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L’ère de l’IA générative a bouleversé de nombreux métiers, et le copywriting figure en première ligne de cette transformation. Entre enthousiasme initial et désillusion, où se situe la vérité ? Sélim Niederhoffer est l’auteur du best-seller Le guide du copywriting vendu à plus de 15 000 exemplaires. Eyrolles vient de publier une nouvelle édition enrichie de cet ouvrage avec 80 pages inédites. Fort des questions de centaines de copywriters formés depuis 2021, le livre offre un regard lucide sur l’avenir du copywriting à l’ère de l’IA. Lors d’un webinaire organisé par Visionary Marketing, il a exploré la réalité du métier face aux outils génératifs. Il y a détaillé les nouvelles compétences requises et la valeur irremplaçable de la créativité humaine malgré l’automatisation. Voici un résumé commenté de ce webinaire que vous pourrez découvrir en intégralité sur notre chaîne vidéo ou en podcast.
Le succès du Guide du copywriting ne doit rien au hasard. Avec près de 500 commentaires sur Amazon et des dizaines de milliers de lecteurs conquis, l’ouvrage s’est imposé comme la référence francophone sur le sujet. Sélim Niederhoffer identifie trois facteurs clés de ce succès. D’abord, la qualité intrinsèque du contenu, saluée massivement par les lecteurs. Ensuite, un timing parfait. La sortie en mars 2021, en plein troisième confinement, alors que de nombreux professionnels aspiraient à se reconvertir. Par ailleurs, le marché français ne proposait aucune véritable référence récente en librairie. Enfin, une approche pédagogique unique où chaque chapitre constitue une méthode concrète applicable immédiatement.
Pour cette édition 2025, l’auteur a mené un travail de fond considérable. Il confie avoir d’abord relu intégralement la première version. Cela lui a permis d’éliminer ce qui n’était plus pertinent dans le contexte actuel.
Par ailleurs, le livre s’est enrichi de 80 pages nouvelles intégrant cinq années de pratique professionnelle intensive. Parmi les ajouts majeurs figure naturellement un chapitre consacré à l’intelligence artificielle. À cela on ajoutera le copywriting des réseaux sociaux, et un approfondissement sur comportements consommateurs et parcours d’achat. Il reconnaît avoir sous-estimé ce dernier critère en 2021.
Une décision éditoriale important mérite qu’on y prête attention. Sélim a choisi de révéler l’architecture idéale pour une page produit qu’il enseignait jusqu’alors uniquement dans ses formations payantes. Cette approche suscite naturellement l’interrogation : pourquoi offrir ce qui constituait un avantage concurrentiel ? Sa réponse traduit une vision profondément démocratique de la connaissance. Il explique adopter une approche républicaine du savoir. Il souhaite que chacun puisse accéder aux ressources nécessaires pour lancer son activité. Particulièrement ceux qui, comme lui autrefois, ne viennent pas d’un milieu familiarisé avec le langage du business.
Cette philosophie du partage s’inscrit dans une réflexion plus large sur la circulation des idées. Sélim Niederhoffer n’ignore pas que son ouvrage fait l’objet de piratage sur diverses plateformes illégales, mais refuse de s’en offusquer. Il y voit une forme de validation et se souvient avoir, à ses débuts, eu recours au téléchargement illégal de musique par manque de moyens, avant d’investir massivement dans des places de concert. Cette réciprocité différée lui semble incarner l’essence même des échanges humains. Il fait référence au concept anthropologique du don et du contre-don. Celui-ci a été théorisé par Marcel Mauss dès 1905, rappelant que ces mécaniques psychologiques transcendent les époques.
Pour Marcel Mauss le don/contre-don est une forme de contrat social, basé sur la réciprocité, pour appartenir à une société. Mais le don/contre-don a aussi une logique économique (laquelle est loin d’être uniquement basée sur l’utilitarisme)
SI & Management (Pr Bernard FALLERY)
Selon Sélim, « un jeune de 20 ans qui pirate aujourd’hui son livre pourrait devenir un collaborateur dans dix ans ». Pour lui, la valeur réside moins dans le contrôle que dans la dissémination des connaissances. Pour corroborer ses dires, nous avons cité l’exemple emblématique de Seth Godin. Celui-ci, en 1999, offrit gratuitement son livre Unleashing the Ideavirus. Pourtant il sa version commerciale resta au sommet des ventes Amazon pendant cinq années consécutives. Ce livre est toujours disponible gratuitement sur le site de Visionary Marketing, et cela vous donnera peut-être l’envie de l’acheter.
