Chronique matinale - investir.ch

La peur de l’IA ressurgit…pour rien


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L’Audio du 18 décembre 2025

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Oracle et les autres

Si vous avez suivi ce qui se passe ces derniers temps sur les marchés, vous aurez peut-être constaté qu’on a de la peine à prendre le temps d’analyser le marché et l’économie d’une manière globale et que l’on préfère se concentrer sur une seule chose à la fois. Depuis deux semaines on nous parlait de la réunion de la banque centrale américaine qui était censée changer la face du monde. Bon. La face du monde n’a pas changé, c’est toujours le bordel et les cons sont toujours de plus en plus nombreux tout en haut de la hiérarchie mondiale. Par contre, les taux ont baissé. Les taux ont baissé comme on l’avait prévu et comme on l’avait demandé. Ça n’a eu pratiquement aucun impact sur le marché et on a (EN PLUS) appris que la FED n’avait aucune idée de l’attitude qu’ils allaient avoir du côté des taux dans les mois à venir.

Mais – que l’on se rassure – on nous immédiatement filé un autre os à ronger pour nous occuper dans les jours qui ont suivi la FED : « les chiffres de l’emploi recalculé et retardés à cause du SHUTDOWN ». Là encore, on s’est dit que ça allait tout régler. Il y avait des gens, qui sont des experts et tout et tout et qui ont fait plein d’études, qui pensaient sérieusement que des chiffres, bricolés par un organisme qui est sous la domination du Président américain et qui ont un historique catastrophiquement mauvais quand il s’agit de publier des chiffres économiques, allaient complètement transformer notre vision de l’économie mondiale. Et ça n’a pas manqué : ça n’a rien changé. On a juste eu droit à des chiffres corrigés à la baisse par rapport à ceux d’avant des nouveaux chiffres qui ne voulait pas dire grand-chose et la phrase antidote à la fin qui disait que les chiffres n’étaient pas fiables parce qu’ils n’avaient pas pu vraiment compiler les données…

Les stars des statistiques

Le BLS c’est un peu comme si ton médecin te disait : « Écoutez, on a fait des tests, des scanners, des IRM’s et des prises de sang. On a fouillé partout et nous en arrivons la conclusion que soit vous avez un rhume et que ça va passer, ou alors que vous avez un tumeur au cerveau et dans le doute, on va vous opérer »… Les gars sont nuls. On le sait. On a des preuves. On l’a presque admis. Mais c’est pas grave, on continue à baser nos réflexions d’investissements en croyant ce qu’ils nous disent, tout en sachant que c’est du pipeau. La seule chose qui semble à peu près fiable – et encore, c’est même pas sûr – c’est le taux de chômage qui est à 4.6%.

Donc, on s’est retrouvé hier, après la FED et après les NFP’s, à se dire : « Bon, là on a un jour où y a rien de très important au milieu d’une semaine un peu chargée, puisqu’on attend le CPI jeudi et la Banque du Japon vendredi et s’il ne se passe rien mercredi, on va bien se faire chier ! ». Mais heureusement, il y a des journalistes bien informés et qui ont fait de la vraie investigation, qui ont découvert qu’il y avait une boîte qui s’appelle Blue Owl – qui est une société américaine de gestion d’actifs alternatifs qui gère 300 milliards de dollars et qui fait du Crédit Privé – qui AURAIT décidé de NE PAS FINANCER un prêt de 10 milliards de dollars pour la construction d’un datacenter pour Oracle. Je ne vais pas développer plus loin, ni vous exposer le sujet plus longuement, tout simplement parce que le refus de ce prêt a été démenti quasi immédiatement. Donc si l’on en croit le démenti qui infirmait l’information qui avait été publiée (sauf erreur) dans le FT, c’était un NON-SUJET et l’affaire était pliée. Ou alors il y a quelqu’un qui ment. Ce qui, vous en conviendrez, serait plutôt inhabituel dans le monde de la finance qui a largement fait ses preuves au travers des années et qui a mainte et mainte fois démontré sa transparence indiscutable.

Oui, j’ironise.

