Share Longitude 181 • Fréquence Terre
Share to email
Share to Facebook
Share to X
Fumé ou pas, le saumon est de toutes les tables. Pourtant sa chair concentre des polluants tels que les métaux lourds ou les résidus de médicaments évacués par les eaux d’égout. Reste que la consommation de saumon par l’homme devient déraisonnable. D’ailleurs le saumon sauvage, celui qui vivait entre aux douze des rivières où il naissait et l’Atlantique où il vivait pour finalement finir ses jours dans ses eaux natales, n’est qu’un souvenir en comparaison des quantités industrielles qui ont été pêchées jusqu’à le mettre en situation de vulnérabilité. C’est ce que clame l’UICN, l’Union Internationale pour la Conservation de la Nature, qui classe le saumon de l’Atlantique dans les animaux vulnérables au vu de la décroissance de sa population de l’ordre de 75% au cours des vingt dernières années. En dehors de l’Ecosse, de l’Irlande, de l’Islande et de la Norvège, la plupart des rivières d’Amérique du Nord et d’Europe ne voient plus passer un seul saumon.
Les raisons ? Les barrages qui les empêchent de remonter des cours d’eau pour frayer, la pêche excessive et la pollution. D’ailleurs, la sensibilité du saumon aux pollutions et donc la présence de ce poisson prédateur constituent un indicateur de la santé des cours d’eau. Et l’élevage n’est pas une solution. Loin s’en faut. L’aquaculture menace directement les océans. Le saumon est un carnivore. Pour un kilo de saumon élevé, c’est jusqu’à 8 kilos de poisson qu’il faut prélever dans les océans. Au Chili, on constate d’ores et déjà la chute libre des stocks d’anchois utilisés en nourriture de croissance rapide. Dans ces élevages d’ailleurs, le risque de maladie n’est pas négligeable et se transmet aux populations sauvages lorsque le saumon d’élevage s’échappe tout simplement des cages où il cohabite avec plusieurs milliers de ses congénères. Bien entendu, pour éviter toute maladie, on donne à ces saumons des traitements à base d’antibiotiques ou de produits chimiques pas toujours recommandables. Et ces polluants se retrouvent immanquablement dans les océans et dans la chaîne alimentaire avec des dommages collatéraux sur l’environnement. Dans sa cage, le saumon est stressé. Et bien souvent, de nombreuses pertes sont à déplorer en raison de ces conditions d’élevage où prime la rentabilité. Une fois de bonne taille, le saumon d’élevage sera tué par asphyxie, à l’air, au CO2, après avoir été préalablement affamé pendant une bonne semaine. Et tout se paye. L’homme, en étant en haut de la chaîne alimentaire, paye son écho à ces méthodes d’élevage pour le moins brutale et irrespectueuse de l’environnement.
On pourrait demander à chacun de consommer moins, en vain, car la réalité, soyons pragmatiques, nous rattrapera. En vidant les océans, en dévoyant les conditions de vie des saumons, nous ne faisons qu’accélérer le processus de moindre quantité de poissons pour une population et une demande de plus en plus grande, souvent inutile. Attendons encore un peu. Le problème sera résolu par la disparition irréversible des poissons dans les océans. Je vous invite tout simplement à prendre vos responsabilités.
Tout le monde connaît le manchot. Bon, ce n’est pas seulement un homme sans bras, et donc sans chocolat. Non, c’est un oiseau qui vit en Antarctique, qui nage, plonge, mais ne vole pas. Il a été immortalisé dans l’excellent film La marche de l’empereur, qui permet d’apprécier les conditions extrêmes dans lesquelles vit cet animal. Le manchot empereur est un peu plus grand que le manchot royal. Tous deux ont des pattes qui ressemblent plus à des nageoires. Enfin, ne confondez pas le manchot et le pingouin, même s’ils se ressemblent de très loin. D’ailleurs, si vous voulez en voir, je vous conseille fortement de visiter Oceanopolis à Brest, qui dispose de la plus importante colonie vivant en conditions quasi équivalentes.
Et je vais vous faire une confidence, le manchot est écolo. Et oui, c’est un oiseau qui détient le secret des économies d’énergie. Jugez-en par vous-même. Il est capable de descendre à plusieurs centaines de mètres, peut encaisser 50 bars de pression, le tout dans une eau glacée. Il montre une capacité d’adaptation extraordinaire en économisant son énergie, c’est-à-dire en dépensant le moins de calories possible, ce qui lui permet de préserver sa chaleur et en abaissant sa fréquence cardiaque pour éviter de consommer trop d’oxygène. Pour faire un maximum de distance, pour un minimum d’effort, sa sobriété, certains diraient sa paresse, repose sur sa forme aérodynamique et son métabolisme régulateur. En gros, notre manchot se comporte comme un engin de course avec peu d’essence dans le réservoir. Certains se seraient amusés à calculer sa sobriété par comparaison avec nos véhicules. Le manchot ferait du 0,06 litre au 100.