L’arrivée de ChatGPT et des intelligences artificielles génératives a provoqué une onde de choc dans l’écosystème du copywriting. Sélim Niederhoffer décrit avec franchise ce parcours émotionnel collectif. D’abord le vertige face à un outil générant du texte à une vitesse surhumaine, puis une réelle inquiétude professionnelle. Celle-ci s’est matérialisée par une baisse de 30% des missions disponibles sur les plateformes de free-lance. Cette statistique, que nous n’avons pas pu confirmer formellement semble cependant en phase avec nos observations du terrain. Du moins dans certains secteurs comme la conception, le design et le marketing. Ceci tendrait à montrer, l’impact des nouvelles avancées technologiques sur certains pans du marché du travail indépendant.
Pourtant, après ce moment de flottement, une troisième phase s’est dessinée : l’apprentissage d’une utilisation intelligente de ces outils. Niederhoffer partage sa méthodologie personnelle qui illustre parfaitement cette complémentarité homme-machine. Il commence toujours par un travail de conception analogique, stylo et papier en main, élaborant son plan, structurant ses idées, définissant sa stratégie. Ce n’est qu’ensuite qu’il sollicite l’IA comme un « sparring partner créatif », lui demandant d’améliorer une accroche (« hook »), de raccourcir une formulation, d’ajouter du rythme ou de la musicalité à un passage.
À l’inverse du vocable de copywriting, son équivalent français de concepteur-rédacteur révèle une vérité fondamentale souvent occultée dans les débats sur l’automatisation : avant la rédaction vient la conception. L’idée, la stratégie, le positionnement créatif ne peuvent émerger ex nihilo d’une IA.
Sélim insiste sur ce point crucial : seul l’humain peut poser les bonnes questions, celles qui permettront à l’intelligence artificielle de générer des réponses pertinentes. Sans maîtrise de concepts fondamentaux comme la pyramide de Maslow, les Life Force 8 de Drew Eric Whitman, ou le SONCAS (ou SONCASE si on y ajoute l’environnement) sur les motivations d’achat, impossible de solliciter efficacement l’IA.
Cette réalité se résume dans l’adage américain qu’il cite : « You don’t know what you don’t know » – on ne sait pas ce qu’on ne sait pas. On aurait pu citer Socrate également, les vérités les plus profondes sont souvent éternelles.
Ainsi, un utilisateur qui ignore l’existence du SONCAS ne peut demander à ChatGPT de construire une séquence d’emails respectant chaque élément de cette grille d’analyse. La formation, loin de perdre sa pertinence, devient au contraire le socle indispensable pour tirer parti de ces outils. D’ailleurs, Sélim constate que tous ses clients du CAC 40 lui demandent désormais d’intégrer la maîtrise de l’IA à ses formations en copywriting, preuve que les grandes organisations reconnaissent l’importance de cette complémentarité.
Une question légitime se pose néanmoins : si le client ne connaît ni la pyramide de Maslow ni le SONCAS, pourquoi paierait-il pour une expertise dont il ne perçoit pas la valeur ?
Sélim Niederhoffer reconnaît la complexité de cet enjeu commercial. La situation varie considérablement selon la maturité du client. Un jeune entrepreneur lancé dans le dropshipping, armé de tutoriels YouTube sur l’automatisation et d’outils low-code comme Lovable pour créer son site Shopify, ne se posera pas immédiatement la question de la qualité éditoriale. Son point focal restera le retour sur investissement à court ou très court terme.
