Comment c'est arrivé là ?

Comment c'est arrivé là ? Un weekend de Midinette


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Bonjour à tous, c'est Aliénor, bienvenue dans Comment c'est arrivé là, votre rendez-vous des anecdotes un peu fêlées de l'histoire.
Nous sommes vendredi, veille de week-end pour la plus part. Week-end, un anglicisme bien ancré dans notre vocabulaire depuis la première guerre mondiale. 
Si loin et en même temps si proche. Notre petit tour dans le passé aujourd'hui nous fait remonter au mois de mai 1917. À cette époque, la durée du temps de travail hebdomadaire est de 72 heures répartis en 12 heures sur 6 jours dans les ateliers où ne travaillent que les hommes mais hum bon, la plupart sont au front, donc on va se tourner vers les ateliers mixtes, où la semaine est bloquée à 60 heures, soit 10 heures journalières pour les femmes.
Passons aux exceptions, les ateliers d'État fonctionnaient 49 heures par semaines, soit un peu plus de 8 heures par jour notamment dans les arsenaux, on ne plaisante pas avec la concentration de ceux qui manient littéralement la poudre.
En cette troisième année de guerre, les commandes des ateliers de couture sont en nette baisse. Si ces dames se doivent de rester jolie pour entretenir le moral de leurs hommes postés dans les tranchées ou autres villégiatures guerrières du moment, la priorité n'est pas à la mode, mais à l'économie de guerre.
Les couturières des ateliers, qu'on surnomme les midinettes, celle qui font la dînette, un repas rapide, à midi , voient leur semaine de travail, et donc leur salaire amputé d'une demi-journée faute de commandes à honorer. Or, la guerre est mondiale, les moyens de communication commencent aussi à se développer, et ces dames savent que de l'autre côté de la Manche, leurs consœurs anglaises bénéficient bien de leur samedi après-midi de repos, mais avec maintient de leur salaire dans son intégralité, ce qu'on appelle "la semaine anglaise"
Le 11 mai 1917, les cousettes de l'atelier Jenny descendent dans les rues de Paris, pour réclamer la "semaine anglaise" et une indemnité de vie chère d'1 franc par jour. Leurs revendications se portent sur le respect de leur santé, ainsi que leur volonté de ne pas être une charge matérielle pour leurs époux. Hé oui, on n'a pas attendu de pouvoir ouvrir nos compte en banque nous-même pour vouloir notre indépendance financière !
Le mouvement s'étend à toutes les maisons de coutures de la capitale, et en deux semaines, elles obtiennent le soutien des patrons des maisons de coutures, des modistes qui comme leur nom l'indiquent, fabriquent les chapeaux, et des fourreuses dont le métier est plus évident. 
 Si ce mouvement de grève ouvrière est l'un des 17 ayant eu lieu cette année là, qui porte bien son chiffre, il s'inscrit dans un contexte social tendu. L'union sacrée de 1914 s'est rapidement délitée, 1915 a vu 100 mouvements de grève et 1916 presque 300, il est cependant vu avec bienveillance par les autorités, contrairement à celui entamé quelques mois plus tôt par les ouvrières de l'armement. Il n'y a visiblement pas que dans la poudre que le torchon brûle !
Les Parisiens, eux, sont plutôt amusés de voir défiler ces dames et demoiselles dans leurs élégantes robes noires et leurs chapeaux à la mode. Ces black blocs d'il y a un siècle ont de sérieuses leçons de dignité et d'allure à enseigner à leurs successeurs de notre époque ! 
Le journal l'Ouest Éclair publie même dans ses colonnes le 26 mai 1917 " Lorsque les travailleuses de la France auront toutes obtenu la semaine anglaise, elles se souviendront que c'est à la grève de la couture parisienne qu'elle devront cet avantage"
Le 11 juin 1917, soit un mois après le début du mouvement, les Midinettes obtiennent gain de cause; et une loi est votée autorisant une demi-journée de repos sans perte de salaire, le samedi, pour tous les ouvriers du textile, conformément à la semaine anglaise, pour la durée de la guerre posant ainsi les prémices du week-end. 
En 1919, la mesure s'étend à tous les travailleurs français, et le temps de travail journalier est ramené à 8h. 
Ce n'est qu'en 1936, avec l'obtention de la semaine de 40h, que le week-end prend la dimension qu'il a actuellement, et permet de consacrer du temps de repos aux loisirs en plus du dimanche traditionnellement dévolu à la famille.
Je vous souhaite une belle journée sur Sun, et vous laisse avec Jean Gabin qui vous invite à une promenade en bord de Seine.
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Comment c'est arrivé là ?By SUN | Le Son Unique