Inutile de dire que toutes ces caractéristiques ont intéressé de près les gens qui ont cherché à s’inspirer de ce modèle. C’est ainsi que sont nés des sous-marins, des bateaux et des avions issus des principes aérodynamiques utilisés par le manchot. Les gains obtenus grâce à cette aérodynamique sont de l’ordre de 35%. Le manchot, qui ne l’est pas, nous apprend comment mieux nous déplacer dans l’eau mais aussi dans l’air. Un comble d’ailleurs car le manchot ne sait pas voler. L’aérodynamique n’est pas le seul domaine où excelle le manchot. C’est grâce à une couche de graisse qu’il parvient à supporter le froid polaire. C’est en partie vrai. Il y a aussi son plumage qui a la particularité d’être dense mais surtout de changer de densité à partir d’un muscle que le manchot utilise pour faire bouger ses plumes et ainsi les écarter pour constituer une fine couche d’air isolante supplémentaire. Là aussi, nous avons de quoi nous inspirer pour des vêtements chauds, des moyens d’isolation pour les bâtiments ou les canalisations. Bref, du travail à faire sur les conseils d’un manchot.
Rejoignez la coalition citoyenne pour la protection de l’océan !
C’est mon message du jour. Ne perdons pas de temps. Si vous êtes un usager ou un amoureux de la mer et de l’océan, si vous êtes indigné par les outrages et les menaces qui pèsent sur l’océan, ne m’écoutez pas et allez directement sur le site www.oceancoalition.org et rejoignez la coalition citoyenne pour la protection de l’océan.
Pour ceux qui s’interrogent sur ce mouvement emmené par l’ONG Blum, précisons de suite l’objectif. Restaurer la santé de l’océan n’est pas une option, c’est un impératif. Protéger l’océan n’est pas compliqué, il suffit d’arrêter de le détruire. Exigeons du pouvoir politique qu’il protège l’océan et l’humanité, car notre survie en dépend. Alors rejoignez la coalition pour agir avant qu’il ne soit trop tard. Car une coalition, c’est mieux qu’une pétition. C’est la formation d’une communauté qui agira jusqu’à la victoire.
Et il nous faut un mouvement d’ampleur et ça commence bien. Consciente du rôle essentiel de l’océan dans nos vies, plus d’une centaine d’associations, de fondations, d’entreprises et de personnalités publiques de tout horizon soutiennent déjà la coalition de l’océan. Ces artistes, comédiens, sportifs, actrices, auteurs, activistes, organisations s’unissent derrière une seule volonté, obtenir du pouvoir politique une protection véritable de l’océan, et ce dès 2024. Ensemble, ils appellent le gouvernement français à prendre ses responsabilités et à mettre en place rapidement des actions concrètes pour la préservation de l’océan. Pour en savoir plus, c’est sur www.oceancoalition.org
Encore un doute sur votre participation ? Alors il vous faut réaliser que l’océan est notre poumon. Le protéger est vital. Et c’est très simple, on arrête de le détruire. Nos vies, le cycle de l’eau, les sécheresses, les événements climatiques extrêmes, les productions agricoles, tout le système terre est étroitement lié à la santé de l’océan. Le changement climatique vient frapper des écosystèmes meurtris par des décennies de ravages causés aux animaux et aux habitats marins par la pêche industrielle reconnue comme la première cause de destruction de l’océan. L’océan va mal. La France possède le deuxième espace maritime mondial. La France doit être exemplaire sur la protection de l’océan. Le président Emmanuel Macron a décrété 2024 année de la mer. Demandons-lui de s’engager sur 15 points permettant de sauver l’océan, le climat et les emplois et de commencer par en mettre 3 en œuvre, 3 mesures urgentes d’intérêt général.
L’évidence, interdire le chalutage dans les aires marines dites protégées et qui ne le sont pas le moins du monde.
Le bon sens, cesser d’approuver en subvention publique des méthodes de pêche destructrices et d’utiliser l’argent public pour permettre une transition sociale, écologique et solidaire du secteur de la pêche vers des méthodes de pêche qui cessent de brutaliser l’océan et de le détruire.
Enfin la justice sociale, protéger les écosystèmes et les pêcheurs côtiers en excluant les navires industriels de plus de 25 mètres et pouvant faire jusqu’à 145 mètres, les exclurent donc du littoral français. Le littoral c’est une bande de 12 000 nautiques soit environ 22 km.
