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La transition écologique entrepreneuriale, comme différenciation


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La transition écologique entrepreneuriale oblige à concilier performance économique et engagement environnemental. Ce qui n’est pas facile. Dans un contexte économique très difficile, la question de la survie entrepreneuriale prend une dimension nouvelle. Ces interrogations, loin d’être un dilemme, constituent aujourd’hui l’une des clés de la réussite durable selon Thomas Burbidge. Entrepreneur spécialisé dans l’accompagnement des indépendants et auteur du livre « Sauver sa peau, sa boîte et la planète » publié chez Eyrolles, il nous distille ici ses conseils. Ce billet est le résumé d’un webinaire qui a eu lieu le 14 novembre sur LinkedIn. Vous en trouverez la vidéo en fin d’article.

La transition écologique entrepreneuriale, aller au-delà de l’impératif moral
La transition écologique entrepreneuriale est un élément de différenciation qui peut elle aussi emmener l’entrepreneur vers les sommets. image antimuseum.com

Dans son livre Thomas démontre que l’engagement écologique représente désormais un levier stratégique incontournable. Selon lui, il est possible de réussir sa transition écologique entrepreneuriale et d’assurer la pérennité de son entreprise.

À travers son podcast « Young, White & Freelance » et ses accompagnements, Thomas a observé plus de 10 000 entrepreneurs. Ceux-ci sont confrontés à une double exigence. Maintenir son activité à flot tout en répondant aux enjeux environnementaux. Son approche pragmatique révèle comment transformer cette apparente contrainte en véritable opportunité de différenciation et de croissance durable.

Pour Thomas Burbidge il n’y a pas de sens à choisir entre entrepreneuriat et environnement. Image produite avec Midjourney
L’entrepreneur face à l’urgence écologique : entre conscience et impuissance

L’observation du terrain révèle un paradoxe frappant chez les entrepreneurs d’aujourd’hui. Thomas Burbidge identifie une déconnexion troublante entre la conscience écologique et l’action quotidienne. Cette fracture s’exprime particulièrement dans les entreprises de services où l’impact environnemental semble moins visible que dans l’industrie manufacturière.

« Je voyais beaucoup chez nos clients une espèce de déconnexion. D’un côté, j’ai mon entreprise, j’ai mon quotidien, j’ai mes clients, je facture, je réalise mes prestations. Et de l’autre côté, j’ai cette espèce de frustration de me dire l’écologie, c’est un sujet qui me touche. Je vois à quel point c’est la cause ultime qui fait que notre espèce humaine risque de disparaître à terme ».

Les solopreneurs impuissants face aux géants industriels

Cette dichotomie s’explique par un sentiment d’impuissance particulièrement prégnant chez les solopreneurs. Face aux géants industriels, l’entrepreneur individuel éprouve souvent l’impression de ne pouvoir « faire aucune différence ». Cette perception erronée constitue l’un des principaux obstacles à l’engagement dans une véritable transition écologique entrepreneuriale.

« Je ne suis qu’un entrepreneur tout seul derrière son ordinateur. J’ai mon carnet de commandes, je ne suis pas une multinationale. Je ne peux pas renverser un marché tout entier. Je fais de la prestation de services. J’ai l’impression que je ne peux faire aucune différence ».

Repenser l’entrepreneuriat : au-delà du fantasme de l’enrichissement

L’analyse de Thomas Burbidge souligne que l’entrepreneuriat est trop souvent présenté comme un « véhicule d’enrichissement personnel ». Cela a créé des attentes irréalistes déconnectées de la réalité économique. Cette vision réductrice entrave paradoxalement la capacité d’innovation nécessaire à une transition écologique entrepreneuriale réussie.

« Les statistiques ne vont pas dans le sens de cette vision idyllique. Un entrepreneur sur deux au bout de deux ans met la clé sous la porte parce qu’il n’a pas réussi à trouver le modèle de rentabilité juste pour payer ses factures et satisfaire ses besoins primaires personnels ».

Cette réalité du terrain, où les entrepreneurs peinent parfois simplement à « faire rentrer l’argent qu’il me faut pour payer mon loyer, pour payer ma nourriture », explique en partie la difficulté à intégrer des préoccupations écologiques perçues comme secondaires. Pourtant, c’est justement dans cette fragilité économique que réside l’opportunité de différenciation par l’engagement environnemental.

