Les stoïciens ont enseigné à Caton qu'il n'y avait pas de nuances de gris.
Il n'y a pas de plus ou moins bon, ni de plus ou moins mauvais. Que l'on soit à un pied sous l'eau ou à une brasse, on se noie toujours. Toutes les vertus étaient une seule et même vertu, tous les vices un seul et même vice.
C'est le genre de schéma austère qui semble déraisonnable à vivre et presque totalement impossible à mettre en œuvre dans les flux de la guerre et de la politique. Mais Caton l'a fait fonctionner. Il refusait toute forme de compromis politique, au point que les corrupteurs ont fait de son nom un aphorisme :
"Qu'attendez-vous de nous ? Nous ne pouvons pas tous être des Catons".
Il exigeait la même chose de ses amis, de sa famille et de ses soldats. Il était exaspérant pour ses ennemis et pouvait paraître fou pour ses alliés. Il a parfois poussé son adhésion aux principes dans des voies absurdes et sans issue. Mais il a également établi une norme impossible, presque inhumaine, qui lui a conféré une autorité inébranlable.
Par défaut, il est devenu l'arbitre du bien et du mal à Rome. Lorsque Caton parlait, les gens se redressaient. Lorsqu'il a été emmené en prison par Jules César, le Sénat tout entier s'est joint à lui en signe de sympathie, obligeant César à relâcher Caton. Mais cela ne s'achète pas et ne se combat pas : c'est le charisme d'un personnage. Ses compatriotes ne pouvaient pas tous être des Catons, mais ils pouvaient rejoindre le camp intransigeant de Caton.