Share Curio Guide • Fréquence Terre
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Le parc multifonctionnel Georges-Henri à Bruxelles, a la particularité d’avoir été érigé sur un cimetière urbain datant de 1897, mais désaffecté dans les années 1980, là, en plein cœur de la capitale de l’Europe.
Ce fut la population qui avait émis la volonté d’aménager cet ancien endroit sacré de manière plurielle et c’est la raison pour laquelle on trouve encore des pierres tombales qui servent de dallage aux chemins et deux obélisques, vestiges de l’ancien espace funéraire.
Ont également été maintenus, les alignements de marronniers et de tilleuls.
Ce parc exceptionnel comporte d’immenses pelouses, des appareils de culture physique et un parcours santé, une pergola, un terrain de basket, des jardins, un monument aux femmes résistantes et à leurs enfants morts dans les camps allemands, un Mémorial juif, une aire pour la pratique du skate-board, une plaine de jeux pour les petits enfants, un kiosque…
Que j’évoque celui-ci, depuis une douzaine d’années, il accueille un festival de chorales composées d’amateurs dirigées par des professionnels.
Et, ce qui ne gâte rien, les activités sont entièrement gratuites.
La prochaine édition du Festival « Ô les chœurs », aura lieu le 8 juillet de 15 à 22 heures dans ce magnifique endroit insolite.
Il verra défiler les groupes Malarazza, Infinitù, Son du Quartier, Polyfolies, Zinnechœur, Meli-Melo, Friday Frida, le Plaisir Enchanté sur trois scènes avec des chants de tradition italienne, de travail, d’amour et de lutte, des chants a cappella, des chansons populaires, une chorale polyphonique, de la chanson folk traditionnelle américaine…
En parallèle, des animations seront organisées pour les enfants, mais aussi
la belle occasion de faire chanter le public et d’organiser quelques intermèdes musicaux et des petits moments d’impro avec lui.
Ô les choeurs – Be-Koor-lijk 2023
À l’heure où la société est à nouveau envahie par le bruit des bottes et des canons et qu’un militarisme exacerbé envahit l’espace citoyen, jusqu’au 30 avril, à Braine-le-Comte, une sympathique ville belge située à une cinquantaine de kilomètres de Valenciennes, se tient une exposition sur le thème « Le Fusil brisé : une idée anachronique ? »
C’est dans la salle du Grand Bailli du remarquable bâtiment du XVIe siècle, l’Hôtel Arenberg, qui à lui tout seul mérite déjà le déplacement, que se tient « cette exposition de réflexion qui entre dans nos gênes », comme le précise Palmeiro Spinogatti, cheville ouvrière de la Maison des Associations laïques locales.
Quinze parties la composent et elle débute par un fait marquant qui se déroula en 1921, peu de temps après le carnage de la Première Guerre mondiale avec plus de neuf millions de morts et disparus.
À l’époque, le pacifisme était de mise dans les rangs socialistes car, faut-il le rappeler, l’antimilitarisme est d’essence ouvrière par suite de la prise de conscience des ouvriers qui ne désiraient absolument pas tuer des collègues de l’autre côté de la frontière afin d’assouvir la soif de gloire des gradés militaires et le business des industriels de l’armement.
Aujourd’hui, les dirigeants des différents PS, tant belges que français, marchent main dans la main avec ces faiseurs de guerres.
En 1921, une réunion syndicale fut organisée au cœur de la Wallonie et avait pour but une semaine d’études et de discussions sur le thème des contrats collectifs, des commissions mixtes et du contrôle ouvrier dans les usines, avec deux invités d’honneur, le délégué hindou Wadin et le délégué allemand Sassenbach.
