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Or
« Creuser un trou pour creuser un trou » : c’est ce que Rachida Dati, dans son langage direct, appelle « faire des fouilles pour se faire plaisir ». En avril 2024, cette sortie de la ministre de la culture contre l’archéologie préventive avait mis en émoi toute la profession, comme en avait témoigné Jean-Paul Demoule dans Mediapart.
Depuis, la menace persiste, tant sur les moyens accordés aux fouilles préventives que sur la légitimité d’un dispositif mis en place par une loi de 2001 qui s’est traduite par la création de l’Institut national de recherches archéologiques préventives (Inrap) dont le célèbre préhistorien fut le premier président. « Le projet de loi de “simplification de la vie économique” met notre patrimoine archéologique en danger », s’est-il ainsi alarmé, avec nombre d’autres archéologues, en avril dernier.
Parti pris assumé en défense de l’archéologie, cette série spéciale de trois émissions de « L’échappée » entend percer ce mystère de la tenace et lointaine défiance des élites politiques, économiques et administratives françaises vis-à-vis de l’archéologie de leur propre pays. Son symbole le plus manifeste est la relégation des splendeurs découvertes dans le sol français au musée de Saint-Germain-en-Laye (Yvelines), bien moins doté – et c’est peu dire –, que le musée du Louvre, joyau de la capitale et de la culture nationales où, pourtant, l’on ne voit presque aucun objet archéologique mis au jour en France, l’essentiel de ses trésors venant d’ailleurs, ramenés de Mésopotamie, d’Égypte, de Grèce, d’Italie, etc.
Qui a peur de l’archéologie ? Notre questionnement s’inscrit dans le sillage du livre ainsi titré de Jean-Paul Demoule et Alain Schnapp, autre archéologue, spécialiste de la Grèce antique, paru l’an dernier aux Belles Lettres. Nous avons donc demandé à ces deux éminents savants, rejoints par l’actuel président de l’Inrap, Dominique Garcia, spécialiste, lui, de la Gaule et de l’antiquité gréco-romaine, d’éclairer ce mystère tout en nous faisant partager leurs passions historiennes.
Au fil de ces trois entretiens, on découvre que la réponse ne se réduit pas aux logiques économiques de rentabilité et d’immédiateté. Si l’archéologie dérange, c’est aussi, sinon surtout, parce qu’elle met en question les fadaises identitaires et les racontars idéologiques qui mythifient une France éternelle et des civilisations immuables.
Ainsi, dans cette première émission, Jean-Paul Demoule déconstruit méthodiquement « le mythe des origines » comme il l’a fait dans de nombreux ouvrages, en inlassable pédagogue. En attendant La France éternelle, une enquête archéologique, à paraître le 12 septembre à La Fabrique, on citera notamment son Homo Migrans, limpide histoire globale des migrations (Payot, 2022), et son Mais où sont passés les Indo-Européens, somme sur le mythe d’origine de l’Occident (Seuil, 2014). Il faut « fouiller le passé pour interroger le présent », explique-t-il tout au long de notre conversation. Et, en l’écoutant, on comprend mieux pourquoi l’archéologie bouscule et interpelle, notamment en nos temps de régression politique vers les pires conservatismes.
« La France n’a pas d’origine », écrivait-il déjà en 2012 dans On a retrouvé l’histoire de France (Robert Laffont) : « Il faut pulvériser le mythe de l’origine, insistait-il. Il n’y a pas d’origine de la France, pas de jour où la France aurait commencé. […] Les archéologues ne sont pas seulement là pour fouiller le sol. […] Ils ont aussi la charge de dénoncer les manipulations de l’histoire. […] Nous n’avons pas besoin de mythes, nous avons besoin de savoir pourquoi nous vivons ensemble : nous avons besoin de comprendre l’histoire du sol sur lequel nous vivons et, quels que soient les lieux où ont vécu naguère nos propres ancêtres biologiques, de connaître les impasses qui ont conduit à la catastrophe certaines des sociétés passées. »
Hébergé par Audiomeans. Visitez audiomeans.fr/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.