Et nos voix peuvent porter, mais elles surtout, elles doivent porter. L’heure est trop grave, nous n’avons pas d’autre choix. Construisons cette victoire essentielle. Comment ? Eh bien en rejoignant la coalition citoyenne pour la protection de l’océan sur www.oceancoalition.org Un manifeste vous y attend, ainsi que la liste des 15 points permettant de sauver l’océan.
Enfin, regardez et diffusez l’excellente enquête de Jean-Pierre Canet disponible sur Youtube intitulée « Aires marines protégées, une imposture française ». Un documentaire qui ne peut laisser personne indifférent et qui vous donnera les informations que l’on évite de vous montrer. Et bien sûr, parlez de tout ceci autour de vous.
La force du nombre est au nombre de nos forces pour que nos voies portent auprès du Président de la République alors que les signaux de cataclysme climatique et biologique s’accumulent. L’océan n’a jamais été aussi chaud, pollué et dévasté par les pêches industrielles. Les courants océaniques qui dictent la régulation du climat sont en cours de modifications profondes et irréversibles et les canicules marines explosent.
Alors, à vos claviers : 3w oceancoalition (en un seul mot ) .org !
Quel est le juste prix pour le poisson que vous achetez ? Sous l’angle théorique, le poisson, coté encrié comme le sont les actions en bourse, n’a pas de prix fixe. Mais dans le contexte de pénurie des pêches, avec une demande en hausse pour une cueillette en mer au milieu stable, voire déclinante, les prix devraient logiquement monter car ce qui devient rare devient plus cher. Mais le poisson fait exception à la théorie et à l’économie. Car faute d’être représenté et structuré de manière forte face au lobby industriel et à la distribution, les communautés de pêcheurs n’ont pas su garder le bénéfice de cette situation de déséquilibre entre l’offre et la demande. C’est ainsi que chaque hiver, par exemple, le prix du bar de chalut poisson sauvage pêché au large avec un bateau et plusieurs marins est au même niveau que celui du bar d’élevage poisson de ferme cueilli à l’épuisette par une ou deux personnes seulement. Des moyens mis en oeuvre très différents. Des prix identiques. Et une comble économique alors que la demande des consommateurs en poisson de qualité est à la hausse.
En fait, pour mieux gagner leur vie, la solution pour les pêcheurs serait de réduire le volume des captures ce qui rendrait le poisson plus rare et donc plus cher. Bref, travailler moins pour gagner plus. Un exemple prouve que cela peut marcher et rendre viable une activité de pêche de manière décente tout en préservant la ressource en poisson. Il s’agit des ligneurs de la pointe de Bretagne qui dans leur fonctionnement réunissent les éléments d’une pêcherie durable et économiquement viable. Les principes en sont simples. Un pêcheur, un bateau et une méthode de pêche manuelle peu agressive sur la ressource et sur les habitats marins. La méthode, une ligne à la traîne, au leurre, consiste à capturer en moyenne une quarantaine de kilos de poisson par jour avec l’option de libérer ou de conserver le poisson pêché en fonction de sa taille. C’est ainsi que cette communauté de pêcheurs, par un accord tacite, restreint ses prises à des poissons de plus de 45 cm alors que la réglementation leur autorise une taille minimale légale de 36 cm. Ces pêcheurs-là ont compris que la ressource n’était pas inépuisable, qu’elle ne tiendrait pas face au chalutage pélagique et que plus ils pêchaient, plus le cours du poisson baissait et moins ils avaient de revenus. Plus fort encore leur démarche marketing. Leurs poissons ont un pince dans la joue avec une référence qui vous permet de consulter sur internet leur fonctionnement mais aussi la date de capture du poisson et même la photo du bateau et du pêcheur qui l’a pêché. C’est difficile de faire mieux en matière de traçabilité.
N’allez pas croire pour autant que ces pêcheurs ne rencontrent aucun problème. La concurrence des plaisanciers qui pêchent des quantités équivalentes mais sans contraintes économiques ou légales, ou les frictions avec les chalutiers pélagiques, beaucoup plus destructeurs et comptant en tonnes plutôt qu’en kilos les quantités de poissons pêchés, qu’ils soient matures ou pas, amènent des conflits réguliers qu’ils seraient pourtant aisés de résoudre par une législation, des contrôles et des sanctions appropriées. Constitués en association, les Ligneurs de la Pointe de Bretagne possèdent le projet le plus abouti, mais partout ailleurs, d’autres pêcheurs isolés ont également cette approche. Même s’ils n’ont pas la même visibilité, ils sont dans le vrai, avec une solution de pêche qui préserve les aspects socio-économiques et environnementaux.