La présence de ce dernier occasionna des réactions de colère, de mépris et une crise politique majeure, comme la résume Palmeiro Spinogatti :
« La présence de Johannes Sassenbach, autodidacte et artisan bourrelier, syndicaliste, devenu responsable d’une école berlinoise, n’eut pas l’heur de plaire aux politiciens catholiques et libéraux car c’était un boche ! Des manifestations durèrent trois jours et le gouvernement belge tomba, les socialistes étant même expulsés de tout gouvernement durant une décennie. »
Les titres de la presse étaient éloquents : « Forcenés socialistes contre patriotards », « Un crime de lèse-patrie », « Les Patriotards sont en émoi », « Un scandale avec la venue d’un boche », « Un meeting bolcheviste » …
Pour la petite histoire, si j’ose dire, Johannes Sassenbach fut arrêté par les nazis en 1934…
L’exposition explique à l’aide d’une douzaine de panneaux didactiques cette période, celle, entre autres, de « l’impôt du sang », c’est-à-dire du tirage au sort pour le service militaire avec cet aspect d’injustice que les plus riches payaient les plus pauvres pour aller à la guerre à leur place.
« Ils payaient de 1 500 à 2 000 francs à l’époque, soit le prix d’une maison ! »
Cette période fut également celle de la naissance du symbole de l’arme cassée et de l’Internationale des Résistants à la Guerre, développant des arguments tels ceux de Louis Lecoin, celui qui fit plier le général de Gaulle pour obtenir le statut d’objecteur de conscience.
Je le cite : « S’il m’était prouvé qu’en faisant la guerre, mon idéal avait des chances de prendre corps, je dirais quand même non à la guerre. Car on n’élabore pas une société humaine sur des monceaux de cadavres. »
Ce genre d’argument est-il devenu anachronique quand on constate la complicité du monde politique, même celui des forces progressistes, avec les marchands de canons et les militaires dont, rappelons-le, le but premier est de « tuer » ? Une complicité qui paraît laisser indifférente la majorité des citoyens.
Jusqu’au jour où le bruit des bottes retentira sous nos fenêtres.
Extrait sonore YouTube : Nouvelle Marseillaise par Graeme Allwright.
Photos : Fréquence Terre.
Je sais, les goûts et les couleurs ne se discutent pas dans le milieu des arts.
Cependant, rien n’interdit d’émettre des opinions. A fortiori, lorsqu’on se rend dans un musée, comme celui des Beaux-Arts de Belgique situé au cœur de la capitale de l’Europe et avoir admiré des Rubens, Van Eyck, Breughel…, dans la section « Collection ».
Et, pour ceux que l’art contemporain fascine ou rend curieux, il y a la section « Art moderne ou Art contemporain », là où, par exemple, l’on voit, présentée comme une œuvre d’art, une casserole rouge emplie de moules dont certaines sont coloriées de cette couleur.
« Ce n’est plus une recherche de l’élégance, de la beauté, mais celle du pognon… », déclara une personne interrogée sur le site desdits Beaux-Arts.
Cela me rappelle les propos du regretté Wolinski, le caricaturiste de Charlie Hebdo assassiné par le fanatisme religieux, qui, je cite, ne pouvait « becter » l’art contemporain[1] : « Plus c’est moche, plus c’est cher, plus les nantis courent l’acheter. Avec le fric des bonus ils achètent des œuvres à n’y rien comprendre. Aujourd’hui, ils font les malins en achetant du scandale à prix d’or. »
Michel Draguet, directeur général aux Musées royaux des Beaux-Arts, explique que ces musées « se veulent un laboratoire de réflexion qui permettra de participer à la construction du musée de demain, en insistant sur ce que la recherche scientifique, mission primordiale du musée, peut apporter au débat contemporain. »
Il spécifie encore : « L’espace muséal est d’abord celui d’un feuilletage : l’histoire y est déposée en strates en fonction des questions du moment. Sans nécessairement anticiper nos états d’âme et nos aspirations postmodernes. Venir au musée, c’est entrer au contact de ces sensibilités passées. Oubliées, elles occupent des angles morts qu’il convient d’éclairer.
L’héritage colonial, le sort des biens juifs spoliés durant la Seconde Guerre mondiale, la place de la femme dans l’histoire de l’art, les modalités (paternalistes ?) de ses représentations et la violence qui lui a été faite au fil de l’histoire, la question écologique et le rapport à la nature, la signification capitaliste du musée lieu d’accumulation de la richesse, le regard porté sur les migrants… Autant de questions qui conduisent à interroger les œuvres, et les titres dont on les a revêtues… » Fin de citation.