Bain de sang

Donc le crédit de dix milliards qui n’aurait pas été accordé à Oracle – bien que démenti dans la foulée – a mis le feu aux poudres et tout spécifiquement sur tout ce qui touchait de près ou de loin (même de très très loin) le secteur de l’Intelligence Artificielle, des datacenters et de toute la toile d’araignée qui fait office de financement pour tout ce joli petit monde. Cette annonce non-officielle et démentie a remis en question toute la problématique du financement de l’IA. Si vous avez déjà passé un peu de temps à lire sur le sujet ces 2 derniers mois, vous devez inévitablement avoir déjà entendu parler du fait qu’Oracle s’est endetté jusqu’aux oreilles (et même un peu au-dessus) pour pouvoir construire plein de datacenters extrêmement gourmands en eau et en électricité, en se basant sur le fait que tous les « fabricants d’IA » comme OpenAI, par exemple, allaient inévitablement avoir besoin de ce genre de ressources pour fabriquer des ordinateurs qui sont plus intelligents que nous.

Sauf que ces derniers temps, et ce à plusieurs reprises, on s’est demandé si VRAIMENT l’IA allait rapporter de l’argent (un jour) à ses inventeurs. Ça n’est pas moi qui vais vous donner la réponse, mais ce que l’on sait c’est que le MIT pense que pour l’instant, c’est mission presque impossible. HSBC avait même très récemment prédit qu’Open AI allait même tout droit en direction du Chapter 11 – façon technique d’annoncer une faillite aux USA sans plus avoir besoin de payer ses créanciers. Bref, à ce stade de l’histoire, même si Oracle n’a pas « perdu » son crédit de 10 milliards, les intervenants n’ont perdu de temps pour additionner les GPU’s et ils ont vendu tout ce qui bougeait dans le secteur, à commencer par Oracle et CoreWeave (CoreWeave qui est à peu près aussi endetté qu’Oracle, toutes proportions gardées) et puis ensuite on s’en est pris à tout le secteur des semiconducteurs – Nvidia en tête de gondole – afin de vous éviter la longue litanie des pourcentages baissiers sur chacun de ces titres, on résumera en disant simplement que le SOX – l’indice des semiconducteurs – a perdu 3.78% et alignait sa 5ème séance de baisse consécutive.

Et maintenant quoi ?

Voilà, je viens de vous résumer la raison de la baisse plutôt violente d’hier. Une baisse basée sur pas grand-chose de fondamental, mais qui a réveillé pas mal de peurs liées au secteur de l’IA. Des peurs que nous avons beaucoup pratiquées ces dernières semaines. Des peurs que l’on avait pris soin de soigneusement oublier ces dernières semaines. Mais des peurs qui sont revenues comme un boomerang. Et on parle d’un refus hypothétique d’un crédit de 10 milliards. Je vous laisse imaginer si demain on nous annonce que « finalement Nvidia ne filera pas les 100 milliards prévus à Open AI »… Mais heureusement, comme dans tout bon film américain, il y a un happy end. Alors soit, le Nasdaq s’est pris une baffe, le SOX s’est fait déglinguer, Oracle s’enfonce toujours plus et Nvidia retrouve ses points bas du mois de septembre, tout en perdant 20% depuis ses records de fin octobre, mais hier soir Micron a publié des chiffres qui prouvent que la faim pour les semiconducteurs n’est de loin pas rassasiée.

La demande explose, surtout grâce à l’IA, et le problème c’est simple : ils n’arrivent pas à produire assez. Résultat : prix de la mémoire qui flambent, marges qui s’envolent, et Wall Street qui recommence à sourire après la sale séance d’hier. La guidance est délirante : presque 19 milliards de chiffre d’affaires attendus, là où le consensus pointait à 14.