Consommateurs de poissons, ils méritent toute votre attention. www.ligneurs-de-la-pointe.fr
Cette chronique comme à l’habitude est publiée le lundi matin à 9h. Aujourd’hui elle sera plus courte, mais mérite vraiment toute votre attention. Et si demain matin, mardi, on se réveillait ?
Et oui, la France entière parle de l’océan depuis ses derniers mois, le grand oublié de la conversation publique, alors que l’organe vital de la planète n’a jamais été aussi chaud, pollué et dévasté par des méthodes de pêche destructrices. Restaurer la santé de l’océan est un enjeu qui concerne la société entière. Vous, et si demain, chacun d’entre nous rejoignait une coalition qui porterait un certain nombre de demandes tout au long de l’année ?
Cette année, qui est l’année de la mer et ce, jusqu’à la tenue de la troisième conférence des Nations Unies sur l’océan qui se tiendra à Nice en juin 2025.
Et si des pêcheurs, des chercheurs, des élus, des associations présentaient des travaux inédits à discuter de pistes concrètes permettant de gagner sur tous les tableaux ? La protection de l’océan, du climat, des finances publiques, de l’emploi, bref, une avancée socio-économique et environnementale.
Et si ces travaux faisaient l’objet d’une coalition citoyenne pour la protection de l’océan ? Une coalition, une grande coalition citoyenne pour la protection de l’océan, composée de scientifiques, pêcheurs, acteurs associatifs, activistes engagés, personnalités publiques, autour de l’urgence climatique et de la transition sociale et écologique, mais aussi avec vous. Protéger l’océan est un enjeu vital, on peut et on doit allier protection et transition pour un futur pour l’océan qui soit meilleur qu’aujourd’hui.
Et si on commençait par l’évidence ? Interdire immédiatement le chalutage dans les aires marines dites protégées, mais qui ne le sont pas actuellement. Et si on décidait d’organiser la fin progressive du chalutage ? Avec justice pour les pêcheurs, de les protéger, ainsi que les écosystèmes côtiers, le tout en interdisant dès 2024 les navires industriels qui ravagent le littoral.
Et si on engageait un plan d’action en 15 points pour sauver l’océan et le climat ?
Et si, ensemble, on portait ces demandes auprès des décideurs politiques à la veille de la production par la France de sa feuille de route en réponse au plan d’action pour l’océan de la Commission Européenne ? Beaucoup de si !
Et si, demain matin, mardi, on se réveillait ? Allez, ensemble, tentons de mettre l’océan au centre du jeu et de l’année de la mer. Demain, guettez votre fil d’actualité. Dès demain matin, mardi 26, concrétisez le si de mon propos, les si de mon propos, par un ralliement et un engagement pour l’océan, ici et maintenant.
Aujourd’hui, nous appartenons aux premières générations qui, grâce au progrès de la science, disposent des connaissances nécessaires pour appréhender l’ensemble des impacts des activités humaines sur la santé des écosystèmes. Nous avons désormais la capacité d’observer, par satellite, la banquise qui disparaît, les forêts brûlées et le niveau de la surface des océans monté. La communauté scientifique est en mesure d’évaluer la rapidité du changement climatique, de calculer la vitesse de disparition des espèces animales et végétales. Bref, on sait faire.
Une équipe internationale de chercheurs a défini dès 2009 des valeurs seuil affectées à 9 processus régulant la stabilité et la résilience du système Terre à l’échelle mondiale. On parle du changement climatique, bien sûr, de l’érosion de la biodiversité, des apports d’azote et de phosphore à la biosphère et aux océans, indispensables, le changement d’usage des sols, l’acidification des océans, l’appauvrissement de l’ozone stratosphérique, la consommation et l’usage de l’eau douce, la dispersion des aérosols atmosphériques et la pollution chimique. Chacun de ces phénomènes interagit avec les autres et ensemble ils garantissent l’existence d’un écosystème sûr et stable. Plus inquiétant, lorsqu’un processus est trop fortement impacté par les activités humaines et se dérègle, les scientifiques constatent un effet domino affectant les autres fonctions planétaires. Afin de garantir le bon fonctionnement de cette mécanique du vivant, des limites à ne pas dépasser doivent donc être établies et respectées. Exemple, pour le changement climatique, le seuil à ne pas dépasser est de 350 parties par million d’eau maximale de CO2 dans l’atmosphère pour rester en deçà d’une augmentation globale de température de 1°C. Dépasser ce seuil climatique provoque un dérèglement et nous rapproche d’un point de basculement qui pourrait entraîner un processus irréversible d’extinction des espèces et de détérioration de la santé planétaire. On est loin, bien sûr, de l’accord de Paris avec ses 2°C. Si nous voulons prendre des décisions éclairées en matière de politique climatique, il est donc beaucoup plus cohérent de se fier aux limites planétaires établies par les scientifiques que de faire référence aux accords politiques.
