Des chercheurs suisses vont numériser et encoder sur de l'ADN artificiel, l’album complet Mezzanine du groupe britannique Massive Attack. Cet enregistrement « génétique » sera conservé dans des perles de verre nanométriques qui résisteront aux outrages du temps pendant des centaines de millénaires.
Le numérique a comme principal défaut d’avoir la mémoire qui flanche. Dans deux ou trois siècles à peine, toutes les informations dématérialisées qui sont acheminées par Internet et emmagasinées dans d’immenses centres de données se seront volatilisées. Comment alors transmettre nos précieuses connaissances aux générations futures ? C’est presque simple ! En 2013 des chercheurs étaient parvenus à encoder un enregistrement en mp3 du discours « I have a dream » de Martin Luther King dans des brins d’ADN, la molécule où sont consignées les informations génétiques du vivant.
Une manipulation qui se révélait à l’époque trop complexe et onéreuse pour que ce stockage prometteur dépasse le simple stade de la démonstration. Mais c’était sans compter sur les recherches menées par de nombreux scientifiques consistant à employer des brins d’ADN artificiels. Infiniment plus résistants que leur équivalent biologique, ils permettent aujourd’hui « d’enregistrer » des données binaires, puis d’analyser ce code génétique particulier à l’aide d’un séquenceur, afin de « relire » l’information originelle.
Archivage éternel
Cette technique d’archivage est quasiment éternelle, avaient démontré les scientifiques de l’École polytechnique fédérale de Zurich en Suisse avec les enregistrements de deux morceaux d’anthologie du Festival de jazz de Montreux, Tutu, de Miles Davis et Smoke on the Water, du groupe Deep Purple. Deux titres c’est bien, « et pourquoi pas un album complet ? », ont estimé les chercheurs.
Pour célébrer les 20 ans de son album Mezzanine, le groupe de trip-hop britannique Massive Attack a décidé d’encoder sur de l’ADN artificiel l’intégralité de cet opus qui leur avait assuré une renommée internationale. Une fois synthétisés, ces fragments de base génétique seront ensuite insérés dans 5 000 perles de verre de dimensions nanométriques contenant chacune une partie de l’information. 920 000 brins d’ADN seront nécessaires pour réaliser la sauvegarde complète de l’album. Ces nano-perles qui sont invisibles à l’œil nu seront ensuite plongées dans un minuscule flacon d’eau.
Durée estimée de conservation ? « Des centaines de milliers d’années », précisent les chercheurs de l’École polytechnique fédérale de Zurich. Ils espèrent avoir bouclé toute l’opération d’ici à deux mois. Et pour nous faire patienter, ils nous offrent à l’écoute, sur le site de l’école suisse, dans sa qualité audio « génétique » en quelque sorte, le titre Teardrop, extrait de l’album Mezzanine.
Vous avez des questions ou des suggestions, vous pouvez nous écrire à
[email protected]