Ordonné prêtre en 1886, l'abbé Bruneau est nommé vicaire à Astillé, en Mayenne. C'est un grand gaillard, efflanqué et glabre qui manifeste une ferveur exaltée. Ainsi capte-t-il la confiance des dames pieuses. Celles-ci sont loin de se douter que leur nouveau vicaire cache une âme luxurieuse. Dès qu'il le peut, il enfile des vêtements civils pour fréquenter les bordels de Laval. Là, il couvre ses maîtresses d'un jour de bijoux.Mais où trouve-t-il l'argent nécessaire, lui, un pauvre curé ? Tout simplement dans la poche des âmes charitables de sa paroisse. Celles-ci lui confient leurs économies en croyant qu'elles seront remises à des œuvres pieuses. Tu parles, le bougre s'empresse d'aller dépenser ces oboles dans les bordels lavallois. Il est tellement généreux avec elles que les femmes galantes venaient le chercher en voiture directement chez lui, à Astillé. Mais bientôt l'argent lui manque. Alors, il n'hésite pas à voler son curé et à prendre des assurances sur son logis, auquel il met le feu.Les autorités diocésaines, l'ayant à l'œil depuis longtemps, étouffent le scandale qui pointe en le mutant auprès du curé Fricot de la commune d'Entrammes. Croyez-vous que l'abbé Bruneau prit l'avertissement au sérieux ? Pas du tout. La chair est bien faible. Bientôt, le voilà de retour auprès des petites femmes de Laval. Et il recommence à détourner l'argent de ses paroissiennes bien naïves. Il parvient même à convaincre une vieille religieuse d'Évron de lui confier 16 000 francs afin à les distribuer à de bonnes œuvres. Bientôt, il n'y a plus de paroissiennes à convaincre de lui remettre leurs économies, alors il vole le curé Fricot. Il fait main basse sur 600 francs que celui-ci cachait dans son secrétaire. Le bon curé se doute de l'identité du coupable, mais refuse de le dénoncer à la gendarmerie. Quatre jours plus tard, il était mort ! Son cadavre est retrouvé dans un puits, Le cadavre est hideux à voir, le crâne fendu, les cheveux souillés de sang, les narines poissées de mucosités noirâtres, la face balafrée par une énorme blessure, le nez en bouillie, tous les membres brisés.Après enquête, il apparut que le malheureux avait été jeté dans le puits où, durant plusieurs heures, il s'était agrippé au tuyau de la pompe pour éviter la noyade. Ses cris n'alertèrent personne, sinon l'assassin qui revint à la nuit tombée pour achever son œuvre en balançant de nombreuses bûches. Le lendemain de la disparition de l'abbé Fricot, c'est sa bonne Jeannette qui, découvrant les bûches dans le puits, avertit les gendarmes.Il n'y eut qu'un cri dans le village : « C'est le vicaire qui a fait le coup ! » Sans se démonter, celui-ci protesta vivement de son innocence. Comme aucune preuve accablante ne le désignait comme l'assassin, il fut d'abord laissé en liberté. Pas pour bien longtemps. Les enquêteurs recueillent rapidement auprès d'une brave religieuse un témoignage surprenant. Le lendemain du crime, l'abbé Bruneau lui aurait confié : « Monsieur le curé est dans son puits ; je l'ai vu passer tête basse, hier soir vers 6 heures et demie, se dirigeant vers le fond du jardin, mais je n'ai pas voulu que sa mémoire soit ternie par un suicide. On a jeté des bûches sur lui et, comme il n'a pas pu sortir du puits pour les lancer sur le corps, tout le monde croira qu'il a été assassiné. » Ce témoignage suffit pour arrêter l'abbé. À son tour, la bonne de l'abbé Fricot l'accusa d'avoir tenté de la jeter dans le puits. Et, pour aggraver son cas, on lui mit sur le dos un crime commis quelques mois plus tôt, celui d'une fleuriste de Laval. Celle-ci avait été retrouvée dans son lit, la gorge béante jusqu'à la colonne vertébrale, la paupière gauche arrachée, l'œil droit crevé, le corps lardé de 43 coups de couteau, des artères se voyaient à l'œil nu. Son magasin avait été entièrement dévalisé. Lors du procès aux assises de l'abbé, une cliente de la fleuriste témoigna que le vicaire avait rendez-vous avec celle-ci le soir du crime. Un cocher affirma...
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