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II faisait un temps magnifique. C'était la fin de l'après-midi et des alouettes isolées lançaient continuellement leur appel très haut dans le bleu du ciel La ferme était immense ; ses quatre bâtiments de vieilles petites briques faisaient un carré parfait au centre duquel trônait un magnifique, un somptueux fumier, un «bourrier» comme on disait autrefois. Le lierre et la vigne vierge se partageaient au gré de leur fantaisie les pans de murs des habitations et des écuries. Deux, énormes poutres sur lesquelles on devinait encore les efforts du charpentier étaient en attente près du grand portail d'entrée.

Par cette ouverture béante où déjà le temps avait imposé son sceau, je n'eus que le temps d'apercevoir quelques champs verts et bonds. C'était la dernière fois que je les voyais. Longtemps encore, ma mémoire gardera l'empreinte de tout cela. Je me tenais immobile dans un angle de la cour ; mes yeux mémorisent toujours de l'ocre jaune ; presque trop vif de mes hauts-de-chausse et du blanc fané de mon ample chemise. Deux, femmes étaient près de moi, deux femmes et un homme. Le visage de l'une s'est évanoui dans la nuit des temps, chassé par celui de l'autre qui me tient encore tant que je jurerais qu'il me crie sa volonté d'être peint... Ses yeux pleins d'inquiétude et d'étonnement fixent toujours les miens.

Qui était-elle? Elle n'était pas d'ici, et moi... L'homme, lui, hachait des mots que je ne comprenais pas ou dont je ne me souviens plus. Il avait la lividité de ceux dont la violence froide veut exploser. J'ai fait un pas en arrière et mon dos rencontra un mur. L'homme tenait une épée, je ne l'ai vue qu'à cet instant. Plus un mot ne sortait de sa bouche. Une des femmes porta alors les mains au visage. Je ne comprenais rien. Que me voulait-il, qu'avait-il dit? Une vague de froid muette et incisive tomba sur moi. Le fil de l'épée venait de s'enfoncer dans mon côté droit. Une fraction de seconde, la douleur fut insupportable, je sentis mes lèvres se raidir, un voile opaque m'enveloppa instantanément, puis, plus rien... pas même la nuit, un gouffre d'amnésie. Mon guide était assis devant moi et m'écoutait patiemment évoquer ces souvenirs, ces instants que je ne rattachais à rien et qui s'acharnaient à traîner en moi.

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