L’écologie comme stratégie de résilience d’entreprise

Thomas Burbidge tente de reconnecter les enjeux écologiques avec la survie même de l’entreprise. Citant les travaux de Timothée Parique, il rappelle une vérité fondamentale souvent occultée dans notre économie dématérialisée.

« 100 % de nos entreprises et de notre économie dépendent de la disponibilité de ressources naturelles. Tout ce qu’une entreprise construit, que ce soit du service ou du produit prend racine dans une ressource naturelle ».

Cette dépendance, invisible dans notre économie numérique, crée une vulnérabilité structurelle majeure. Un ordinateur portable, symbole de notre économie dématérialisée, représente « 850 kg de matières premières, de métaux rares, de cuivre, de plastique qui vient du pétrole[1] ». Ces ressources, non renouvelables à l’échelle humaine, constituent les fondations fragiles sur lesquelles reposent nos modèles économiques.

Thomas Burbidge établit ainsi un lien direct entre préservation des ressources et pérennité entrepreneuriale. Il positionne la transition écologique entrepreneuriale comme une nécessité stratégique plutôt qu’une contrainte morale.

Le pouvoir unique de l’entrepreneur dans la transformation écologique

L’entrepreneur occupe une position stratégique unique dans l’écosystème économique, particulièrement favorable à l’impulsion d’une transition écologique entrepreneuriale efficace. Thomas Burbidge identifie cette singularité comme un avantage concurrentiel décisif.

« L’entrepreneur se situe à la jonction entre les deux. J’ai la flexibilité, l’agilité qui me permet de changer mon offre pour qu’elle prenne en considération les enjeux écologiques. Mais j’ai aussi la main sur la demande. En effet, je suis aussi une personne qui consomme autant pour moi que pour la vie de mon entreprise ».

Cette double influence sur l’offre et la demande confère aux entrepreneurs un levier d’action particulièrement puissant. À cela s’ajoute leur « compétence médiatique », leur capacité à « créer du contenu, diffuser des idées. Ils peuvent fédérer des personnes dans des communautés », autant d’outils essentiels pour accélérer les transformations sociétales.

L’entrepreneur devient ainsi un « pollinisateur » d’idées, diffusant les bonnes pratiques « d’entreprise en entreprise » grâce à son parcours professionnel diversifié. Cette capacité de dissémination place la transition écologique entrepreneuriale au cœur des dynamiques d’innovation sociétale.

De l’impact direct à l’impact potentiel : une grille d’analyse pragmatique

Pour orchestrer une transition écologique entrepreneuriale efficace, Thomas Burbidge propose une grille d’analyse en trois niveaux d’impact. L’impact direct correspond aux ressources directement consommées par l’activité. L’impact indirect concerne les comportements induits par la solution créée. Enfin, l’impact potentiel évalue les changements de comportement générés chez les utilisateurs.

L’exemple du développement de sites web illustre parfaitement cette approche systémique selon Thomas. Au-delà de la consommation électrique (impact direct) et de l’hébergement permanent des données (impact indirect), la finalité du site web détermine son impact potentiel global.

« Le but, ce n’est pas que chaque individu devienne un surhomme, parfait sur toute la ligne écologique, mais c’est de se demander c’est quoi le rôle que j’ai envie de jouer et pour lequel j’ai les bonnes compétences et les bonnes appétences pour contribuer à la lutte contre le changement climatique ».

Cette approche permet d’éviter le piège de la culpabilisation individuelle tout en maintenant une exigence d’analyse critique, condition sine qua non d’une transition écologique entrepreneuriale authentique et durable.

L’économie régénérative : vers un nouveau paradigme entrepreneurial

Thomas introduit aussi dans son livre le concept d’économie régénérative, que nous avons déjà abordé avec Navi Radjou dans ces colonnes, comme dépassement des limites actuelles de la transition écologique entrepreneuriale. Contrairement aux approches purement défensives, cette vision transforme l’entreprise en acteur de régénération des ressources dont elle dépend.

L’exemple de Papa Outang, entreprise de pâte à tartiner qui finance la préservation de la forêt de Bornéo, illustre selon l’auteur cette approche originale.

« L’objectif de l’entreprise est de protéger l’intégralité de la forêt tropicale à Bornéo. Et c’est l’objectif de l’entreprise, la raison même de son existence. La vente de pâte à tartiner est l’excuse pour générer les fonds pour racheter la forêt en vue de la protéger ».

