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Franco, la fin d’un dictateur et les ambiguïtés suisses : entretien avec l’historien Sébastien Farré


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Le 20 novembre 1975, Francisco Franco meurt à la tête de l’État espagnol, mettant fin à près de quarante ans de dictature. Mais pour l’historien Sébastien Farré, directeur de la Maison de l’Histoire à Genève, cette date ne marque pas la fin du franquisme : elle ouvre plutôt une période de transition incertaine, qui mènera lentement l’Espagne vers la démocratie, des premières élections libres de 1977 à la consolidation du régime parlementaire en 1982.


Dans cet entretien, l’historien genevois revient sur la longévité singulière du franquisme, un régime autoritaire capable de s’adapter aux réalités de l’après-guerre et de la Guerre froide. La mort de Franco, explique-t-il, est à la fois un tournant et une énigme : le dictateur disparaît, mais son héritage politique et institutionnel perdure plusieurs années.


À Genève comme dans le reste de la Suisse, la nouvelle suscite des réactions contrastées. Une communauté espagnole nombreuse et politisée suit de près les événements, tandis que la presse helvétique s’interroge sur le destin d’un pays tiraillé entre révolution, continuité ou démocratisation. Le Conseil fédéral adopte une position ambivalente : hommage officiel au nom de la neutralité, mais refus d’envoyer un représentant aux funérailles du dictateur.


Sébastien Farré souligne aussi la faible générosité de la Suisse envers les exilés républicains de 1939. Ce n’est qu’avec l’arrivée de dizaines de milliers de travailleurs espagnols dans les années 1950–1960 que s’installe une véritable opposition politique en exil. Syndicalistes, socialistes et communistes transforment alors l’émigration en espace de résistance et de formation démocratique, malgré les tentatives de contrôle du régime franquiste et de l’Église.


Enfin, l’historien rappelle les liens historiques entre l’Espagne républicaine et Genève : dans les années 1930, la jeune République mise sur la Société des Nations (SDN) pour incarner une diplomatie fondée sur le droit et la médiation. Mais la guerre d’Espagne et la passivité internationale marquent la faillite de ce projet. En 1939, Franco retire son pays de la SDN, scellant la rupture entre l’Espagne et la Genève multilatérale.


Pour Sébastien Farré, la disparition de Franco reste un événement à la fois espagnol et européen : un miroir des hésitations suisses face aux dictatures et des illusions perdues du XXᵉ siècle.


Entretien réalisé par David Glaser, prise de son Didier Bender (RTS)


Photo de la manifestation franquiste sur la Plaza Mayor de Salamanque pour célébrer la prise de Gijón en 1937 (Biblioteca Virtual de Defensa, MUE - 120692/Creative Commons)

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geneveMonde.chBy David Glaser