Il est donc urgent d’intégrer les mécanismes du vivant dans notre arsenal juridique. Actuellement, notre droit scinde la nature en matière et domaine distincts la mer, la forêt, la agriculture, les mines, l’urbanisme. Les activités humaines encadrées par la loi sont compartimentées et les politiques réparties entre les différents ministères. Les alertes scientifiques se succèdent, différents scénarios sont mis sur la table, mais les politiques sectorielles mises en place sur le court terme n’offrent de réponse ni transversale ni transgénérationnelle. La définition des limites planétaires transposées à l’échelle nationale et locale nous permettrait pourtant de poser un cadre définivement plus adapté que celui du droit de l’environnement actuel. Ces limites devraient être évaluées lors d’élaborations de projets à savoir si elles sont effectivement dépassées ou pas a priori pendant la mise en place du projet et a posteriori ce qui pose un problème de contrôle. Un suivi régulier permettrait en effet de faire des ajustements nécessaires pour respecter des objectifs fixés. D’ailleurs, le ministère de la Transition écologique en 2019 soulignait lui-même qu’outre le fait de constituer un cadre d’analyse novateur, l’approche inédite des limites planétaires correspond à la nécessité d’actualiser les informations environnementales en offrant aux citoyens et aux décideurs une compréhension plus globale de la situation nationale. Et il est vrai que l’inscription du respect des limites planétaires dans une loi ferait immédiatement obstacle à l’autorisation de nouveaux projets comme celui des forages de Total en Guyane par exemple. Car outre des bilans carbone, les impacts sur les habitats par exemple des espèces protégées ou des risques élevés de problématiques environnementales ou de destruction d’une biodiversité exceptionnelle, tout cela pourrait être pris en compte par des limites planétaires. Si ces limites devenaient un outil transversal d’appréciation des projets privés et des politiques publiques, l’administration serait enfin contrainte de refuser la réalisation des activités manifestement contraires à la protection des équilibres écologiques de nos territoires. Au risque de voir les associations obtenir gain de cause devant le juge.
Comment faire sinon pour corriger les logiques industrielles qui portent atteinte à la planète ? Il n’existe pas de référentiel pour analyser correctement leurs impacts cumulés et aucune autorité n’est en mesure de faire entendre raisons politiques qui s’en tiennent le plus souvent à une logique économique. Et donc ce n’est pas étonnant que les scientifiques observent que la France dépasse de façon certaine 6 des 9 limites planétaires sur son propre territoire. On peut donc imaginer une nouvelle instance la Haute Autorité des Limites Planétaires avec une place essentielle pour guider l’administration dans ses choix de politiques nationales, régionales ou face à un projet privé lorsque ses décisions participent manifestement au dépassement d’une ou de plusieurs limites planétaires. Mais ne nous trompons pas, l’objectif n’est pas de bloquer des entreprises mais d’imposer aux acteurs économiques une stratégie qui nous permette de respecter un plafond écologique viable.
Car pour le moment nous sommes bien éloignés de la neutralité carbone et de l’application du principe de zéro perte nette de biodiversité. Une autorité de ce type permettrait donc aux entreprises des secteurs les plus polluants d’aboutir à un modèle d’activité respectueux du cadre des limites planétaires.
Et pour sanctionner les récalcitrants ceux qui malgré les alertes des scientifiques et les mises en demeure de l’autorité contreviendraient toujours aux stratégies d’adaptation, le droit doit se douter de nouveaux outils.
Un clown qui a une attitude étrange, c’est normal. Un poisson clown qui a un comportement étrange, voire suicidaire, ça l’est moins. Alors qu’est-ce qui peut transformer le poisson clown, un cousin de notre vaillant Némo, en kamikaze ? Eh bien c’est la concentration en gaz carbonique. C’est ce qu’a démontré une étude publiée par Nature Climate Change. Une teneur en CO2 dans l’océan trop élevé, comparable à celle prévue à la fin de ce siècle, perturbe le système sensoriel des poissons clowns. Non seulement ils perdent le sens de l’orientation, mais pour certains, ils se jettent dans la gueule de leurs prédateurs. En effet, alors que nos chers poissons clowns fuient actuellement leurs prédateurs, des poissons clowns élevés dans un milieu deux fois plus riche en CO2 vont suivre l’odeur de leurs prédateurs et remonter le courant d’eau jusqu’à celui-ci. Je vous passe les détails, mais l’explication c’est la perturbation d’un mécanisme de transmission neuronale lié au gaz carbonique présent dans l’eau. Et notre poisson clown devient un kamikaze malgré lui, victime d’un gaz à effet de serre que nous déversons dans notre atmosphère malgré tous les effets que nous prévoyons déjà.