En revanche, deux barrières psychologiques persistent chez tout client potentiel, même armé d’IA. Premièrement, l’incertitude quant à ses propres capacités : il doute de savoir évaluer la qualité de ce que produit ChatGPT et préfère s’en remettre à un professionnel de l’écriture et de la communication. Deuxièmement, et peut-être plus déterminant, le manque d’envie ou de temps. Même avec l’IA qui facilite grandement le processus, créer du contenu de qualité demeure chronophage et exigeant. Ces deux facteurs garantissent la pérennité du métier, même si le volume global de missions diminue structurellement.
Face à la surenchère visuelle des plateformes sociales et à l’efficacité apparente des contenus vidéo, d’aucuns prophétisent la mort du texte. Sélim Niederhoffer réfute cette idée avec des arguments historiques et pratiques. Il rappelle que depuis les années 1960 et la révolution créative de Bill Bernbach chez DDB, le métier s’est organisé en binômes complémentaires : le copywriter pour les mots, le directeur artistique pour le visuel. Cette complémentarité n’a jamais signifié la subordination de l’un à l’autre.
Plus encore, le texte conserve une puissance intrinsèque indéniable. La preuve la plus éclatante reste cette publicité légendaire de Martin Conroy pour le Wall Street Journal, composée exclusivement de texte, qui raconte l’histoire de deux hommes au parcours identique dont l’un devient patron d’usine et l’autre simple manager intermédiaire. La différence ? L’un lit le Wall Street Journal. Cette page de vente, considérée comme la plus rentable de l’histoire publicitaire, a tourné pendant 29 années consécutives, générant des millions de dollars de revenus. Elle ne fut remplacée que lorsqu’une variante parvint enfin à surpasser ses performances.
Niederhoffer confirme par ailleurs que ses propres tests démontrent l’efficacité persistante des publications textuelles sur LinkedIn, malgré les algorithmes favorisant la vidéo. Les mots déclenchent toujours des guerres, on le déplore, mais on ne peut nier leur impact, comme l’a démontré la fameuse dépêche d’EMS. Les mots fédèrent aussi des mouvements, construisent des idéologies. Dans le commerce, le choix même d’un vocabulaire n’est pas anodin : en B2B on recherche la rationalité et l’investissement, en B2C le plaisir et l’émotion. Le mot, loin d’être mort, conserve pleinement son pouvoir d’influence.
À ce stade de la discussion, une interrogation s’impose à nous. Les intelligences artificielles (le pluriel sied mieux), nourries de millions d’œuvres littéraires, de chansons, de scénarios cinématographiques et d’analyses psychologiques, peuvent-elles égaler voire surpasser l’humain dans la compréhension des mécanismes émotionnels ? Niederhoffer répond avec honnêteté : probablement oui, à terme. Leur base d’entraînement dépassant infiniment les capacités humaines individuelles, elles excellent déjà dans les diagnostics médicaux avec un taux de réussite de 95% selon Microsoft (même si l’INSERM nuance ce résultat).
Les signaux actuels confirment cette trajectoire. Sam Altman, patron d’OpenAI, révèle que les utilisations de ChatGPT pour des conseils psychologiques et relationnels représentent une part considérable du trafic. Sélim Niederhoffer, fort de dix années passées dans le coaching en séduction, constate que tout son contenu a été digéré par ces systèmes, rendant accessible gratuitement ce qui nécessitait auparavant un accompagnement humain payant. Le scénario du film Her, où un homme tombe amoureux de son assistant vocal, ne relève plus de la pure science-fiction. D’ailleurs, le fait que le patron d’OpenAI soit explicitement fan de ce film et cherche à en reproduire la vision nous interpelle profondément.
La question se pose légitimement aux étudiants et professionnels en reconversion : ce métier n’est-il que le futur ex-métier d’avenir ? Sélim Niederhoffer, tout en reconnaissant les transformations profondes, maintient une vision optimiste et nuancée. Le besoin d’écrire pour vendre persistera, selon lui, même si l’appellation « copywriter » devra sans doute évoluer. D’ailleurs, auprès des artisans locaux avec lesquels il travaille, il ne se présente jamais ainsi, préférant des formulations plus accessibles comme communication ou écriture pour vendre.
