Après le choc provoqué par la circulation, virale, des images du tir à bout portant du policier qui a tué le jeune Nahel mardi 27 juin 2023 à Nanterre, la colère a embrasé des quartiers populaires sur l’ensemble du territoire français.

Les jeunes y sont systématiquement victimes depuis des années des mêmes formes de harcèlement, de discriminations, voire d’humiliations de la part de la police. Les agents de ce corps, gangrené par le racisme, ont la gâchette facile. De fait leur sentiment toute puissance est confortée une justice qui, quand elle arrive à être saisie est plutôt clémente envers les auteurs de violences policières. Sous dotées en services et en équipements publics, enclavées, concentrant des difficultés sociales, les banlieues sont pourtant le terreau fertile d’une jeunesse sur-informée, réactive, stratège et capable de s’organiser. Faute de reconnaitre ces qualités comme des facteurs d’ascension sociale, la caste dirigeante est à l’origine d’une injustice magistrale et délibérée que la révolte des jeunes tente de visibiliser.

Auteur notamment de Violences policières : Généalogie d’une violence d’État (ed. Textuel), et La diagonale de la rage. Une histoire de la contestation sociale en France. De 1968 à nos jours, (Éd. Divergences), Michel Kokoreff, sociologue spécialiste des quartiers populaires analyse les causes profondes et structurelles d’émeutes urbaines dont la répression ne fera qu’aggraver les fractures de notre société.

Avec Matthias Thibeaud, chargé de projet Santé et droits sociaux à la Cimade, on évoque les attaques contre l’Aide médicale d’État (AME). Pour rappel, avec 1,14 milliard d’euros en 2023, le budget de l’AME ne représente que 0,47 % de celui de l’assurance maladie – une proportion stable depuis des années. Les dépenses de l’AME sont maîtrisées et augmentent au même rythme que celles de l’assurance maladie, et compte tenu du nombre de bénéficiaires.

L’AME est une prestation très contrôlée, qui fait l’objet de rapports IGAS/IGF réguliers et est discutée chaque année dans le cadre du projet de loi de finances… où elle fait l’objet d’attaques et d’instrumentalisations politiques. L’aide médicale d’Etat (AME) est souvent accusée à tort de susciter du « tourisme médical » ou un « appel d’air ». Or de nombreuses études montrent que le niveau de prestations sociales, comme la couverture santé, n’est pas un élément déterminant pour choisir le pays de destination pour les personnes souhaitant migrer.

Les personnes immigré·e·s arrivent par ailleurs le plus souvent dans un meilleur état de santé que la moyenne de la population du pays d’accueil. Dans les pays d’origine, ce sont prioritairement les personnes les plus qualifiées, ayant le plus de ressources mais aussi celles en meilleure santé qui partent. Mais passées quelques années, du fait des conditions de vie, de travail, de logement, des difficultés d’accès au titre de séjour, l’état de santé des personnes immigrées se dégrade

L’enquête ANRS-Parcours a démontré qu’entre un tiers et la moitié des personnes nées en Afrique subsaharienne et vivant avec le VIH en France se contamine après leur arrivée sur le territoire national. La surexposition au VIH est liée aux conditions de vie précaires réservées aux personnes immigrées dans les premières années qui suivent leur arrivée.

Rencontre avec Pacôme Thiellement, écrivain et vidéaste qui publie Infernet (ed Blast/Massot), un livre qui rassemble les épisodes d’une série de longues chroniques vidéo diffusées sur le médias Blast, suivies d’un texte autobiographique inédit décrivant l’expérience (traumatique) que l’auteur a pu faire des réseaux sociaux.

Chaque chapitre est l’exégèse d’un fait divers dans lequel Instagram, YouTube, twitter, Facebook ou TikTok ont joué un rôle délétère, renforçant, révélant ou rendant possible l’expression des pires passions humaines.