« Creuser un trou pour creuser un trou » : c’est ce que Rachida Dati, dans son langage direct, appelle « faire des fouilles pour se faire plaisir ». En avril 2024, cette sortie de la ministre de la culture contre l’archéologie préventive avait mis en émoi toute la profession, comme en avait témoigné Jean-Paul Demoule dans Mediapart.
Depuis, la menace persiste, tant sur les moyens accordés aux fouilles préventives que sur la légitimité d’un dispositif mis en place par une loi de 2001 qui s’est traduite par la création de l’Institut national de recherches archéologiques préventives (Inrap) dont le célèbre préhistorien fut le premier président. « Le projet de loi de “simplification de la vie économique” met notre patrimoine archéologique en danger », s’est-il ainsi alarmé, avec nombre d’autres archéologues, en avril dernier.
Parti pris assumé en défense de l’archéologie, cette série spéciale de trois émissions de « L’échappée » entend percer ce mystère de la tenace et lointaine défiance des élites politiques, économiques et administratives françaises vis-à-vis de l’archéologie de leur propre pays. Son symbole le plus manifeste est la relégation des splendeurs découvertes dans le sol français au musée de Saint-Germain-en-Laye (Yvelines), bien moins doté – et c’est peu dire –, que le musée du Louvre, joyau de la capitale et de la culture nationales où, pourtant, l’on ne voit presque aucun objet archéologique mis au jour en France, l’essentiel de ses trésors venant d’ailleurs, ramenés de Mésopotamie, d’Égypte, de Grèce, d’Italie, etc.
Qui a peur de l’archéologie ? Notre questionnement s’inscrit dans le sillage du livre ainsi titré de Jean-Paul Demoule et Alain Schnapp, autre archéologue, spécialiste de la Grèce antique, paru l’an dernier aux Belles Lettres. Nous avons donc demandé à ces deux éminents savants, rejoints par l’actuel président de l’Inrap, Dominique Garcia, spécialiste, lui, de la Gaule et de l’antiquité gréco-romaine, d’éclairer ce mystère tout en nous faisant partager leurs passions historiennes.
Au fil de ces trois entretiens, on découvre que la réponse ne se réduit pas aux logiques économiques de rentabilité et d’immédiateté. Si l’archéologie dérange, c’est aussi, sinon surtout, parce qu’elle met en question les fadaises identitaires et les racontars idéologiques qui mythifient une France éternelle et des civilisations immuables.
Ainsi, dans cette première émission, Jean-Paul Demoule déconstruit méthodiquement « le mythe des origines » comme il l’a fait dans de nombreux ouvrages, en inlassable pédagogue. En attendant La France éternelle, une enquête archéologique, à paraître le 12 septembre à La Fabrique, on citera notamment son Homo Migrans, limpide histoire globale des migrations (Payot, 2022), et son Mais où sont passés les Indo-Européens, somme sur le mythe d’origine de l’Occident (Seuil, 2014). Il faut « fouiller le passé pour interroger le présent », explique-t-il tout au long de notre conversation. Et, en l’écoutant, on comprend mieux pourquoi l’archéologie bouscule et interpelle, notamment en nos temps de régression politique vers les pires conservatismes.
« La France n’a pas d’origine », écrivait-il déjà en 2012 dans On a retrouvé l’histoire de France (Robert Laffont) : « Il faut pulvériser le mythe de l’origine, insistait-il. Il n’y a pas d’origine de la France, pas de jour où la France aurait commencé. […] Les archéologues ne sont pas seulement là pour fouiller le sol. […] Ils ont aussi la charge de dénoncer les manipulations de l’histoire. […] Nous n’avons pas besoin de mythes, nous avons besoin de savoir pourquoi nous vivons ensemble : nous avons besoin de comprendre l’histoire du sol sur lequel nous vivons et, quels que soient les lieux où ont vécu naguère nos propres ancêtres biologiques, de connaître les impasses qui ont conduit à la catastrophe certaines des sociétés passées. »
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