Il envisage d’ailleurs de décliner son expertise en une série de six ouvrages ciblés par secteur professionnel, abandonnant peut-être le terme copywriting au profit de titres plus explicites comme Écrire pour vendre pour les startups, pour les artisans, pour les coachs et consultants.
Cette réflexion se nourrit aussi du succès relatif de son second livre Les Mots magiques en comparaison du Guide du Copywriting. Ceci l’a amené à questionner la force des promesses éditoriales. Une liste de mots suscite moins d’intérêt qu’un guide complet, surtout à l’ère où l’IA excelle dans la génération de listes.
Quant aux jeunes souhaitant se former, Sélim Niederhoffer leur recommande de revenir aux fondamentaux. Comprendre ce qu’est une offre, maîtriser l’étude concurrentielle, analyser en profondeur le marché et surtout, développer une compréhension psychologique fine des clients…
Cette focalisation sur les besoins humains des entreprises et la résolution de problèmes constitue le socle pérenne du métier. L’entrepreneuriat, au fond, consiste à créer de la valeur en aidant des personnes humaines. Cette vérité transcende les évolutions technologiques. Nous ne pouvons qu’être d’accord avec Sélim sur ce point.
Selon notre invité, le copywriting à l’ère de l’IA n’est ni l’apocalypse professionnelle redoutée ni l’eldorado technologique espéré. Il s’agit d’une transformation qui redistribue les cartes sans pour autant remettre les compteurs à zéro. Les tâches mécaniques et répétitives migrent vers l’automatisation, libérant les copywriters pour ce qu’ils font de mieux. Concevoir des stratégies, comprendre les aspirations humaines, créer des connexions émotionnelles authentiques.
La vraie « disruption » ne viendra donc pas de l’IA remplaçant les humains, mais des professionnels sachant harmoniser leur créativité native avec la puissance computationnelle de ces outils. Comme le souligne Sélim, les copywriters travaillent avec des humains, pour des humains. Le copywriting de demain appartiendra à ceux qui sauront « danser avec l’IA », tout en restant profondément, irréductiblement humains.
The post Copywriting et IA : entre disruption et humanité appeared first on Marketing and Innovation.
By Visionary MarketingL’ère de l’IA générative a bouleversé de nombreux métiers, et le copywriting figure en première ligne de cette transformation. Entre enthousiasme initial et désillusion, où se situe la vérité ? Sélim Niederhoffer est l’auteur du best-seller Le guide du copywriting vendu à plus de 15 000 exemplaires. Eyrolles vient de publier une nouvelle édition enrichie de cet ouvrage avec 80 pages inédites. Fort des questions de centaines de copywriters formés depuis 2021, le livre offre un regard lucide sur l’avenir du copywriting à l’ère de l’IA. Lors d’un webinaire organisé par Visionary Marketing, il a exploré la réalité du métier face aux outils génératifs. Il y a détaillé les nouvelles compétences requises et la valeur irremplaçable de la créativité humaine malgré l’automatisation. Voici un résumé commenté de ce webinaire que vous pourrez découvrir en intégralité sur notre chaîne vidéo ou en podcast.
Le succès du Guide du copywriting ne doit rien au hasard. Avec près de 500 commentaires sur Amazon et des dizaines de milliers de lecteurs conquis, l’ouvrage s’est imposé comme la référence francophone sur le sujet. Sélim Niederhoffer identifie trois facteurs clés de ce succès. D’abord, la qualité intrinsèque du contenu, saluée massivement par les lecteurs. Ensuite, un timing parfait. La sortie en mars 2021, en plein troisième confinement, alors que de nombreux professionnels aspiraient à se reconvertir. Par ailleurs, le marché français ne proposait aucune véritable référence récente en librairie. Enfin, une approche pédagogique unique où chaque chapitre constitue une méthode concrète applicable immédiatement.
Pour cette édition 2025, l’auteur a mené un travail de fond considérable. Il confie avoir d’abord relu intégralement la première version. Cela lui a permis d’éliminer ce qui n’était plus pertinent dans le contexte actuel.