Dans cet état d’esprit d’ouverture, tout visiteur se trouve, exemple parmi d’autres, en présence de la « Chute d’Icare » de Breughel.
Le jeune Icare veut jouer l’oiseau et aller le plus haut possible dans l’atmosphère. Il s’élance dans les airs affublés d’ailes en cire, mais les rayons solaires amollissent cette dernière et le jeune homme est précipité dans la mer.
Dans l’œuvre, on ne voit d’ailleurs plus que ses jambes qui sortent des flots, alors que les 99% du tableau représentent un paysan qui laboure son champ, un berger et ses moutons, un pêcheur, un paysage harmonieux, tout cela totalement indifférent à la noyade d’Icare.
Plusieurs explications sont données à cette œuvre, et c’est en cela que tout visiteur a tout le loisir de distinguer de manière approfondie le monde auquel nous appartenons.
Une première explication est donc celle de la totale indifférence, celle, aussi, des gens qui n’ont pas de temps à perdre avec l’ambition d’un jeune fou.
On remarque, signalent des spécialistes, que près du laboureur, on distingue une épée et une bourse. Il s’agirait de la représentation picturale du proverbe développé par le même Breughel dans un autre tableau « Épée et argent requièrent mains astucieuses ».
L’œuvre, selon d’autres experts, serait aussi une condamnation ironique de la vanité.
Sachant Breughel un grand humaniste, personnellement, je privilégie cette explication : « L’indifférence n’est-elle pas l’écueil le plus dangereux pour l’aventure humaine et le progrès ? »
[1] Exposition Wolinski à Paris : son pied de nez posthume à l’art contemporain, 20minutes, 9 septembre 2021.
Né en 1932, le dessinateur Jean-Jacques Sempé est décédé en août dernier en nous laissant une œuvre colossale.
Dès ses douze ans, il crayonna et publia au magazine belge Moustique, en 1954, à 22 ans donc, les premières moutures du Petit Nicolas .
Puis, ce furent des collaborations avec Paris-Match, L’Express, Punch et, surtout, The New Yorker pour qui il travailla durant quatre décennies.
Parallèlement à ces dessins de presse, Sempé fut l’auteur de nombreux albums, la plupart publiés chez Denoël.
La Fondation Folon, autre célèbre artiste, accueille jusqu’au 5 mars 2023 une exceptionnelle exposition consacrée à Sempé sous le titre : Infiniment vôtre.
Soit plus de 120 dessins originaux à découvrir, dont vous trouverez quelques photos sur notre site www.frequenceterre.com, mais l’occasion pour moi d’y relever quelques déclarations du regretté père du Petit Nicolas.
« Je proposais régulièrement des dessins mettant en scène un petit garçon. Le directeur m’a proposé de lui trouver un prénom. Une publicité pour les vins Nicolas m’a donné l’idée. » Ainsi est né le Petit Nicolas, soit 15 millions d’ouvrages vendus dans quarante-cinq pays.
« Mes personnages sont des petits personnages comme vous et moi, qui cherchent seulement à se débrouiller dans la vie. »
« Le dessin est une forme d’écriture. C’est très littéraire, ce que je fais. Ce n’est pas formel avant tout. Ça me sert à exprimer des idées. »
« Je regarde le genre humain. Je ne juge pas. Je ne juge jamais. »
Photos : Pierre Guelff
Vous pouvez aller à la source d’un activisme citoyen responsable en visitant l’exposition « ICONIC » afin d’être inspiré – ou conforté – qu’« il n’existe pas de démocratie sans liberté d’expression. »[1] Cette exposition est organisée par les Communautés européennes à Bruxelles et Word Press et est située Esplanade Solidarnosc jusqu’à la mi-janvier 2023, entrée gratuite tous les jours, même le week-end.
