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CHP03 - 01. L’invention de Jésus


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1. L’histoire officielle et les courants dominés

Michel Onfray ouvre sa conférence en rappelant son objectif : déconstruire l'histoire philosophique officielle, souvent écrite par les vainqueurs, qui marginalise les courants alternatifs. Après avoir exploré l’an dernier les résistances à l’idéalisme platonicien à travers des courants comme les sophistes et les épicuriens, il s’attaque ici à l’idéalisme chrétien, en explorant les philosophies qui s’y sont opposées, comme les gnostiques et les épicuriens chrétiens.

2. Jésus, personnage conceptuel

Le cœur de la conférence repose sur la thèse provocatrice de Michel Onfray : Jésus n'aurait pas existé en tant que personnage historique, mais comme une construction conceptuelle. En s’appuyant sur le concept deleuzien de "personnage conceptuel", Onfray affirme que Jésus est une figure inventée par le christianisme, et non l’inverse. Il compare cette création à d'autres figures philosophiques mythifiées, comme Zarathoustra chez Nietzsche.

Il souligne l’absence de preuves archéologiques et textuelles contemporaines à Jésus pour soutenir son existence. Des objets comme le Saint-Suaire ou le tombeau auraient été inventés ou datent de bien après la période supposée de Jésus. Par exemple, le Saint-Suaire de Turin date du XIIIe siècle, et le tombeau aurait été "découvert" par Sainte Hélène au IVe siècle.

3. Le rôle des Évangiles et la forgerie chrétienne

Onfray analyse la construction des Évangiles, qu'il considère comme des textes de propagande visant à convertir les populations du bassin méditerranéen. Il démontre comment ces récits utilisent des topoïs du merveilleux antique (vierges mères, miracles, résurrections) pour séduire un public populaire.

Il souligne également les nombreuses incohérences et contradictions dans les Évangiles synoptiques (Matthieu, Marc, Luc, Jean) concernant des détails cruciaux comme la crucifixion, le titulus (l’inscription sur la croix) ou les apparitions post-mortem. Ces contradictions, pour Onfray, sont le signe d’une construction littéraire et non historique.

4. Le contexte historique et la fabrication du mythe

Le conférencier replace la naissance du mythe chrétien dans un contexte de troubles politiques et religieux. Le territoire est occupé par les Romains, et une ambiance millénariste favorise l'émergence de figures prophétiques annonçant la fin du monde et l’arrivée d’un sauveur. Onfray considère que Jésus est une cristallisation de ces espoirs et peurs collectives.

Il souligne le rôle déterminant de figures comme Paul de Tarse et l’empereur Constantin dans la structuration du christianisme. Paul, qu'il décrit comme "hystérique", aurait amplifié et sublimé la figure de Jésus, tandis que Constantin, avec les conciles, aurait officialisé et imposé une version du christianisme en écartant les textes gênants (évangiles apocryphes) pour créer un corpus cohérent.

5. Les Évangiles apocryphes et les contradictions textuelles

Onfray mentionne les évangiles apocryphes, rejetés par l’Église car trop divergents ou dérangeants. Certains présentent un Jésus trop humain, végétarien ou même joueur, capable de sculpter des oiseaux en terre et de les animer. Ces textes montrent l’étendue des récits possibles autour de Jésus avant que l’Église ne fixe un corpus officiel.

Il s’attarde également sur des invraisemblances dans les textes canoniques : la ville de Nazareth, où Jésus est censé être né, n’existait pas à l’époque, et des dialogues entre Jésus et Ponce Pilate sont improbables en raison des barrières linguistiques.

💡 Conclusion

Michel Onfray conclut que Jésus est une invention du christianisme, un personnage conceptuel conçu pour répondre aux besoins politiques et spirituels d’une époque troublée. Les Évangiles sont des récits performatifs — ils créent la réalité qu’ils prétendent décrire. La figure de Jésus synthétise les espoirs millénaristes et les aspirations à un monde nouveau, tout en servant les intérêts idéologiques d’une Église en construction. Onfray invite à lire les textes sacrés comme des œuvres littéraires païennes, et non comme des récits historiques.

📚 Philosophes mentionnés

* Pythagore (env. 570 av. J.-C. – env. 495 av. J.-C.) — Philosophe et mathématicien grec, initiateur de doctrines mystiques.

* Socrate (env. 470 av. J.-C. – 399 av. J.-C.) — Philosophe grec, figure fondatrice de la philosophie occidentale.

* Épicure (341 av. J.-C. – 270 av. J.-C.) — Philosophe grec, fondateur de l’épicurisme.

* Diogène Laërce (IIIe siècle) — Historien grec, auteur de Vies, doctrines et sentences des philosophes illustres.

* Paul de Tarse (5 – 67) — Apôtre du christianisme, considéré comme l’un des fondateurs du christianisme.

* Constantin Ier (272 – 337) — Empereur romain, converti au christianisme et instigateur du concile de Nicée.

* Lorenzo Valla (1407 – 1457) — Humaniste italien, auteur de De voluptate, fondateur de l’épicurisme chrétien.

* Érasme (1466 – 1536) — Humaniste hollandais, promoteur d’un christianisme épicurien.

* Michel de Montaigne (1533 – 1592) — Philosophe et essayiste français, influencé par Érasme et l’épicurisme chrétien.

* John L. Austin (1911 – 1960) — Philosophe du langage britannique, auteur de Quand dire, c’est faire.

* Gilles Deleuze (1925 – 1995) — Philosophe français, créateur du concept de "personnage conceptuel".

Crédits : Michel Onfray et la Contre-histoire de la philosophie



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