Les marges sont en hausse de 67% et le CEO l’a dit clairement : la pénurie va durer, et en 2026 ce sera encore pire. Micron ne peut livrer que la moitié – parfois les deux tiers – de ce que les clients réclament. Et pendant que le marché doutait de l’IA, Micron signait déjà ses volumes HBM jusqu’en 2026. La mémoire devient donc l’or noir des data centers, et Micron continue de forer à 200 à l’heure. La nouvelle est donc bonne et rassurante pour la demande du côté de l’IA et offre un peu de répit à la panique d’hier. La seule chose qu’il ne faut pas oublier quand même, c’est que la demande de chips pour l’IA n’a jamais été remise en question, la question serait plutôt de savoir COMMENT on va financer la demande et qu’est-ce que ça rapportera sur le long terme. Et c’est parce qu’on n’est pas très au clair sur ce sujet, que ça a baissé hier.

Et maintenant, direction inflation

Pour la suite de la semaine, si on arrive à passer à un autre thème que l’IA et son financement, nous allons bien sûr passer au sujet de l’inflation. Le CPI américain sortira à 14h30 et tout le monde s’attend à des chiffres sous contrôle, ce qui rassurerait la finance mondiale qui pourrait se féliciter et se réconforter au sujet de la baisse des taux justifiée de la semaine dernière. Sans oublier que l’on pourra se chauffer pour l’année prochaine et le prochain meeting de la FED agendé en janvier. Ce matin le Japon est en baisse à cause de la tech et dans l’angoisse de l’annonce de BOJ prévue la nuit prochaine, mais on va garder le sujet au chaud pour demain.

Et puis hier soir Trump s’est adressé à la Nation et autant vous dire que ça va rigoler. Trump est monté sur scène, torse bombé, et a annoncé un miracle économique à venir. Inflation stoppée, salaires en hausse, prix en baisse, Amérique respectée, taux qui vont baisser, croissance économique à gogo. Selon le Président, nous sommes face à une nouvelle ère et ça va être tellement facile ! Sur le papier, c’est Las Vegas, mais sauf que là, on va gagner à tous les coups. Par contre, si on passe par-dessus le discours du grand patron et que l’on se concentre sur les chiffres, c’est pas la même mayonnaise. Le chômage remonte à 4,6 %, les créations d’emplois ralentissent sévèrement, et le moteur semble avoir raté plusieurs rendez-vous de révisions. Oui, il y a plus d’Américains qui travaillent… mais il y a surtout plus d’Américains tout court. La participation au marché du travail stagne, loin des niveaux des années 2000. Les salaires continuent de monter, mais de moins en moins vite — l’euphorie selon Trump n’est pas la même que l’euphorie réaliste qui fait un peu plus la gueule. Côté inflation, Trump promet une chute rapide… sauf que les prix sont repartis à la hausse depuis avril.

Mais encore…

On est loin du pic post-Covid, mais clairement pas dans un monde où “tout va bien”.

La croissance ralentit franchement : 2,8 % hier, 1,7 % attendu demain. Pendant ce temps, Trump prépare la suite : nouveau patron de la Fed, taux plus bas, promesse garantie. Il parle aussi de réformes massives du logement, pendant que l’âge du premier acheteur atteint 40 ans. Le discours vend un boom historique, les données murmurent que l’économie est fatiguée, mais on n’ose pas trop le dire fort, au risque de se voir expulsé au Mexique. 2026 s’annonce assez simple : soit la promesse devient réalité… soit la réalité rattrape la promesse et la tire au fond du puit…

Du côté des chiffres du jour c’est donc en route pour le CPI qui est attendu à 3.1% et 3% pour le Core. Par contre, même si c’est un peu plus que prévu, ça ne sera pas grave et tout le monde va se rassurer en disant que comme le pétrole est dans le coma, ça ira mieux l’année prochaine. Notons qu’il y aura encore le Philly FED et la BCE dont personne ne parle pour le moment, puisqu’on attend clairement un immobilisme des plus total…

On se voit donc demain matin très tôt, puisque la BOJ parlera à 3h30 du matin et devrait annoncer sa décision sur les taux à 4h. Ensuite, ça sera pile ou face. Comme tous les jours.

Excellente journée à tous et à demain !

Thomas Veillet

Investir.ch

“Think before you speak. Read before you think.”

― Fran Lebowitz

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