Et notre petit Némo n’est pas le seul à être perturbé. Le poisson demoiselle, lui aussi, s’en trouve tout retourné. Après quatre jours passés dans une eau chargée en gaz carbonique, le poisson demoiselle confond sa droite et sa gauche. Heureusement qu’il ne vote pas. Dans les deux cas, ces exemples montrent que les perturbations des océans par le gaz carbonique vont bien au-delà du réchauffement des eaux, de leur acidification ou du transfert d’espèces invasives. C’est l’organisme vivant qui est perturbé intérieurement, qui se modifie et qui transforme les comportements. Et c’est donc l’écosystème dans sa totalité qui est en jeu. Et si l’on regarde les conséquences globales, c’est le risque d’une ample disparition de biodiversité qui nous guette.
Et personnellement, je me pose la question de savoir quel sera aussi l’impact sur nos neurones. Mais je n’ai pas encore vu d’études sur le sujet. Mais on devrait vite l’envisager et quantifier l’impact sur notre humanité. Bien, la morale que je retiens est celle-ci. Arrêtons de faire les clowns sur cette planète. Soyons responsables. Stoppons nos émissions de gaz carbonique. Revoyons nos politiques énergétiques. C’est aussi, au-delà de la réduction des gaz à effet de serre, un excellent moyen de stopper une des menaces qui pèsent sur la chimie de nos océans et donc de leurs habitants. Et bien entendu, réduire le gaz carbonique émis, c’est aussi la possibilité pour les petits et les grands de continuer à s’émerveiller de la robe du poisson clown et de ses dandinements dans les anémones qui peuplent les récifs coralliens.
Quand on a le souci du vivant, on espère que les atteintes les plus graves à la nature soient criminalisées. Pour ce, il est nécessaire de reconnaître le crime d’écocide qui est un moyen de contraindre les sociétés récalcitrantes par des sanctions lourdes. Mais ce crime d’écocide n’est toujours pas reconnu en France.
L’un des arguments est que le droit de l’environnement est suffisamment complet et que le problème réside avant tout dans son application. Ce qui n’est pas tout à fait juste, il suffit de l’illustrer par des faits. Exemple, les forages de Total en Guyane, le déversement de résidus de béton lafarge dans la Seine, l’incendie dans l’usine de produits chimiques Lubrizol à Rouen. Bref, notre système juridique n’est tout simplement pas assez dissuasif pour tenir tête aux grands pollueurs et pour les discipliner.
La reconnaissance du crime d’écocide est une avancée juridique indispensable pour protéger la sûreté et la santé de nos territoires et de leurs habitants humains et non-humains. Pourtant, la plupart du temps, le gouvernement et les élus prennent la défense des intérêts financiers plutôt que ceux de la nature. Les dirigeants politiques se succèdent sans prendre les mesures qui s’imposent pour sécuriser le fragile équilibre mondial. Pourtant, les scientifiques ont défini de manière précise les rouages des mécanismes planétaires.
Pour sanctionner les récalcitrants, ce qui malgré les alertes des scientifiques contrevient aux stratégies d’adaptation, le droit doit se douter de nouveaux outils. L’écocide en est un Actuellement, les activités industrielles provoquent des dommages écologiques graves, en toute impunité, en accord avec l’administration.
Pourquoi ? Parce que l’État distingue entre les destructions de la nature qui sont légales, car autorisées par les pouvoirs publics, et celles qui sont illégales. La limite entre les dégradations qui sont tolérées et celles qui ne le sont pas relève d’un arbitrage entre les intérêts économiques privés des entreprises. Des territoires entiers peuvent être ainsi sacrifiés. Un exemple, la France compte par exemple plus de 323 000 anciens sites miniers ou industriels dont la dépollution n’a souvent été assurée que de manière superficielle, voire laissée aux générations suivantes. La reconnaissance du crime d’écocide vise à se doter d’une incrimination indépendante de l’administration, reposant uniquement sur la constatation scientifique d’atteinte grave à l’intégrité de la nature et de la santé des territoires.
Les discussions sur la scène internationale placent l’écocide au niveau du crime de génocide. Et par souci de cohérence, il est donc impensable que la France en donne une définition qui amoindrisse sa portée. Malheureusement, en 2020, le ministre de la justice et celui de la transition écologique annonçaient un délit d’écocide mais qui n’était que d’une portée de simples délits de pollution. En fait, techniquement, ce qui était proposé correspondait à un délit générique d’atteinte à l’environnement, opportunément renommé délit d’écocide. Mais l’écocide, c’est le crime qui est contre l’environnement, celui qui est au sommet de la pyramide, pas un simple délit. Quant à ces délits, les statistiques montrent qu’actuellement, les magistrats ont tendance à préférer conclure des transactions pénales qui permettent aux auteurs de dommages écologiques de ne pas se retrouver devant les tribunaux.