Par ailleurs, le livre s’est enrichi de 80 pages nouvelles intégrant cinq années de pratique professionnelle intensive. Parmi les ajouts majeurs figure naturellement un chapitre consacré à l’intelligence artificielle. À cela on ajoutera le copywriting des réseaux sociaux, et un approfondissement sur comportements consommateurs et parcours d’achat. Il reconnaît avoir sous-estimé ce dernier critère en 2021.
Une décision éditoriale important mérite qu’on y prête attention. Sélim a choisi de révéler l’architecture idéale pour une page produit qu’il enseignait jusqu’alors uniquement dans ses formations payantes. Cette approche suscite naturellement l’interrogation : pourquoi offrir ce qui constituait un avantage concurrentiel ? Sa réponse traduit une vision profondément démocratique de la connaissance. Il explique adopter une approche républicaine du savoir. Il souhaite que chacun puisse accéder aux ressources nécessaires pour lancer son activité. Particulièrement ceux qui, comme lui autrefois, ne viennent pas d’un milieu familiarisé avec le langage du business.
Cette philosophie du partage s’inscrit dans une réflexion plus large sur la circulation des idées. Sélim Niederhoffer n’ignore pas que son ouvrage fait l’objet de piratage sur diverses plateformes illégales, mais refuse de s’en offusquer. Il y voit une forme de validation et se souvient avoir, à ses débuts, eu recours au téléchargement illégal de musique par manque de moyens, avant d’investir massivement dans des places de concert. Cette réciprocité différée lui semble incarner l’essence même des échanges humains. Il fait référence au concept anthropologique du don et du contre-don. Celui-ci a été théorisé par Marcel Mauss dès 1905, rappelant que ces mécaniques psychologiques transcendent les époques.
Pour Marcel Mauss le don/contre-don est une forme de contrat social, basé sur la réciprocité, pour appartenir à une société. Mais le don/contre-don a aussi une logique économique (laquelle est loin d’être uniquement basée sur l’utilitarisme)
SI & Management (Pr Bernard FALLERY)
Selon Sélim, « un jeune de 20 ans qui pirate aujourd’hui son livre pourrait devenir un collaborateur dans dix ans ». Pour lui, la valeur réside moins dans le contrôle que dans la dissémination des connaissances. Pour corroborer ses dires, nous avons cité l’exemple emblématique de Seth Godin. Celui-ci, en 1999, offrit gratuitement son livre Unleashing the Ideavirus. Pourtant il sa version commerciale resta au sommet des ventes Amazon pendant cinq années consécutives. Ce livre est toujours disponible gratuitement sur le site de Visionary Marketing, et cela vous donnera peut-être l’envie de l’acheter.
L’arrivée de ChatGPT et des intelligences artificielles génératives a provoqué une onde de choc dans l’écosystème du copywriting. Sélim Niederhoffer décrit avec franchise ce parcours émotionnel collectif. D’abord le vertige face à un outil générant du texte à une vitesse surhumaine, puis une réelle inquiétude professionnelle. Celle-ci s’est matérialisée par une baisse de 30% des missions disponibles sur les plateformes de free-lance. Cette statistique, que nous n’avons pas pu confirmer formellement semble cependant en phase avec nos observations du terrain. Du moins dans certains secteurs comme la conception, le design et le marketing. Ceci tendrait à montrer, l’impact des nouvelles avancées technologiques sur certains pans du marché du travail indépendant.
Pourtant, après ce moment de flottement, une troisième phase s’est dessinée : l’apprentissage d’une utilisation intelligente de ces outils. Niederhoffer partage sa méthodologie personnelle qui illustre parfaitement cette complémentarité homme-machine. Il commence toujours par un travail de conception analogique, stylo et papier en main, élaborant son plan, structurant ses idées, définissant sa stratégie. Ce n’est qu’ensuite qu’il sollicite l’IA comme un « sparring partner créatif », lui demandant d’améliorer une accroche (« hook »), de raccourcir une formulation, d’ajouter du rythme ou de la musicalité à un passage.
À l’inverse du vocable de copywriting, son équivalent français de concepteur-rédacteur révèle une vérité fondamentale souvent occultée dans les débats sur l’automatisation : avant la rédaction vient la conception. L’idée, la stratégie, le positionnement créatif ne peuvent émerger ex nihilo d’une IA.
