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La rationalisation, Simone WEIL, 1937 – fragment, livre audio


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Une analyse des objectifs du taylorisme et de l'organisation du travail dite "scientifique". Sans concessions et très grande pertinence de l'analyse.
Lu par Alexis Dayon, professeur de philosophie.

Livre audio de La rationalisation, de Simone WEIL, conférence donnée le 23 février 1937 devant un auditoire ouvrier, et dont la première partie seule a pu être recouvrée, d'après une dactylographie elle-même probablement tirée d'une sténographie réalisée au moment où le texte était déclamé.

Si la description des effets physiques et moraux du travail rationalisé sur les ouvriers reprend pour l'essentiel des considérations que l'on retrouve dans La vie et la grève des ouvrières métallos ou dans Expérience de la vie d'usine, ce texte comporte la particularité de décrire de très près le taylorisme, sa genèse et sa pratique, à travers un portrait biographique de Frederick TAYLOR mettant en évidence les logiques de classe qui présidaient à sa démarche de rationalisation.

Mais, selon Simone WEIL, en référer au caractère "rationnel" de cette organisation prétendument scientifique du travail ouvrier, c'est lui concéder un domaine sémantique qu'elle ne mérite pas. Car le taylorisme n'a jamais eu pour objectif d'employer la technique à optimiser et faciliter la production ; il a eu pour objectif de rendre la direction des usines maîtresse des cadences, d'en déposséder ainsi les ouvriers et, en conquérant ce qui était là l'ultime espace de leur pouvoir dans la vie des usines, laminer le pouvoir de négociation des organisations syndicales, atomiser les travailleurs et les plonger dans un état terminal de servitude.

Le texte compte parmi ceux de l'autrice qui pointent l'insuffisance des analyses marxistes : en rapportant le tout de l'exploitation du prolétariat à l'unique question du régime de la propriété et de la spoliation de la plus-value, celles-ci omettent en effet que les injonctions continuelles par lesquelles les travailleurs sont chaque jour dépossédés d'eux-mêmes, de leur corps et de leur intelligence, ne tiennent pas tant à la propriété du capital qu'à l'organisation interne de l'usine, et ne sont de ce fait pas tant l'œuvre du propriétaire de l'usine que de son directeur. (— L'un et l'autre pouvant être une même personne, mais qui opprime bien plus en tant qu'elle dirige qu'en tant qu'elle possède.)

L'enjeu de la propriété apparaît donc comme secondaire et dérivé par rapport à celui, fondamental, du pouvoir et de la force. La démonstration la plus nette en est donnée par le fait que, sous une direction inchangée, les travailleurs demeureraient exactement aussi opprimés dans une usine placée sous le régime de la propriété collective qu'ils le sont dans les usines placées sous le régime de la propriété privée capitaliste. Ce qui est à repenser, c'est la répartition même du pouvoir entre les corps qui interagissent sur le lieu de travail : pouvoir de disposer de ses gestes, de disposer de son temps, d'organiser ses tâches.

SOMMAIRE

0:00 Titre et musique introductive
0:40 La rationalisation
49:38 Lunch Time, C. Chaplin

♪♬ Musique : Lunch Time, de Charlie CHAPLIN, extrait de la bande originale de son film Les Temps modernes (1936), et disponible au lien suivant : https://www.youtube.com/watch?v=qCeaVPxfq2s

◙ Image accompagnant la lecture : capture des Temps modernes, de Charlie CHAPLIN (1936).

Source de la vidéo : https://youtu.be/GCG6GQLIIxU

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