On le voit, il serait illusoire de s’attendre à ce que la révolution que représente la reconnaissance des droits de la nature et du crime d’écocide vienne de nos élus. Ce changement doit venir de nous, des citoyens engagés, qui agissons et mettons en oeuvre des projets concrets pour défendre la nature. Nous ne pouvons compter sur ceux qui nous gouvernent actuellement et qui ne prêchent que la croissance pour changer de trajectoire. Ce sont les bouleversements sociétaux qui impulsent l’adoption de nouvelles lois, et pas l’inverse. A nous de réagir et de convaincre que l’écocide n’est pas une notion seulement nécessaire, mais qu’elle est également désirable.
Je vais commencer par vous parler de sexe et d’océan, ou plus précisément comment la pilule contraceptive a un impact sur les poissons. Non, les poissons ne prennent pas la pilule, quoique. En effet, nos systèmes d’eau usée véhiculent les urines des femmes chargées en oestrogène. Ces hormones, après un périple via les stations d’épuration, les rivières, les fleuves, rejoignent la mer et polluent les milieux naturels. Et là, après ingestion, elles féminisent les poissons mâles. Les composants de la pilule sont juste un exemple de ce qui se retrouve dans un cours d’eau ou en mer. D’autres médicaments, mais aussi des produits cosmétiques, des crèmes solaires ou des lessives larguent des nanoparticules, autrement dit des particules de moins de 100 milliardièmes de mètres dans l’environnement.
Bien entendu, tout industriel vous affirmera que ces particules sont inoffensives. Sauf qu’elles possèdent une particularité physique qui fait qu’une fois à l’intérieur d’un organisme, elles collent à sa surface un enrobage de protéines. Parmi ces dernières, certaines jouent un rôle très important sur l’organisme des animaux et des hommes, notamment dans la consommation de graisse. Ceci a été montré dans une étude publiée dans la revue en ligne PLOS One le 22 février par une équipe suédoise de l’université de Lund en ayant recréé une chaîne alimentaire en laboratoire à base d’algues microscopiques, de petits crustacés herbivores et de petits poissons. Dans l’eau ont été ajoutés un peu de nanoparticules de polystyrène, 0.01% très précisément. Un groupe témoin a été constitué également. Après plusieurs cycles et au bout de 18 jours, les premiers effets se sont fait sentir pour le groupe à nanoparticules. Les poissons nageaient moins vite, mais surtout chassaient moins et semblaient mous, si mous, comme si les poissons n’avaient plus faim. Et alors que la nourriture fournie ne leur était pas suffisante, ces anorexiques grossissaient. Le groupe témoin, lui, maigrissait tout en mangeant et en utilisant son stock de graisse pour supporter le jeûne. Selon les auteurs de l’étude, il s’agit de la première fois qu’un lien est montré entre cette couronne de protéines et un effet sur le métabolisme et sur le comportement d’un organisme vivant, ainsi que sur sa fonction au niveau de l’écosystème. En effet, si un chasseur devient anorexique et cesse de chasser, l’équilibre de l’écosystème en sera modifié.
Toutefois, l’étude ne donne pas la concentration moyenne des nanoparticules étudiées dans notre environnement, ni quelle seuil de concentration de nanoparticules agit sur les poissons. Néanmoins, ceci s’avère très intéressant, car cela démontre qu’en connaissant les nanoparticules et sur une hypothèse d’impact, on peut les tester sur des êtres vivants qui les auront absorbés. Identifier les risques que présentent les nanoparticules devient dès lors possible. La nanotoxicologie, discipline nouvelle, a bien du travail. D’autant que la mise sur le marché de produits contenant des nanomatériaux s’en a franchi allègrement, faute d’une utilisation d’outils d’évaluation de toxicité appropriée. Faute de test, on se passe nanoparticules ? Peut-être, mais je doute qu’on se passe du sexe et des océans.
Avez-vous déjà observé cette formidable ingéniosité biologique dont font preuve les espèces végétales et animales pour parvenir à un développement optimal en fonction des caractéristiques de leur milieu naturel ?