Il s’agit d’une vingtaine de photos, certaines mythiques ou iconiques, qui mettent également le rôle de photographe-journaliste à l’avant-plan de l’engagement comme l’appréciait Albert Camus[2], afin d’immortaliser des faits de société en totale contradiction avec les droits humains, des répressions fomentées par des dictatures (tel « L’homme au tank » place Tian’anmen à Pékin) ou des systèmes politiques qui s’y apparentaient ponctuellement selon les événements (comme la chasse aux migrants sous le président Trump avec la « Fillette hondurienne en pleurs »), des conflits (telle « La petite fille au napalm », brûlée par les bombardements américains de son village au Vietnam)…
Un de ces photographes-journalistes, explique : « Mon travail de photo-journaliste consiste à informer et à rendre compte de ces événements, et je pense aussi qu’il est important d’humaniser des questions qui sont souvent présentées sous forme de statistiques. »
[1] Parlement européen et Fondation World Press jusqu’au 13 janvier 2023, Esplanade Solidarnosc, rue Wiertz 60 – 1047 Bruxelles. Entrée libre tous les jours de 9 à 18 heures, et le week-end de 10 à 18 heures.
[2] « L’on ne mettra jamais assez de passion à défendre une cause où nos raisons et notre vérité sont si profondément engagées. » Regards sur Camus, Carnets, Open Edition Journals, 2015.
L’autrice Marguerite Yourcenar a été la première femme élue à l’Académie française, c’était en 1980. Trois ans plus tôt, elle avait fait état de Bailleul dans son ouvrage Archives du Nord, livre de mémoires autobiographiques.
Elle y évoquait la vie de ses aïeux paternels, les Cleenewerck de Crayencour, l’histoire de Bailleul et de la Flandre française.
Par cet écrit, “elle donna une portée universelle à cette famille de la haute bourgeoisie du Nord”, selon Fabienne Viala dans son essai Le Labyrinthe du monde de Marguerite Yourcenar.
Cette dynastie des Crayencour “s’offre comme miroir où se reflètent les vices et les vertus de la nature humaine”, precise-t-elle.
Un monument est dédié à Marguerite Yourcenar à Bailleul, il est situé en face du Musée Benoît-de-Puydt, du nom d’un mécène natif de la cité.
Une belle occasion de se rendre dans ce lieu où des « Tableaux fantômes » attendent les visiteurs, œuvres qui, effectivement, méritent une attention particulière.
D’ailleurs, Bailleul fut décrite par des Anglais comme le « Petit Cluny du Nord » grâce audit musée, que j’ai visité sous l’aimable conduite de Justine Thorez, assistante du régisseur des œuvres :
« Louis-Henri Hans, un ami de Benoît De Puydt a légué quelque quatre-vingts objets dont une soixantaine de peintures.
Malheureusement, elles furent pratiquement toutes détruites durant la Première guerre mondiale, alors que la collection du musée l’était à plus de 80%.
De ces quatre-vingts objets, il reste cinq peintures et un bénitier en ivoire.
Le deuxième conservateur du musée avait réalisé une description très détaillée de cette collection de peintures de Louis-Henri Hans. Elle fut retrouvée et le troisième conservateur eut l’idée de mettre les textes au format des tableaux. Ils sont exposés sur le mur comme des peintures.
En lisant ces textes on peut imaginer la collection de peintures que pouvait posséder le musée.
C’est un concept original en France, que l’on ne retrouve pas dans d’autres musées. »
Néanmoins, dans la foulée de ces textes exposés, un projet a été lancé il y a une dizaine d’années :
« Luc Hossepied, directeur de la plus petite galerie du monde -ou presque – à Roubaix, a proposé à des artistes contemporains de réaliser des œuvres en s’inspirant des descriptions écrites, comme ‘‘Sur une pelouse devant un épais massif de verdure…’’
Ces artistes ont repris des textes, ont effectué des recherches et trouvé de la documentation sur les peintres de l’époque et ont donc réalisé des œuvres contemporaines : peintures, photographies, dessins, céramiques…
Et ces œuvres sont visibles au deuxième étage du musée ! »
Assurément, outre les lieux décrits dans une précédente chronique, tels le beffroi qui repose sur une salle gothique sauvée des bombardements, la fontaine de la place Liénart et ses dauphins qui supportent la vasque de bronze, le tympan des Corporations de l’église Saint-Vaast, le Présidial, l’École dentellière…, le Musée Benoît-de-Puydt propose un superbe cabinet en écaille « que l’on achetait comme on aurait acheté un tableau », et, justement, voici trois tableaux, parmi des dizaines, qui m’ont plu : Scène dans un café lillois d’Albert Dequène (1924) ou c’est extraordinaire Trappiste jardinier au Mont des Cats d’Émile Salomé (1877), voire La mort de Dom Lacaes par Pierre-Louis-Joseph De Coninck en 1893.
