Si vous voulez que j’aime encore,Rendez-moi l’âge des amours ;Au crépuscule de mes joursRejoignez, s’il se peut, l’aurore.Des beaux lieux où le dieu du vinAvec l’Amour tient son empire,Le Temps, qui me prend par la main,M’avertit que je me retire.De son inflexible rigueurTirons au moins quelque avantage.Qui n’a pas l’esprit de son âge,De son âge a tout le malheur.Laissons à la belle jeunesseSes folâtres emportements.Nous ne vivons que deux moments :Qu’il en soit un pour la sagesse.Quoi ! pour toujours vous me fuyez,Tendresse, illusion, folie,Dons du ciel, qui me consoliezDes amertumes de la vie !On meurt deux fois, je le vois bien :Cesser d’aimer et d’être aimable,C’est une mort insupportable ;Cesser de vivre, ce n’est rien. »Ainsi je déplorais la perteDes erreurs de mes premiers ans ;Et mon âme, aux désirs ouverte,Regrettait ses égarements.Du ciel alors daignant descendre,L’Amitié vint à mon secours ;Elle était peut-être aussi tendre,Mais moins vive que les Amours.Touché de sa beauté nouvelle,Et de sa lumière éclairé,Je la suivis; mais je pleuraiDe ne pouvoir plus suivre qu’elle.