Brut de décoffrage. Prédication du pasteur Emmanuel Maillard (EERV) donnée à l'église de Gimel le 02.05.21 à l'occasion du lancement du Café Solidaire.
Le mot reconnaissance est un mot incroyablement riche. Il est si riche que le philosophe Paul Ricœur y a consacré son ultime ouvrage paru en 2004. Ricœur meurt en 2005. Cet ouvrage vient comme couronner sa pensée qui reste aujourd'hui encore l'une des pensées les plus prolixes, profondes, de la philosophie occidentale du dernier siècle.
Ricœur commence sa réflexion par une analyse sémantique du mot. L'analyse de Ricœur montre qu'il existe 23 sens possible pour le mot
reconnaissance. Ricœur parle d'une polysémie réglée. C'est à dire d'une évolution du sens du mot ; d'un enrichissement de sens du mot
reconnaissance, au fil du temps. Il note, et c'est un fait très intéressant, que l'évolution d'un sens du mot vers un nouveau sens est la conséquence de ce que le mot laisse entendre à l'usage mais ne dit pas, pas encore explicitement, ou qu'il dit mal.
Ricœur suggère que : “c'est dans les plis de la définition antérieure que se dissimule le non-dit dont la reprise par la définition suivante assure l'apparence de glissement que donne la cohabitation de tant de significations différentes sous l'égide d'un même vocable”.
C'est la raison pour laquelle, Ricœur à intitulé son ouvrage sur la
reconnaissance : “
Parcours de la reconnaissance”. C'est un véritable chemin. Un chemin jalonner de sens, de contre-sens.
Ce chemin n'avait, avant Ricœur, encore jamais été tracé, ni par la philosophie, ni par la théologie. Beaucoup s'étaient déjà penchés sur une théorie de la connaissance. Mais personne avant lui, n'avait pensé une théorie de la reconnaissance.
Or, Ricœur n'était pas seulement un penseur, mais un homme d'action, penser une théorie de la reconnaissance est une condition indispensable pour construire une théorie de l'action.
Concrètement, cela signifie que la reconnaissance, si reconnaissance il y a effectivement, mène indubitablement à l'agir. C'est parce qu'un jour, touts autant que nous sommes, nous avons été reconnus pour ce que nous sommes, pour nos compétences,... que nous sommes devenus des êtres capables d'agir. C'est parce qu'un jour nous avons reconnu chez l'autre ce qui le constitue, ce qui fait de l'autre un autre soi, qu'il est devenu un être capable d'agir.
Et c'est sans grande prétention, qu'avec le groupe Présence & Solidarité de la paroisse de Gimel-Longirod, nous vous invitons à emprunter ce parcours ; ce chemin sur lequel, nous l'espérons, vous voyagerez dans l'univers de ce mot
reconnaissance qui revêt de multiples sens.
Pour ce voyage à travers les mots, à travers le mot reconnaissance et tous ses sens possibles, nous vous proposons d'entendre une histoire. Celle-ci est tirée de la bible, du Nouveau Testament, de l'évangile de Jean. Dans cette histoire, il est question de connaissance, de non reconnaissance, de découverte, de gratitude, de filiation, etc...
Beaucoup d'éléments, dans ce récit, parlent et évoquent la reconnaissance, dont l'ultime étape, rappelons-le, est de nous permettre, à nous, êtres humains, de devenir capable, plus précisément capable d'agir.
Il s'agit du chapitre 9 de l'évangile de Jean. C'est l'histoire d'un homme qui est né aveugle. Nous allons lire ce chapitre en 5 fois. Chaque lecture sera commentée. Nous partirons des petits détails pour terminer sur une approche globale du chapitre. Nous irons d'un plan serré à un plan large qui nous permettra d'appréhender le chapitre dans son entier.
Merci à Margarita Lazareva aux orgues et à Laure Piaget (Jn9,1-5), Geneviève Galé (Jn9,6-12), Christine Mouthon (Jn9,13-18), Manuela Giandferrari (Jn9,19-23), Isabelle Rubin (Jn9,24-29), Christa Bänziger (Jn30-34) et Ruth Lambercy (Jn9,35-41) pour les lectures.