Quelques trésors européens enrichissent ce sympathique musée, dont l’Adoration des Rois Mages attribuée à Pierre Breughel II, une Vierge à l’enfant sculptée au XIVe siècle, des céramiques hollandaises, flamandes, orientales…
Reportage photographique : Marie-Paule Peuteman
Bailleul est une ville d’une quinzaine de milliers d’habitants de la Flandre française qui fut quasiment détruite par les Allemands en 1918, puis rebâtie dans un style néo-flamand qui lui va à ravir. « Bailleul, modèle d’une reconstruction flamande », tel est le slogan suffisamment explicite qui y est clamé.
Le centre historique de la ville est incontestablement la Grand-Place et ses environs immédiats.
Bien entendu, visible à des kilomètres à la ronde, le beffroi accolé à l’Hôtel de ville attire l’attention. Inscrit au Patrimoine de l’Humanité par l’UNESCO, il émet depuis son sommet des ritournelles grâce à trente-cinq cloches.
La salle gothique qui est à sa base et le Présidial de Flandre tout proche sont, eux, classés aux Monuments historiques.
La base du beffroi est en grès et date du XIIIe siècle, il comporte une salle gothique aux murs d’1m20 d’épaisseur, ce qui fit qu’elle résista aux bombardements.
On y lit : « De 1920 à 1934, un immense chantier fait renaître Bailleul en style néo-flamand inspiré de Bruges et édifie des pignons aux briques de sable, à pas de moineaux, à volutes ou rectilignes ».
J’ai particulièrement apprécié le côté écologique développé au pied de cet imposante mairie et le message planté dans le gazon y faisant face : « Sensibiliser la population à la préservation de la biodiversité ».
La vaste place Liénart à quelques pas de là, est dévolue à ce cardinal (1884-1973), évêque de Lille, plus jeune évêque de France en 1928, promu cardinal en 1930, il mena une politique sociale hardie par sa défense permanente du monde ouvrier et participa activement aux commissions de Vatican II.
Au centre de la place a été érigée une fontaine qui a connu un destin assez mouvementé. En voici trois phases :
Sur la place, on distingue aussi l’imposant château d’eau mis en service en 2011. Ce Château d’eau du Taillis compte 235 marches pour une hauteur de plus de quarante-cinq marches et en impose par sa structure.
L’imposante église Saint-Vaast, également sur cette place, est de style romano-byzantin et comporte trois porches avec, au-dessus du central, le tympan sculpté représentant le Christ roi.
Si les vingt-trois vitraux racontent l’historique de la ville, cet édifice est particulièrement dévolu à Notre-Dame du Fief en Flandre et honore saint Antoine, parmi tant d’autres.
Le Portail des Corporations contient des blasons de métiers et l’Art déco prédomine à l’intérieur avec, aussi, un air byzantin et une alternance de couleurs dans les briques et les frises.
De petites niches accueillent la représentation de saints en mosaïque, tout comme plusieurs endroits de ce lieu de culte qui font honneur à cet art décoratif.
L’origine de l’église est très ancienne (le portail roman daterait du XIIe siècle), sa flèche fut détruite pendant la Révolution française pour y installer le télégraphe de Chappe.
Un peu plus bas que l’église, voici l’Arbre de la Paix, un peu maigrichon à côté du massif monument aux victimes des guerres (surtout des civils), puis l’école dentelière et le Présidial.
À l’école, on y explique cette tradition bailleuloise depuis 1664. Le bâtiment fut reconstruit en 1925 par l’association « Le Retour au Foyer » (« Secours immédiats aux régions libérées » -1917) grâce à un mécène américain, Nelson Cromwell, dont le buste trône à l’entrée de cet édifice qui se visite en plus d’y être un lieu d’enseignement apprécié.