Sélim insiste sur ce point crucial : seul l’humain peut poser les bonnes questions, celles qui permettront à l’intelligence artificielle de générer des réponses pertinentes. Sans maîtrise de concepts fondamentaux comme la pyramide de Maslow, les Life Force 8 de Drew Eric Whitman, ou le SONCAS (ou SONCASE si on y ajoute l’environnement) sur les motivations d’achat, impossible de solliciter efficacement l’IA.
Cette réalité se résume dans l’adage américain qu’il cite : « You don’t know what you don’t know » – on ne sait pas ce qu’on ne sait pas. On aurait pu citer Socrate également, les vérités les plus profondes sont souvent éternelles.
Ainsi, un utilisateur qui ignore l’existence du SONCAS ne peut demander à ChatGPT de construire une séquence d’emails respectant chaque élément de cette grille d’analyse. La formation, loin de perdre sa pertinence, devient au contraire le socle indispensable pour tirer parti de ces outils. D’ailleurs, Sélim constate que tous ses clients du CAC 40 lui demandent désormais d’intégrer la maîtrise de l’IA à ses formations en copywriting, preuve que les grandes organisations reconnaissent l’importance de cette complémentarité.
Une question légitime se pose néanmoins : si le client ne connaît ni la pyramide de Maslow ni le SONCAS, pourquoi paierait-il pour une expertise dont il ne perçoit pas la valeur ?
Sélim Niederhoffer reconnaît la complexité de cet enjeu commercial. La situation varie considérablement selon la maturité du client. Un jeune entrepreneur lancé dans le dropshipping, armé de tutoriels YouTube sur l’automatisation et d’outils low-code comme Lovable pour créer son site Shopify, ne se posera pas immédiatement la question de la qualité éditoriale. Son point focal restera le retour sur investissement à court ou très court terme.
En revanche, deux barrières psychologiques persistent chez tout client potentiel, même armé d’IA. Premièrement, l’incertitude quant à ses propres capacités : il doute de savoir évaluer la qualité de ce que produit ChatGPT et préfère s’en remettre à un professionnel de l’écriture et de la communication. Deuxièmement, et peut-être plus déterminant, le manque d’envie ou de temps. Même avec l’IA qui facilite grandement le processus, créer du contenu de qualité demeure chronophage et exigeant. Ces deux facteurs garantissent la pérennité du métier, même si le volume global de missions diminue structurellement.
Face à la surenchère visuelle des plateformes sociales et à l’efficacité apparente des contenus vidéo, d’aucuns prophétisent la mort du texte. Sélim Niederhoffer réfute cette idée avec des arguments historiques et pratiques. Il rappelle que depuis les années 1960 et la révolution créative de Bill Bernbach chez DDB, le métier s’est organisé en binômes complémentaires : le copywriter pour les mots, le directeur artistique pour le visuel. Cette complémentarité n’a jamais signifié la subordination de l’un à l’autre.
Plus encore, le texte conserve une puissance intrinsèque indéniable. La preuve la plus éclatante reste cette publicité légendaire de Martin Conroy pour le Wall Street Journal, composée exclusivement de texte, qui raconte l’histoire de deux hommes au parcours identique dont l’un devient patron d’usine et l’autre simple manager intermédiaire. La différence ? L’un lit le Wall Street Journal. Cette page de vente, considérée comme la plus rentable de l’histoire publicitaire, a tourné pendant 29 années consécutives, générant des millions de dollars de revenus. Elle ne fut remplacée que lorsqu’une variante parvint enfin à surpasser ses performances.
Niederhoffer confirme par ailleurs que ses propres tests démontrent l’efficacité persistante des publications textuelles sur LinkedIn, malgré les algorithmes favorisant la vidéo. Les mots déclenchent toujours des guerres, on le déplore, mais on ne peut nier leur impact, comme l’a démontré la fameuse dépêche d’EMS. Les mots fédèrent aussi des mouvements, construisent des idéologies. Dans le commerce, le choix même d’un vocabulaire n’est pas anodin : en B2B on recherche la rationalité et l’investissement, en B2C le plaisir et l’émotion. Le mot, loin d’être mort, conserve pleinement son pouvoir d’influence.