Cette révolution conceptuelle repositionne l’entreprise comme solution plutôt que comme problème, créant un cercle vertueux où croissance économique et régénération environnementale se renforcent mutuellement. Elle ouvre ainsi de nouvelles perspectives pour une transition écologique entrepreneuriale véritablement transformatrice.

Premiers pas vers l’action : conseils pratiques

Pour l’entrepreneur prêt à franchir le pas de la transition écologique entrepreneuriale, Thomas Burbidge recommande de commencer par cartographier les dépendances aux ressources naturelles. Dans le secteur numérique, cela peut se traduire par une démarche d’autonomie énergétique ou l’adoption systématique du matériel reconditionné.

L’auteur insiste particulièrement sur l’importance d’une approche progressive, adaptée aux moyens et au contexte de chaque entrepreneur.

« On part tous et toutes d’un endroit différent et l’idée, c’est d’y aller étape par étape, petit à petit, mais de plus en plus fort. Donc chacun son chemin et je pense que c’est important qu’on célèbre le fait que tout le monde s’engage sur ce chemin plus que le fait d’arriver au bout du chemin ».

Cette philosophie du progrès continu a pour but d’éviter l’écueil du perfectionnisme paralysant tout en maintenant l’exigence d’amélioration constante, pierre angulaire d’une transition écologique entrepreneuriale réussie selon Thomas.

L’anticipation comme avantage concurrentiel

Au-delà de l’impact environnemental positif, Thomas Burbidge met en évidence la dimension stratégique de l’engagement précoce dans une transition écologique entrepreneuriale. Les entreprises qui développent dès aujourd’hui ces compétences se positionnent favorablement pour les défis de demain.

« Quoiqu’il arrive, le monde va aller dans ce sens, il y a un moment donné où malheureusement on sera si proche du précipice que tout le monde va s’exciter dans tous les sens pour essayer de trouver des solutions. Les personnes qui dès maintenant les maîtrisent, qui les mettent en place sans plus attendre, qui les explorent auront vraiment beaucoup de travail dans l’avenir ».

Impératif moral vs différenciation stratégique

L’approche développée par Thomas Burbidge dans « Sauver sa peau, sa boîte et la planète » démontre que la transition écologique entrepreneuriale n’est pas seulement un impératif moral, mais une stratégie de différenciation et de résilience économique. En repositionnant l’entrepreneur comme acteur central de la transformation sociétale, l’auteur ouvre de nouvelles perspectives pour concilier performance économique et impact environnemental positif.

Trois leviers identifiés

Les trois leviers identifiés – transformation de l’entreprise, évolution du mode de vie et engagement citoyen – offrent un cadre d’action complet pour les entrepreneurs désireux de s’engager dans cette voie. L’exemple des entreprises régénératives illustre le potentiel transformateur de cette approche, où l’activité économique devient un moyen de résoudre les défis environnementaux plutôt que de les aggraver.

Pour les entrepreneurs d’aujourd’hui, la question n’est plus de savoir s’il faut s’engager dans une transition écologique entrepreneuriale, mais comment le faire efficacement. L’analyse de Thomas Burbidge fournit les outils conceptuels et pratiques pour transformer cette nécessité en occasion favorable, créant ainsi les conditions d’un entrepreneuriat véritablement durable et porteur de sens.

Dans un monde où les défis environnementaux s’intensifient, les entrepreneurs qui sauront maîtriser les codes de la transition écologique entrepreneuriale détiennent les clés de la réussite future. Ils ne se contenteront pas de survivre aux mutations en cours : ils en seront les architectes.

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Pour approfondir vos connaissances

Pour approfondir cette réflexion, nous vous invitons à découvrir d’autres analyses sur Visionary Marketing, notamment nos articles sur l’innovation responsable et les nouveaux modèles économiques régénératifs.

Notes

[1] Nos recherches n’ont pas permis de confirmer ce chiffre de 850 kg. Mais on comprend bien que l’impact de la construction d’un ordinateur n’est pas neutre. Il est probablement moindre, cependant, que celui de la fabrication d’une voiture, fusse-t-elle électrique. À ce titre, un ordinateur portable génère environ 330 kg CO₂eq sur son cycle de vie, soit 19 fois moins qu’une voiture électrique (6,2 tonnes CO₂eq rien qu’à la fabrication) (The Restart Project, Circular Computing, UFC Que Choisir, HelloCarbo).

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