Le Présidial de Flandre se situe à quelques pas de là. Transféré d’Ypres en 1713, construit en 1776 sur d’anciens cachots du XVe siècle, c’est le plus ancien bâtiment de la ville. Il est l’expression du classicisme français et non de style néo-flamand.
Le Présidial fut la cour de justice pour toute la Flandre française du côté de la Mer du Nord. Ce transfert amena maints magistrats, juges, avocats, employés, greffiers, huissiers dans la cité.
Bailleul, c’est encore le Mardi Gras et son géant Gargantua, alors que Mélusine trône au sommet du beffroi en « Gardienne des Bailleulois ».
Mélusine était une fée qui apportait la gloire, la richesse, la force et la puissance, elle était aussi une inspiratrice de talent : n’a-t-elle pas construit la chapelle pour la cérémonie de son mariage en une nuit ?
Elle faisait surgir, comme par enchantement, un château juché sur une colline, des couvents, des églises… Cette mère de dix enfants modèle, apportait la prospérité en plus d’être une très jolie et aimable femme.
Deux légendes suivent cette première narration. La première dit qu’elle travaillait la nuit, au clair de lune et avant le chant du coq, mais qu’elle arrêtait sa construction si on la surprenait à la tâche.
C’est la raison pour laquelle, prétend-on, certains édifices sont restés inachevés : il manque la dernière pierre de la flèche (qui culmine à 75 m) de l’église Notre-Dame de Niort, par exemple.
Deuxième légende : une sorcière avait prédit à Mélusine que, si, un samedi, son mari la regardait en secret prendre son bain, elle resterait à tout jamais transformée en femme-serpent, c’est-à-dire très jolie femme jusqu’au nombril, ensuite le corps se terminant par une queue de serpent.
Son mari, Raymondin, avait accepté pareil marché et ils eurent même dix enfants, jusqu’au jour où, poussé par la curiosité, voire une jalousie non fondée, l’homme regarda…
Surprise, Mélusine hurla et plus jamais son mari ne la vit sous une forme humaine.
En revanche, nous, nous nous retrouverons dans une prochaine chronique pour évoquer Marguerite Yourcenar et des “Tableaux fantômes”, également à Bailleul.
Esquelbecq est une bourgade de deux mille âmes au cœur de la Flandre française. Elle possède plusieurs attraits : une église moyenâgeuse inscrite aux monuments historiques mais ravagée par les flammes en 1976, puis reconstruite et qui expose à présent maintes statues calcinées comme autant de témoignages de l’ampleur des dégâts, puis, également inscrit aux monuments historiques, le château du XIIIe siècle, joyau de l’architecture flamande avec des jardins accueillant des œuvres contemporaines, l’Yser faisant partie de ce somptueux décor.
Il y a encore la Maison du Bailli, la Fête de la patate, le musée des automates, l’extraordinaire arbre lyre et, objet principal de ma visite, le fait qu’Esquelbecq porte le label de « Village du livre ». Il est l’un des huit en France, le seul au Nord de Paris, à être digne de cette reconnaissance.
Je vous invite à présent à une rencontre au cœur de ce Village du livre qui, malgré la crise du livre avec sa chute assez conséquente de 12% au niveau des ventes, m’a permis de côtoyer un bouquiniste heureux. Il s’agit de Jean-Michel Lalou, un bouquiniste « militant », comme il me le précisa lors de notre rencontre dans son commerce « Des livres et vous » installé sur la place principale d’Esquelbecq.
– Ma passion a toujours été la lecture. Sous toutes ses formes. Livres pour enfants quand j’étais petit, la BD, au lycée tout ce que l’on devait apprendre et puis la découverte d’auteurs inconnus et, surtout, des livres qui nous permettent de voyager, d’aller loin, parce que je suis issu d’une famille modeste… je ne suis jamais allé en vacances, je n’ai jamais voyagé à cette époque, donc les livres m’ont permis d’aller au-delà de la colline. Ensuite, la vie professionnelle ne m’a pas éloigné de la lecture, au contraire ! J’ai fréquenté les bibliothèques, les médiathèques, les foires aux livres, les bouquineries, toujours cet attachement aux livres…
Et puis, un jour, à Esquelbecq…
Ce projet n’a pas pu voir le jour, néanmoins le couple de passionnés de lecture n’en resta pas là !