À ce stade de la discussion, une interrogation s’impose à nous. Les intelligences artificielles (le pluriel sied mieux), nourries de millions d’œuvres littéraires, de chansons, de scénarios cinématographiques et d’analyses psychologiques, peuvent-elles égaler voire surpasser l’humain dans la compréhension des mécanismes émotionnels ? Niederhoffer répond avec honnêteté : probablement oui, à terme. Leur base d’entraînement dépassant infiniment les capacités humaines individuelles, elles excellent déjà dans les diagnostics médicaux avec un taux de réussite de 95% selon Microsoft (même si l’INSERM nuance ce résultat).
Les signaux actuels confirment cette trajectoire. Sam Altman, patron d’OpenAI, révèle que les utilisations de ChatGPT pour des conseils psychologiques et relationnels représentent une part considérable du trafic. Sélim Niederhoffer, fort de dix années passées dans le coaching en séduction, constate que tout son contenu a été digéré par ces systèmes, rendant accessible gratuitement ce qui nécessitait auparavant un accompagnement humain payant. Le scénario du film Her, où un homme tombe amoureux de son assistant vocal, ne relève plus de la pure science-fiction. D’ailleurs, le fait que le patron d’OpenAI soit explicitement fan de ce film et cherche à en reproduire la vision nous interpelle profondément.
La question se pose légitimement aux étudiants et professionnels en reconversion : ce métier n’est-il que le futur ex-métier d’avenir ? Sélim Niederhoffer, tout en reconnaissant les transformations profondes, maintient une vision optimiste et nuancée. Le besoin d’écrire pour vendre persistera, selon lui, même si l’appellation « copywriter » devra sans doute évoluer. D’ailleurs, auprès des artisans locaux avec lesquels il travaille, il ne se présente jamais ainsi, préférant des formulations plus accessibles comme communication ou écriture pour vendre.
Il envisage d’ailleurs de décliner son expertise en une série de six ouvrages ciblés par secteur professionnel, abandonnant peut-être le terme copywriting au profit de titres plus explicites comme Écrire pour vendre pour les startups, pour les artisans, pour les coachs et consultants.
Cette réflexion se nourrit aussi du succès relatif de son second livre Les Mots magiques en comparaison du Guide du Copywriting. Ceci l’a amené à questionner la force des promesses éditoriales. Une liste de mots suscite moins d’intérêt qu’un guide complet, surtout à l’ère où l’IA excelle dans la génération de listes.
Quant aux jeunes souhaitant se former, Sélim Niederhoffer leur recommande de revenir aux fondamentaux. Comprendre ce qu’est une offre, maîtriser l’étude concurrentielle, analyser en profondeur le marché et surtout, développer une compréhension psychologique fine des clients…
Cette focalisation sur les besoins humains des entreprises et la résolution de problèmes constitue le socle pérenne du métier. L’entrepreneuriat, au fond, consiste à créer de la valeur en aidant des personnes humaines. Cette vérité transcende les évolutions technologiques. Nous ne pouvons qu’être d’accord avec Sélim sur ce point.
Selon notre invité, le copywriting à l’ère de l’IA n’est ni l’apocalypse professionnelle redoutée ni l’eldorado technologique espéré. Il s’agit d’une transformation qui redistribue les cartes sans pour autant remettre les compteurs à zéro. Les tâches mécaniques et répétitives migrent vers l’automatisation, libérant les copywriters pour ce qu’ils font de mieux. Concevoir des stratégies, comprendre les aspirations humaines, créer des connexions émotionnelles authentiques.
La vraie « disruption » ne viendra donc pas de l’IA remplaçant les humains, mais des professionnels sachant harmoniser leur créativité native avec la puissance computationnelle de ces outils. Comme le souligne Sélim, les copywriters travaillent avec des humains, pour des humains. Le copywriting de demain appartiendra à ceux qui sauront « danser avec l’IA », tout en restant profondément, irréductiblement humains.
The post Copywriting et IA : entre disruption et humanité appeared first on Marketing and Innovation.