Eh bien notre espèce aurait dû évoluer avec la même logique et en prendre de la graine. Mais contrairement à l’arbre qui doit se contenter des climats à portée de racines, ou aux fauves limitées par les limites de son territoire, l’homme a progressivement étendu son terrain de chasse à la planète. La mondialisation, l’intensification des échanges internationaux, l’essor de la société de consommation ont conduit le monde occidental à dépasser toujours plus les limites biologiques des milieux naturels. Et en conséquence, les systèmes de gouvernance se sont adaptés à cette évolution et se sont dotés de règles souvent contraires aux principes régissant le vivant. La surexploitation des ressources naturelles est encouragée par le système politique, autorisée par le système juridique et motivée par le système économique sans respecter les mécanismes de la nature. Or, nous ne pouvons pas établir une société pérenne si les lois que nous établissons pour nous gouverner sont incompatibles avec celles qui régissent le système Terre et donc conduisent à son effondrement.
Réconcilier l’humain et la planète nécessite que ces mêmes systèmes économiques, politiques et juridiques aient désormais pour objectif de promouvoir les comportements qui contribuent au bien-être de la communauté du vivant, humain et non humain compris.
Dans d’autres pays, et notamment en Amérique du Sud, le mouvement pour les droits de la nature a pris de l’ampleur et instaure une dynamique d’espoir. C’est le cas de l’Équateur qui a reconnu en 2008 les droits de la nature dans sa constitution, suivi en 2010 par la Bolivie qui, à son tour, a promulgué une loi des droits de la Terre-mer. Et en Colombie, en 2018, la forêt amazonienne était reconnue comme sujet de droit. Ces décisions illustrent à quel point un changement en profondeur est possible lorsqu’il est porté par la société civile et qu’il bénéficie du soutien des institutions, notamment de la justice, qui retrouve ainsi toute sa grandeur lorsqu’elle agit pour le bien de tous. N’est-ce pas exactement le genre de récit que nous espérons voir naître en France ?
Pour reconnaître les droits de la nature, il faut enteriner que les fleuves, les forêts, les montagnes ou toute autre entité naturelle, toute espèce non humaine, ont le droit inaliénable d’exister, comme le reconnaît la déclaration universelle des droits de la Terre-mer, proclamée en 2010 en Bolivie, au cours de la conférence mondiale des Peuples sur le changement climatique. Ce texte énonce 12 droits de la nature et 13 devoirs de l’être humain envers la Terre-mer, définis comme communauté de vie indivisible composée d’êtres interdépendants et intimement liés entre eux par un destin commun. La source des droits de chaque individu humain ou non humain réside dans le fait que nous existons en tant que membres de la communauté de la Terre. Il ne s’agit pas de donner des droits à la nature, comme un souverain octroie des titres à ces sujets, mais de supprimer les lunettes déformantes à travers lesquelles les civilisations occidentales voient le monde et qui faussent la perception de notre place dans l’univers. Si nous revendiquons et protégeons les droits humains, la logique nous impose de reconnaître simultanément ceux des autres membres de la communauté du vivant. En suivant ces préceptes, nous pourrions alors utiliser les institutions, en particulier les tribunaux, pour inciter les humains à se comporter de manière à contribuer à la santé de la communauté de la Terre. Il faut bien comprendre que ces lois empêcheraient simplement que les activités humaines respectent de manière irréversible le fonctionnement des écosystèmes et compromettent leur existence, et donc la nôtre. Car jusqu’à maintenant, l’obscurantisme des dogmes économiques et industriels nous a aveuglés, essayant de faire croire qu’il existerait une concurrence entre la protection de la nature et les droits humains. Mais la seule concurrence qui existe est celle entre les dominés et les dominants, qu’ils soient humains ou non humains. Notre modèle occidental n’a pas fait qu’imposer des objectifs de croissance contraires à la vie planétaire, en puisant dans les ressources naturelles. De la même manière, il a réduit les hommes au statut de ressources humaines. L’alerte des scientifiques sur la situation planétaire est donc un appel à se débarrasser de cette vision utilitariste de la nature et d’inscrire l’harmonie avec le vivant comme condition sine qua non de la pérennité de nos sociétés humaines et de l’égalité entre tous humains et non humains.
En termes juridiques, il s’agit donc ici d’énoncer un nouvel écosystème de droits qui protège efficacement les intérêts de l’ensemble des espèces et d’instaurer des organes de gouvernance et de règlement des litiges qui garantissent aux défenseurs de la planète de pouvoir la défendre.
Ah, je vous entends déjà me dire que cela remettrait en question les principes humanistes et la garantie des droits fondamentaux humains au profit des droits de la nature. C’est une aberration tant notre interdépendance avec le vivant est une évidence. L’histoire nous montre que le droit est une fiction en constante évolution. L’humain façonne les règles sur lesquelles repose la société. Il les modifie selon ses aspirations, l’évolution des mœurs et les aléas politiques. Nos lois peuvent être un moyen de libération comme d’oppression.
The podcast currently has 398 episodes available.