Jean-Michel Lalou me mène vers un rayon : celui consacré aux femmes. Sous mes yeux, Gisèle Halimi, Madame Badinter…
Salle 8 du Musée de Cassel. Elle est réservée au genre satirique qui explique l’essence même de l’art flamand qui, au-delà de l’image humoristique permet de dénoncer les travers des Hommes et de la Société, voire, même parfois, de contester insidieusement le pouvoir, explique-t-on sur place.
Il transparait essentiellement dans les scènes de genre qui ont une portée moraliste évidente et qui frappe par la liberté de ton tel homme qui défèque à la posture sans équivoque.
Cet homme apparaît dans la peinture flamande dès le XVIe siècle et témoigne d’une manière flagrante de cette dérision si chère aux artistes flamands.
Car, au-delà du registre purement scatologique et qui peut paraître aujourd’hui obscène, ce personnage incarne à lui seul des valeurs fondamentales plaçant l’Homme à sa juste place.
Encore aujourd’hui, de nombreuses créations contemporaines, est-il également explicité, se démarquent par leur espièglerie et par leur tempérament subversif.
Cette salle a accueilli le maréchal Foch alors général en chef des armées du Nord, a dirigé la Bataille de l’Yser de 1914 à 1915, soit des dizaines de milliers de victimes civiles et militaires, à la table, il y avait aussi Poincaré, le président de la République, Millerand, ministre de la Guerre et le maréchal Joffre, généralissime des armées.
Dans cette salle à l’heure actuelle, on voit donc un personnage qui défèque Et, tout près de la cheminée, on voit un tas de lingots.
Que dire de ce symbolisme ?
Avec ces lingots d’or empilés les uns sur les autres dont l’un a glissé à même le sol, l’auteur Léo Coppers semble vouloir tester le visiteur à la capacité de l’apport du gain, mais tout n’est qu’illusion car, en vérité, ces lingots sont moulés dans un unique bloc de résine dorée, est-il aussi expliqué sur place.
Aucune chance, donc, de devenir riche avec cet or de pacotille.
La richesse n’est-elle par une illusion ?
Est-on plus heureux quand on est riche ?
Et si la vraie richesse était ailleurs ?
Et… si la vraie richesse du Musée de Flandre à Cassel, anciennement Hôtel de la Noble Cour datant des XVIe et XVIIe siècles, devenu le bureau ou QG du maréchal Foch lors du massacre de 1914-18, était donc cette salle 8 devenue Salle du genre satirique ? Là où, pourtant, je devine que les inconditionnels militaristes et nostalgiques des maréchaux, généraux et autres colonels peuvent s’attendre à une évocation dithyrambique de ce qui devait être la « Der des Ders » et de leurs principales figures emblématiques, et qui se retrouvent face à un homme qui défèque, à un tas de faux lingots d’or, ainsi qu’aux géants carnavalesques, le couple Papa et Maman, accompagné, entre autres, d’un ivrogne et du diable…
Je trouve cette symbolique très évocatrice de l’esprit pacifique n’hésitant pas à placer de l’humour dans son analyse qui démontre que, dans le fond, toutes les guerres finissent obligatoirement par un arrêt des hostilités, que les prétendues valeurs de patriotisme ne supplanteront jamais l’humanisme et la fraternité, et que tous ces conflits font les affaires des industries de l’armement et de gens qui ont fait des guerres, donc tuer d’autres êtres humains, leur business. En d’autres mots, que les citoyens sont surtout les victimes de cette apologie du mythe de la « Grande Muette » qui apprend à tuer et qui tue.
J’ai perçu cette salle 8 comme si elle me confortait dans sa symbolique : « Et si notre Société déployait plutôt un arsenal de pacifisme ? ».
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