un désastre. Tout est déclassé, déplacé.
Ce matin, sa sœur Magali surgit, tenant Aurélien par la main.Aurélien... et deux de ses copains.
– Je n’ai personne pour les garder. J’en ai pour une heure. Pas plus. Voici Bastien et Firmin. Ils se mettront dans un petit coin et tu ne les entendras pas.
Louis pâlit, blêmit, frémit et Magali poursuit.
– Merci, tu es trop gentil. Je suis sûre que ça se passera bien.
La porte du magasin claque. Le libraire est seul avec Aurélien et ses copains. Six ans et une vingtaine de dents chacun.
Des enfants, ça a besoin d’espace. Sinon, c’est la catastrophe. Le libraire voit déjà les livres tomber. Ils seront abîmés, cornés.
– Installez-vous dans la réserve, les garçons. Et surtout, pas un bruit.
Les trois enfants filent dans l’arrière-boutique. La pièce estminuscule. Bastien et Firmin regardent par-dessus l’épauled’Aurélien qui tient sa console à deux mains.
– Aurélien, tu me la prêtes. Tu me la prêtes ?
– Attends. Je finis le niveau. Je suis arrivé au château.
– Ouimais tu avais dit… Bon, si c’est ça, je rentre chez moi !
En courant dans la boutique, Firmin renverse une pile de livres. Louis se précipite pour la ramasser. Trois secondes plus tard, l’enfant est dans la rue. Dehors, quelle horreur ! Dehors, les voitures bourdonnent, bouchonnent, klaxonnent et les trottoirs sont sales. Le libraire n’a pas le choix. Il sort en se bouchant le nez, slalome entre les papiers et les crottes et rattrape Firmin de justesse.
– Viens ici, tu vas te faire écraser.
En revenant dans la librairie, Louis trouve deux jeunes chevaliers en train de se battre. Bastien se protège avec un livre d’art. Aurélien s’est fait un casque avec un livre de poche. Cetteboutique n’est pas un champ de bataille.
– Vous vous croyez où ? À partir de maintenant, vous ne bougez plus. C’est compris.
Les enfants font les statues pendant que le libraire entame un tour complet du magasin. Il inspecte, ramasse, remet en place, reclasse.
– Tonton, si tu nous lisais une histoire ? Ça nous occuperait.
– Une histoire… Et puis quoi encore ! Je n’ai pas que ça àfaire. J’ai des clients.
Les enfants regardent autour d’eux, étonnés.
– Où ça ?
Louis fait la grimace. C’est vrai, sa librairie est en train de coulercomme un bateau troué. Les clients disparaissent, avalés par unaspirateur géant. Tout le monde file acheter ses livres àl’hypermarché. C’est l’hyper, le coupable. L’aspirateur àclients surgonflé.
Une histoire. Finalement, pourquoi pas. Mais devant cette soixantaine de dents alignées, Louis se demande s’il sera à la hauteur. Il attrape un recueil de contes, fait asseoir les enfants devant lui etse lance.
– Il était une fois, un vieux roi qui habitait un château…
La voix de Louis est lente. Aurélien s’ennuie. Il se tortille. Surune fesse. Sur l’autre. Il bâille et se lève bientôt. Lelibraire garde le nez dans son livre, imperturbable.
Aurélien escalade la face nord de la librairie. Sans échelle. Première étagère. Deuxième. Quatrième. Huitième. Il est presque à hauteur du plafond et va redescendre par la face sud, beaucoup plus dangereuse, quand son pied accroche une longue rangée de livres qui tombe sur la tête de son oncle. Catastrophe ! Le libraire, couché par terre, ne bouge plus...