Car en individualisant les utilisateurs, en exacerbant leur narcissisme, en assimilant un pouce levé à une marque d’amour ou d’intérêt réel, en les poussant à la performance et à la compétition (nombre de vues, d’abonnés), les réseaux sociaux sur Internet sont l’outil parfait et l’illustration de la toute puissance d’un capitalisme qui, décidément, ne se décide pas à mourir.

Rencontre avec Elise Van Beneden, présidente d’Anticor. Celle qui est aussi cofondatrice du média Blast préside depuis 2020 cette association anticorruption qui voit aujourd’hui menacé l’agrément qui lui permet d’agir en justice.

Fondée en 2002, Anticor est plaignante ou partie civile au nom des citoyens français, dans 159 affaires de corruption, notamment de la part d’élus.

Une action d’intérêt public dont Elise Van Beneden détaille les enjeux, cruciaux, alors que la corruption coûte 120 milliards d’euros chaque année au budget de l’État.

Elsa Charnois, Dina El Mokhtari et Julie Lesur, accompagnatrices juridiques de la Cimade au centre de rétention administrative du Mesnil Amelot, décrive les dysfonctionnements inhérents à une politique qui systématise l’enfermement des personnes étrangère en vue d’augmenter les chiffres des expulsion.

Les juristes de la Cimade décrive une situation d’atteintes répétées aux droits des personnes : impossibilité de déposer des recours dans les délais, expulsions illégales, non prise en compte des documents de santé (non transmis aux association) qui pourraient justifier une remise en liberté, placement en rétention de demandeurs d’asile, de personne malades, etc. A cela s’ajoute des conditions de vie déplorables : attente anxiogène durant jusqu’à 3 mois sans qu’aucune activité ne soit proposée, nourriture insuffisante, sanitaires bouchés..

Autant de maltraitances qui favorisent les tensions et la violence à laquelle la mise à l’isolement est la seule réponse apportée. Dans cet enfer, le travail compliqué des intervenants de la Cimade le devient plus encore, notamment parce qu’étant mis dans l’impossibilité d’aider utilement les retenus, ils peuvent catalyser leur ressentiment.

Après avoir exercés pendant plus de deux mois un droit de retrait, les salariés de la Cimade retournent au coté des personnes enfermées, pour les aider et témoigner des injustices qu’ils et elles subissent…

Rencontre avec Bénédicte Bonzi, docteure en anthropologie sociale, auteure de “La France qui a faim, le don à l’épreuve des violences alimentaires”, éd du Seuil.

Suite à son immersion au coté des bénévoles des Restos du coeur, la chercheuse procède au dévoilement d’un “marché de la faim” inhérent au fonctionnement délétère du système agroalimentaire. Dans son ouvrage, elle salue l’incroyable travail réalisé par les bénévoles de l’association fondée par Coluche il y a près de 40 ans, tout en interrogeant la violence d’un système de production qui écoule ses excédents auprès des plus pauvres, utilisés comme variable d’ajustement.

Elle esquisse des pistes d’alliance avec le monde paysan pour restaurer l’agentivité des producteurs et de consommateur via une sécurité sociale de l’alimentation.

« Les accidents et la mort au travail constituent un phénomène social massif qui concerne d’abord des ouvriers et des hommes. Un fait peu médiatisé rapporté à l’ampleur des souffrances qu’il entraîne dans la population », pointe l’observatoire des inégalités le 15 mars 2023. En effet chaque années trois personnes perdent la vie au travail chaque jour ouvrable.

Depuis, le début de l’année 2023, 63 décès par accident du travail ont été recensés par Matthieu Lépine, un enseignant qui depuis quatre ans, se livre à ce macabre décompte afin de mettre des noms et des visages sur ces victimes insensibilisées.

