A plus d'un titre

Yves Bichet "La Beauté du geste"


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Yves Bichet

" La beauté du geste " (Le Pommier)

« Seuls quelques gestes démodés suscitent encore l'intérêt du public, ceux du tailleur de pierre par exemple, du stucateur, du cintreur. La main du bâtisseur moderne est ennuyeuse. Sa tâche est rebutante même si son entêtement à la poursuivre quelle que soit la saison, qu'il pleuve ou qu'il vente, mérite le respect ou l'admiration. Le maçon éprouve son savoir-faire jour après jour. Il l'améliore discrètement, en silence. Il affine sa technique sans revenir sur les erreurs du passé. Il se fiche de la beauté. Ce qui est fait est fait. Que dire de plus ?… « Qu'avec les mots, bien sûr, c'est l'exact opposé. Qu'on n'en finit jamais de retravailler les phrases, qu'on rature et corrige indéfiniment et que vouloir concilier ces deux activités est une illusion… »

Chronique de Jacques Plaine

YVES BICHET La Beauté du geste Le Pommier Avant d’être romancier, poète et dramaturge, Yves Bichet fut ouvrier agricole pendant neuf ans puis exerça quelques années encore le métier de maçoncouvreur. Aujourd’hui avec ses mots de romancier et de poète – son verbe taillé dans le diamant et son sens du détail qui donne le vertige – Yves Bichet rend hommage au geste. « À l’habileté et à la beauté du geste ». Que ce soient les doigts du chirurgien qui entaillent la peau « avec une précision stupéfiante » ou la main du chef d’orchestre qui « immobilise le temps au bout de sa baguette ». Que ce soit grâce au chef étoilé qui avec une plume d’oie « déleste les groseilles de leurs pépins » pour préparer le fameux caviar de Bar ou que ce soit au cœur de l’arène quand le matador multiplie les passes avant de ployer « le genou pour l’estocade ». De geste en geste, de mot en mot, de récit en récit, Yves Bichet fait revivre le grand-père « réfugié sous la charmille » qui lèche son index chaque fois qu’il tourne la page de son livre, ou s’attarde sur le footballeur qui au début du match « fait un signe de croix en embrassant son ballon ». Il nous offre aussi d’autres moments rares comme celui où un maçon glisse d’un toit, réussit par un incroyable coup de rein un impossible retournement, évite dans sa chute des ferrailles pointues comme des lances, et se retrouve indemne sur le sol. Miraculé, il en oublie son humour de croque-mort et son bégaiement atavique pour se mettre à parler comme vous et moi et à plaisanter comme un carabin. C’est aussi la légende de l’arbre tricentenaire. Un noyer à la plus grosse branche duquel - une ou deux fois par décennie et le lundi matin de préférence - un pendu se balance au bout d’une corde. Reste cette dernière histoire, capitale car elle est celle de plusieurs lectures. L’histoire de l’andaineuse - un vieux râteau mécanique oublié dans une cour de ferme - et que l’auteur va écraser en reculant. Une banale histoire de tracteur mal maîtrisé me direz-vous sauf qu’apprendre à reculer est aujourd’hui le nouvel art de regarder devant soi. Apprendre à regarder derrière pour maîtriser « le grand attelage du progrès qui dérape dans notre dos ».

 

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A plus d'un titreBy Jean-Claude DUVERGER,Anne-Marie VERGNON