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Critiqué, Volkswagen jette l’éponge au Xinjiang


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Pendant des années, Volkswagen avait choisi d’ignorer les crimes contre l’humanité commis contre la minorité ouïghoure dans le Xinjiang, en Chine. Depuis 2013, le géant allemand de l’automobile y assemblait et testait des voitures dans son usine à Urumqi. C’est fini : le fabricant vend l’usine, officiellement pour « des raisons économiques ».

Cela s’appelle faire d’une pierre deux coups. Les ventes de Volkswagen sur son marché clé sont en effet en chute libre, avec moins de 15% de voitures vendues au troisième trimestre. Le géant allemand s’est fait doubler par les champions chinois de voitures électriques et notamment par l’entreprise BYD. L’usine d’Urumqi ne faisait que perdre de l’argent à Volkswagen. Cet argument, économique, permet aujourd’hui au fabricant allemand une sortie honorable, et cela, sans brusquer Pékin.

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La face cachée de cette décision, c’est que cette usine est depuis des années accusée d’avoir recours à du travail forcé de la minorité ouïghoure. Le départ du Xinjiang permet donc au groupe de mettre enfin un terme à la polémique sur sa présence dans cette région, tristement célèbre pour la campagne de répression menée par les autorités chinoises contre les quelque douze millions d’habitants musulmans. Une répression à caractère génocidaire, comme l’ont dénoncé le Congrès américain et plusieurs parlements européens, dont l’Assemblée nationale en France.

« Le bluff de Volkswagen sur les droits de l’homme »

En février dernier, le retrait de l’autre géant allemand, BASF, avait mis Volkswagen dans l’embarras. Mais le groupe continuait malgré tout à dire que rien ne prouvait un quelconque travail forcé de ses 197 ouvriers, l’audit d’un cabinet d’avocat à l’appui. Mais la Fondation Jamestown, un think tank américain très réputé, a bien démontré que ce soi-disant audit indépendant était tout sauf crédible : pendant les entretiens, les ouvriers étaient filmés et ne pouvaient donc pas s’exprimer librement. Le magazine allemand Der Spiegel critiquait alors « le bluff de Volkswagen sur les droits de l’homme »et un collectif international de députés d’une trentaine de parlements réunis dans l’Alliance interparlementaire sur la Chine réclamait le retrait immédiat du Xinjiang.

Sous le feu des critiques, Volkswagen semble donc avoir cédé à la pression pour sauver son image. Le chercheur Adrien Zenz, à l’origine des révélations sur le travail forcé, les stérilisations et les tortures subies par les minorités au Xinjiang, parle d’une « grande victoire pour la cause ouïghoure ». Même certains actionnaires de Volkswagen en Allemagne saluent la décision, en disant que bien que tardif, ce retrait montre que les droits de l’homme ne sont pas négociables.

En fait, ce départ définitif peut aussi être lu comme une fuite en avant. Car Washington vient d’élargir sa liste noire interdisant d’importer des produits provenant du Xinjiang ou qui sont soupçonnés d’avoir été fabriqués grâce au travail forcé. Avec la nouvelle administration Trump et des faucons anti-Chine comme Marco Rubio, choisi par Donald Trump pour être secrétaire d’État, cette politique ne s’arrêtera certainement pas de sitôt.

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À la Une en AsieBy RFI