Cette semaine, nous recevons Mariya Gabriel, ancienne commissaire européenne et ancienne ministre bulgare des Affaires étrangères. Actuellement présidente de l'Institut Robert Schuman, le think tank du Parti populaire européen, elle revient sur la validation de la nouvelle Commission européenne et les défis qui l'attendent.
Le Parlement européen a validé, cette semaine, la nouvelle Commission européenne menée par Ursula von der Leyen avec 370 voix pour et 282 contre. «C'est une Commission qui affirme des ambitions mais qui, au vu de la diversité de la majorité du vote, doit opérer avec beaucoup de minutie», explique Mariya Gabriel. «À cause des différentes sensibilités politiques, nous pourrions nous attendre à ce que la majorité soit relativement flottante. Or, aujourd'hui plus que jamais, l'Europe a besoin d'une majorité stable où chaque institution assume sa responsabilité de maintenir l'Europe unie», ajoute celle qui a siégé dans la précédente Commission.
Pour la première fois de l’histoire, le Collège des commissaires compte dans ses rangs un membre issu d’un parti d’extrême droite : Raffaele Fitto, un proche de la dirigeante italienne Giorgia Meloni, accède au poste de vice-président. Les partis de gauche dénoncent la fin d’un 'cordon sanitaire', mais Mariya Gabriel, une femme politique issue des rangs du PPE, rappelle que la Commission «doit prendre en considération les résultats des élections européennes» de juin 2024.
«Aujourd'hui, plus que jamais, l'Europe a besoin d'investir massivement [dans le secteur de la défense] pour ne pas avoir à compter sur d'autres pour assurer sa propre sécurité». Sur l'Ukraine en particulier, Mariya Gabriel appelle l’Union européenne à «rester unie». «Défendre la sécurité de l'Ukraine, c'est défendre notre propre sécurité», détaille-t-elle. «Il faut éviter les erreurs faites par le passé, comme des appels entre différents pays sans prendre en considération l’avis des autres».
La Pologne et la France refusent de signer l'accord du Mercosur. Mais pour Mariya Gabriel «l'agriculture est un secteur-clé». Si elle agrée que «nous ne pouvons pas ignorer les demandes et les préoccupations de nos agriculteurs», elle ajoute que «la question n’est pas de s'opposer à tout traité de commerce et de libre-échange car l'Europe doit se positionner». «Face aux États-Unis ou à la Chine, nous ne pouvons pas nous permettre de perdre de nouveaux marchés», défend-elle.
En Roumanie, le candidat d'extrême droite pro-russe, Calin Georgescu, est arrivé en tête du premier tour de l'élection présidentielle. Sa campagne menée sur TikTok suscite aujourd'hui des suspicions. L'ancienne Commissaire en charge du Numérique rappelle qu'«aucun État européen n'est à l'abri de ce qui vient de se passer en Roumanie. Il faut trouver un équilibre entre la préservation de la liberté d'expression, le droit à l'accès à l'information sur les réseaux sociaux […] et la lutte contre la désinformation».
Quant à son pays, la Bulgarie, il a connu sept scrutins législatifs et cinq Premiers ministres en moins de quatre ans. À cela s’ajoute la menace de la propagande russe. «La Bulgarie a une position géostratégique extrêmement importante», s'émeut Mariya Gabriel. «Il est important d'avoir dans le pays des responsables politiques qui tiennent parole, qui ont le sens du dialogue et du compromis car quand ces forces pro-européennes, pro-OTAN ne s'entendent pas, cela ouvre une brèche aux forces pro-russes, et aux populistes de toutes sortes».
De son côté, la France connaît un déficit budgétaire record et son gouvernement risque d’être visé par une motion de censure. Mariya Gabriel estime que «l’UE a toujours eu et a toujours besoin d'une France qui soit stable et solide. Il faut outrepasser ces petits calculs politiciens et gouverner pour le bien des citoyens et pour le bien de l’Europe», conclut-elle.