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CHP09 - 04. Le valet de Fénelon


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1. Introduction

Dans cet épisode, Michel Onfray approfondit sa critique de William Godwin, en particulier sur les limites et les paradoxes de son utilitarisme. Il illustre cette critique par l’anecdote du valet de Fénelon, qui met en lumière la conception radicale de l’utilité sociale chez Godwin. En parallèle, Onfray oppose l’utilitarisme anglo-saxon à l’éthique kantienne, révélant ainsi deux visions fondamentalement opposées de la morale.

2. Godwin et la morale conséquentialiste

L’opposition entre utilitarisme et déontologie

Onfray rappelle que l’utilitarisme repose sur deux principes fondamentaux :

* Le relativisme moral : il n’existe pas de bien ou de mal absolu, tout dépend du contexte et des conséquences.

* Le conséquentialisme : une action est bonne ou mauvaise en fonction de ses résultats.

À l’inverse, Kant défend une morale absolue, où certaines actions (comme le mensonge) sont toujours interdites, quelles que soient les circonstances.

L’exemple de la promesse

Godwin applique son utilitarisme à la question de la promesse :

* Pour Kant, une promesse doit toujours être tenue, car ne pas la respecter détruirait la confiance et la source du droit.

* Pour Godwin, une promesse n’a de valeur que si elle est utile à l’intérêt général. Si la rompre sert un bien supérieur, elle doit être violée.

3. L’anecdote du valet de Fénelon : une morale froide et calculatrice

Le dilemme moral

Godwin pose un cas hypothétique :

* Un incendie éclate dans un château.

* Deux personnes sont en danger : Fénelon, philosophe et auteur du Télémaque, et son valet, un homme ordinaire.

* Il faut choisir qui sauver.

La logique utilitariste de Godwin

Godwin affirme qu’il faut sauver Fénelon plutôt que son valet, car :

* Fénelon a plus de valeur pour la société en raison de son œuvre et de son influence.

* Le valet est remplaçable, car n’importe qui peut accomplir ses tâches domestiques.

* L’utilité sociale prime sur l’égalité ontologique.

Un raisonnement contesté

Onfray critique cette vision, soulignant qu’elle :

* Justifie une hiérarchie entre les êtres humains en fonction de leur utilité sociale.

* Écarte toute considération humaniste, où chaque vie devrait avoir la même valeur.

* Préfigure certaines dérives totalitaires, où l’individu est sacrifié au nom d’un prétendu bien commun.

4. L’impact de l’utilitarisme sur la pensée moderne

De Godwin à Bentham et Mill

Onfray montre que Godwin préfigure l’utilitarisme moderne, repris et systématisé par :

* Jeremy Bentham, avec sa théorie du plus grand bonheur du plus grand nombre.

* John Stuart Mill, qui nuance l’approche en intégrant des valeurs libérales et humanistes.

Un débat encore d’actualité

L’opposition entre utilitarisme et éthique déontologique continue d’animer les débats contemporains :

* En bioéthique, sur des sujets comme l’euthanasie ou le tri des patients en médecine.

* En philosophie politique, sur la balance entre sécurité collective et libertés individuelles.

5. Une critique de la vision absolutiste de l’utilité

L’utilité peut-elle justifier toutes les actions ?

Onfray met en garde contre les dérives potentielles de l’utilitarisme radical :

* L’idée qu’un individu a moins de valeur qu’un autre peut mener à des discriminations systémiques.

* La notion d’intérêt général est souvent définie par ceux qui détiennent le pouvoir, ce qui pose la question de son objectivité.

* Un monde fondé uniquement sur l’utilité risque de devenir froid et mécanique, déshumanisant les relations sociales.

L’importance d’une éthique équilibrée

Onfray propose une approche plus nuancée :

* Reconnaître l’importance des conséquences, sans tomber dans un cynisme total.

* Intégrer une dimension humaniste, qui préserve la dignité de chaque individu.

* Ne pas sacrifier les principes moraux au nom d’un hypothétique bien collectif.

💡 Conclusion

Michel Onfray utilise l’anecdote du valet de Fénelon pour illustrer les limites de l’utilitarisme de Godwin et son potentiel danger moral. Il souligne la nécessité d’une approche éthique qui ne se limite pas à une froide rationalité, mais qui intègre des valeurs humanistes et un respect égalitaire des individus.

📚 Philosophes mentionnés

* Platon (env. 428 av. J.-C. – 348 av. J.-C.) — Philosophe idéaliste, influençant la pensée politique.

* Épicure (341 av. J.-C. – 270 av. J.-C.) — Philosophe matérialiste et hédoniste.

* Lucrèce (env. 94 av. J.-C. – env. 55 av. J.-C.) — Poète et philosophe épicurien.

* Pierre Gassendi (1592 – 1655) — Philosophe empiriste et matérialiste.

* René Descartes (1596 – 1650) — Philosophe rationaliste, défenseur du dualisme.

* Baruch Spinoza (1632 – 1677) — Philosophe rationaliste et panthéiste.

* Jean-Jacques Rousseau (1712 – 1778) — Philosophe des Lumières, théoricien du contrat social.

* Claude-Adrien Helvétius (1715 – 1771) — Philosophe des Lumières, théoricien du bonheur collectif.

* Paul-Henri Thiry d’Holbach (1723 – 1789) — Philosophe matérialiste, critique du christianisme et défenseur d’une éthique rationaliste.

* Immanuel Kant (1724 – 1804) — Philosophe idéaliste, fondateur de la morale déontologique.

* Jeremy Bentham (1748 – 1832) — Fondateur de l’utilitarisme moderne.

* William Godwin (1756 – 1836) — Philosophe et écrivain britannique, associé au proto-anarchisme et au rationalisme utilitariste.

* John Stuart Mill (1806 – 1873) — Philosophe utilitariste et libéral.

* Friedrich Nietzsche (1844 – 1900) — Philosophe allemand, critique du rationalisme et du christianisme.

* Gilles Deleuze (1925 – 1995) — Philosophe français, auteur de Le Pli. Leibniz et le baroque.

Crédits : Michel Onfray et la Contre-histoire de la philosophie



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