Son livre « L’Hécatombe invisible, enquête sur les morts au travail » (éd. Du Seuil), lance l’alerte sur la massivité du phénomène qui ne doit rien à la fatalité. C’est aussi dans ce But que Fabienne Bérard a cofondé le collectif « Stop mort au travail », qui regroupe celles et ceux dont un proche est mort au travail. Le but de très actif collectif est de mettre en commun les expériences, les informations nécessaire pour les familles des victimes et que les parents, enfants, frères, sœur, conjointes concernées puissent se soutenir mutuellement. Comme l’expliquent Fabienne Berard, qui a perdu son fils, sondeur sur une plate-forme d’extraction, Aurélie Guillou, qui déplore la mort dans frère, sur le chantier d’hôtel de luxe, ou Johana Bento-Daire, veuve du père de ses deux enfants, qui travaillait dans une laverie industrielle, les famille réclament vérité et justice.

Elles veulent que la lumière complète soit faite sur les circonstance du décès de leur proche et que tous les responsables soient sanctionnés. Elle exige une meilleur prise en charge des familles en cas de drame et aussi que la loi soit correctement appliquée (sécurité, respect des règles), avec les moyens pour le faire, notamment en ce qui concerne l’inspection du travail, et aussi qu’elle évolue vers plus de prévention et surtout à des sanctions (pénales et financières) réellement dissuasives pour les employeurs. Eric Louis, représentant du collectif « Les cordistes en colère », témoigne des carences meurtrières qui endeuillent régulièrement les membre de sa profession, très largement sur représentée en ce qui concerne les morts au travail.

Tous ont un seul souhaite : éviter aux autres ce qu’il vivent de trop près. Et que l’opinion et les pouvoir publics y soient enfin sensibilisés.

Tandis que se prépare à Mayotte, une « action spectaculaire » de destruction des bidonvilles et d’expulsion de leurs habitants en situation irrégulière, promise par Gérald Darmanin, Sixte Bianchi, bénévole à la Cimade qui et ancien directeur de la Santé sur place revient sur les cause structurelles de « l’immigration » massive sur cet île française des Comores.

Il explique aussi les violations récurrentes de leurs droits subies sur place par les adultes en situation irrégulière et leurs enfants.

Enfin Sixte Bianchi détaille les lois d’exception qui font de ce département français, un territoire où les personnes étrangères ont un accès restreint à la santé et au droit du sol.

Comme d’autres, la Cimade y voit dans ces mesures spécifiques des « expérimentations »ballons d’essai qui pourraient ensuite être étendues à l’ensemble du territoire français pour ôter encore davantage de droit aux personnes étrangères de l’Hexagone.

Nicolas Framont, est sociologue, fondateur et rédacteur en chef de Frustration Magazine, auteur de plusieurs essais et récemment installé comme maraîcher en Charente-Maritime, Nicolas Framont décortique dans son nouveau livre, Parasites (éditions Les liens qui libèrent ), les mécanismes de prédation des classes possédantes.

Dans le but revendiqué de donner des arguments à la prochaine révolte d’ampleur qu’il appelle de ses vœux, le sociologue expose une charge solidement argumentée contre le détournement des politiques au profit des grandes fortunes.

Sarah Belaisch, directrice des pôles thématiques à la Cimade, nous éclaire sur la perte de droits pour les personnes étrangères que représente le texte, présenté mardi 31 janvier, par Gérald Darmanin au Conseil des ministres. Le projet de réforme du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (Ceseda) a pour objectif principal de mettre en place une série de mesures visant à faciliter l’exécution des obligations de quitter le territoire français (OQTF) et à accélérer les procédures d’asile, tout en durcissant les conditions d’accès.

C’est ainsi que Gérald Darmanin espère convaincre les parlementaires de droite et d’extrême droite de soutenir son projet. Il entend aussi emporter les voies de la gauche en proposant la régularisation de certains sans-papiers par le travail.

Aujourd’hui, seule la circulaire Valls, signée en 2012, la réglemente dans le cadre d’une admission exceptionnelle au séjour.

L’inscrire dans la loi pourrait être considéré comme une avancée, si les conditions n’étaient pas fortement limitées.