Bonjour, et bienvenue dans Comment C'est Arrivé là ? Aujourd'hui, avec l'actualité chargée du mois de juin, restons dans une actualité assez récente.
Je voudrais vous parler d'une série de messages qui ont déterminé la vie de nombreuses personnes. De messages qu'il est important de se rappeler. De messages qui ont eux aussi leurs petites anecdotes. De messages aux Français, lancé depuis l'Angleterre, pour appeler à la désobéissance militaire et civile. De messages d'espoir, de valeurs, de résistance. Je veux parler du célèbre appel du 18 juin, qui pourtant ne mérite pas complètement sa date. Comment ça, on nous a menti ? Pas d'affolage, on a juste regroupé sous la date initiale les différentes versions d'un texte. C'est tout au plus de la propagande bien gérée. Après tout, en temps de guerre comme en dictature, une bonne propagande, c'est la base !
Je replace un peu de contexte. Après avoir exposé son plan à Paul Reynaud, alors président du conseil (aujourd'hui on dirait premier ministre), le général De Gaulle arrive à Londres le 17 juin 1940 afin de négocier la poursuite de la guerre avec les Britanniques. Il rencontre le Premier ministre local, Winston Churchill et lui expose son projet de maintenir la France dans le combat même si une décision contraire est prise par le gouvernement installé à Bordeaux. Il émet le souhait de s'exprimer à la radio dès que la nouvelle de la demande d'armistice tombera. Churchill donne son accord de principe et met à disposition la BBC.
À l'époque, la BBC émet en grandes et ptites ondes. Elle a un rayonnement international qui lui permet de diffuser en Europe, et donc en France. Elle figure, en grandes ondes, avec la radio du Luxembourg parmi les émetteurs reçus par les postes de radio français.
Le 17 juin à 12h30, Philippe Pétain, nouveau chef du Gouvernement français suite à la démission de Paul Réynaud, annonce dans un discours officiel à la radio qu'il choisit de cesser le combat et de demander à l'ennemi la signature d'un armistice. Churchill et de Gaulle conviennent alors que le général Français s'exprimera dès le lendemain sur les ondes.
Winston, partisan de la fermeté contre Hitler et de la poursuite de la lutte, doit cependant écarter les réticences de certains membres du cabinet, notamment le ministre des Affaires étrangères lord Halifax, Neville Chamberlain ou Clement Attlee, qui ne veulent pas interférer dans les négociations engagées par le gouvernement Pétain et souhaitent attendre de voir s'il va effectivement signer l'armistice.
L'après-midi du 18 juin, dans l'appartement de Seamore Place à Londres qu'occupent de Gaulle et son aide de camp Geoffroy de Courcel, Élisabeth de Miribel (vous me connaissez, j'ai trouvé une femme, je la mets en avant) tape à la machine le texte du discours, dont le général de Gaulle avait rédigé un premier brouillon avant son départ de France. De Gaulle transmet les éléments de son discours au ministre de l’Information Duff Cooper qui en communique le projet à Churchill. L'après-midi, le général corrige son texte « en fumant cigarette sur cigarette " (à l'époque le tabac n'est pas tabou ).
Le gouvernement britannique impose toutefois des corrections, via Duff Cooper. De Gaulle doit rendre son texte plus neutre, le cabinet de guerre britannique veut ménager le nouveau chef du gouvernement français officiel : le début du discours évoquant la trahison du gouvernement de Pétain qui s'est « mis en rapport avec l'ennemi » est modifié.
Le grand Charles enregistre son texte à 18 h, heure locale, le mardi 18 juin 1940 ; le discours est annoncé dans le programme de la BBC à 20h15 et diffusé à 22h. Ce texte sera peu entendu, les troupes étant prises dans la débacle, et l'enregistrement a été perdu.
Le texte issu du Ministry of Information (MOI) est communiqué par la BBC à la presse britannique du lendemain, il est publié le 19 juin 1940 par The Times en page 6, et le Daily Express, puis, repris par quelques journaux régionaux français, comme Le Progrès de Lyon, Le Petit Marseillais, Le Petit Provençal, en première page, dans la version prononcée à la radio qui censure deux phrases jugées trop sévères à l'encontre du Gouvernement français et étrangers. Au Québec, Le Soleil signale l'appel du général. Le journal Shenbao, de Shanghai », évoque le général les 24 et 25 juin. Le Los Angeles Times, le New York Times reprennent également une version écrite du texte.
La version originale sera publiée dans le "Bulletin officiel des Forces françaises libres" du 15 août 1940, dans le premier numéro du "Journal officiel de la France libre" le 20 janvier 1941, puis dans l'ensemble des recueils de discours du général de Gaulle.
Le Général de Gaulle retournera à la BBC le 22 juin pour reprendre son discourt quelque peu remanié suite à la signature de l'armistice et c'est cet enregistrement qui est parvenu jusqu'à nous. Une version filmée, à destination des actualités cinématographique sera réalisée le 2 juillet 1940. Enfin, un texte intitulé "l'appel aux Français" souvent confondu avec le message radiophonique est placardé sur des affiches dans les rues de Londres à partir du 5 aout 1940.
Je vous laisse le texte officiel dans la description du podcast, et je vous souhaite une exellente journée à l'écoute du son unique.
« Les chefs qui, depuis de nombreuses années, sont à la tête des armées françaises, ont formé ungouvernement. Ce gouvernement, alléguant la défaite de nos armées, s'est mis en rapport avecl'ennemi pour cesser le combat.Certes, nous avons été, nous sommes submergés par la force mécanique, terrestre et aérienne del'ennemi.Infiniment plus que leur nombre, ce sont les chars, les avions, la tactique des Allemands qui nousfont reculer. Ce sont les chars, les avions, la tactique des Allemands qui ont surpris nos chefs aupoint de les amener là où ils en sont aujourd’hui.Mais le dernier mot est-il dit ? L'espérance doit-elle disparaître ? La défaite est-elle définitive ?Non !Croyez-moi, moi qui vous parle en connaissance de cause et vous dis que rien n’est perdu pour laFrance. Les mêmes moyens qui nous ont vaincus peuvent faire venir un jour la victoire.Car la France n'est pas seule ! Elle n'est pas seule ! Elle n'est pas seule ! Elle a un vaste Empirederrière elle. Elle peut faire bloc avec l'Empire britannique qui tient la mer et continue la lutte.Elle peut, comme l'Angleterre, utiliser sans limites l'immense industrie des Etats-Unis.Cette guerre n'est pas limitée au territoire de notre malheureux pays. Cette guerre n'est pastranchée par la bataille de France. Cette guerre est une guerre mondiale. Toutes les fautes, tousles retards, toutes les souffrances n'empêchent pas qu'il y a, dans l'univers, tous les moyens pourécraser un jour nos ennemis. Foudroyés aujourd'hui par la force mécanique, nous pourronsvaincre dans l'avenir par une force mécanique supérieure. Le destin du monde est là.Moi, général de Gaulle, actuellement à Londres, j'invite les officiers et les soldats français qui setrouvent en territoire britannique ou qui viendraient à s'y trouver, avec leurs armes ou sans leursarmes, j'invite les ingénieurs et les ouvriers spécialisés des industries d'armement qui se trouventen territoire britannique ou qui viendraient à s'y trouver, à se mettre en rapport avec moi.Quoi qu'il arrive, la Flamme de la résistance française ne doit pas s'éteindre et ne s'éteindra pas.Demain, comme aujourd'hui, je parlerai à la radio de Londres. »