Bonjour c'est Aliénor ; bienvenue dans "Comment C'est Arrivé Là ?", je vous présente tous mes vœux pour cette nouvelle année. Aujourd'hui, le champagne à propos duquel son créateur supposé Dom Pérignon aurait dit, en appelant ses frères "venez vite je goûte les étoiles"
Je vais contredire Mark Twain qui voulait qu'on ne laisse jamais la vérité gâcher une bonne histoire. -Oups-
Le vin, consommé depuis l'antiquité par les romains, est importé en Gaule dans des amphores en céramique à deux anses recouvertes de cire d'abeille pour en limiter la fragilité et permettre une meilleure étanchéité. Cependant, ils adoptèrent rapidement le tonneau, en pin ou en chêne, dans lesquels les gaulois stockaient la bière, jugés plus pratiques.
Vers 1600 nos amis anglais (oui, je parle souvent d'eux !) cherchent un meilleur moyen que les tonneaux pour conserver le vin qu'ils importent de France. En effet, ils achètent du vin de Champagne, alors un vin tranquille (en opposition aux vins effervescents) auquel ils ajoutent du sucre de canne ou de la mélasse. (c'est anglais ça) Ça entraîne une nouvelle fermentation et donc de l'effervescence, quand il est consommé rapidement. Sinon le gaz carbonique qui produit les bulles s'échappe du tonneau.
Si la bouteille en verre est connue, suite à sa création par les vénitiens, elle reste à l'époque un produit rare et chère car difficile à produire. Cependant, elle est un contenant hermétique et chimiquement neutre donc idéal pour le vin. Seulement, en Angleterre, on ne sait pas produire du verre assez solide pour contenir un vin effervescent, ou même supporter le transport.
La solution vient de la guerre. Le roi Jacques 1ier décide en 1615 de réserver le bois anglais pour la construction des bateaux, et interdit qu'on s'en serve pour alimenter des fours. À la recherche d'un nouveau combustible, les maîtres verriers anglais se tournent vers le charbon. Et c'est le jackpot, car le charbon permet une température des four plus élevée ce qui produit un verre plus épais et plus solide.
En 1623 Sir Kenelm Digby, chimiste, et Sir Robert Mansel, technicien du verre, allient leurs connaissances et développent le travail de la baguette de souffleur pour combiner la chaleur des fours et la concentration en oxygène. Ils créent en quelques années la bouteille vert foncé ou marron aux parois épaisses et résistantes : le verre anglais. En 1625, ils obtiennent le monopole de la bouteille en verre produite en série, solide et bon marché qui rend possible le stockage de vin effervescent à forte pression.
En 1693 madame de Maintenon fait remplacer le médecin du roi Louis XIV par Guy Crescent Fagon. Il prescrit de remplacer le vin de Champagne, jugé trop acide pour soigner les désagréments digestifs du roi, par ceux de Bourgogne. Crise politique majeure. Depuis toujours, les comtes de Champagnes sont de fidèles alliés de la couronne de France, on boit les vins rouge pâle et tranquille d'Aÿ, Sillery ou Vertus à la cour. Les ducs de Bourgogne, en revanche, se sont par le passé ralliés aux ennemis de la France : l'Espagne ou l'Angleterre. Leur rattachement fidèle au royaume n'est pas si vieux, mais stable depuis quelques dizaines d'années et la proposition est jugée acceptable. De plus, la région, pacifiée, a eu le temps de travailler ses vins, et la Saône qui la traverse permet de commercer du Nord de la France jusqu'au Sud. (tant qu'on ramène de l'argent dans le calme, en politique, ça aide) Les champenois s'estiment trahis, crient au complot, et surnomment madame de Maintenon "la putain du roi". C'est à peu près à cette époque qu'ils s'inspirent des vins mousseux et sucrés vendus dans le nord de la France par les Hollandais.
En ce début de XVIIIième siècle, la Champagne commence néanmoins à produire ce qu'on appelle des vins « à saut de bouchon ». Le cocktail vin un peu acide associé au sucre active la production de levure. Mais conservé au froid, les levures sont mises en dormance. Or l'époque est à une petite air glacière entre 1700 et 1760, ce qui fait que le vin peut être parfois servit mousseux lorsque la température remonte et que les levures s'activent. Mais le dosage n'est pas encore maîtrisé, et la quantité, voire la présence de mousse reste aléatoire.
Le broquelet, utilisé à l'époque pour fermer les bouteilles est un simple cylindre de bois entouré de chanvre et recouvert de suif. Peu élégant, il ne donne pas très envie, et surtout, il ne résiste pas toujours à la pression. Ce sont les Anglais (toujours eux, mais pour les choses importante, on collabore plutôt que de se taper dessus) qui importent le liège du Portugal et décident de copier les apothicaires et pharmaciens qui l'utilisent pour boucher leurs flacons. Dans les années 1820, le champenois (cocorico !) Adolphe Jaquson met au point le muselet, ce fil de fer torsadé qui bloque le bouchon, ainsi que la capsule en métal, qui est la même qu'aujourd'hui, et recouvre également les bouteilles d'autres boissons gazeuses, alcoolisées ou non.
Il est recommandé à certaines époque de porter un casque en fer pour descendre dans les caves, à cause des explosions de bouteilles. Ce phénomène risque non seulement de blesser au visage, mais peut faire perdre jusqu'à 30% de la production annuelle. Tout au long du XIXième siècle, avec les travaux de Jean-Antoine Chaptal puis de Jean-Baptiste François, l'avancée se fait sur la régularité de la pression dans la bouteille. Le rôle des levures ne sera complètement connu et expliqué qu'avec les études de Pasteurs, au début du 20ieme siècle.
Les grands noms du Champagne tels que la Veuve Clicquot, négociante mondialement reconnue commencent à faire rayonner ce produit de luxe.
Et notre Dom Pérignon ? Un coup de com, dans les années 1970, lorsque Moët et Chandon racheta les champagnes Mercier sur les terres desquelles se trouve l'abbaye de St Pierre d'Hautvillers. Ils choisirent de détourner le talent du chef de l'office. Le moine de la fin du XVIIième siècle, connu pour son talent de gestionnaire, et sa parfaite identification du raisin, au coteau près en dégustation, devient une icône du champagne. Pourtant, es écrits et ceux de ses successeurs directs ne mentionnent aucune trace de travail sur le vin effervescent. La Champagne n'obtient l'autorisation royale de mise en bouteille - condition indispensable pour conserver l'effervescence- pour le vin qu'en 1728, soit 13 ans après le décès de notre Bénédictain..
Que cela ne vous empêche pas de profiter sans modération de la nouvelle année qui commence. Belle journée à tous, à l'écoute du son unique.