Pour la trentième année consécutive, le Secours Catholique publie ces jours-ci son rapport annuel sur l’état de la pauvreté en France. Ce rapport est le fruit des données recueillies auprès de 1.120.000 personnes accompagnées en 2024 par les quelques 2500 équipes que compte l’association en France.
Mais que d’évolutions en 30 ans ! En 1994 en effet, la lutte contre l’exclusion était déclarée « grande cause nationale ». 30 ans plus tard, c’est dans une quasi-indifférence générale que l’INSEE révèle que plus de 15 % de la population, soit une personne sur 6, vit en situation de pauvreté. L’année dernière, ce sont même 650.000 personnes supplémentaires qui ont basculé dans la pauvreté.
Relayée et même promue dans certains médias, l’idée mortifère se répand pourtant dans la population que chacun ne devrait sa place dans la société qu’à son mérite propre. Dès lors, pour beaucoup, les pauvres seraient eux-mêmes responsables de la situation dans laquelle ils se trouvent. Responsables, mais aussi coupables : coupables de coûter cher à la société, coupables de n’avoir pas d’emploi, coupables de ne pas savoir gérer leur argent, coupables de mal éduquer leurs enfants, coupables de ne pas être de chez nous…
La réalité dont témoigne le rapport du Secours Catholique est pourtant tout autre. Année après année, il démontre que la pauvreté n’est pas un choix et moins encore une fatalité. Les politiques publiques en matière d’emploi, de logement, de santé ou d’accompagnement social influencent directement la situation des plus vulnérables. Quand la solidarité s’affirme, la pauvreté recule, quand elle s’éloigne, la pauvreté progresse. Ce rapport comporte donc une triple invitation : invitation à comprendre la réalité de ce que vivent les personnes accompagnées, invitation à combattre les idées reçues, invitation à agir ensemble.
Car la réalité est d’abord la suivante : En 2024, le niveau de vie médian des 1.120.000 personnes accueillies est de 565 euros par mois. Comment dès lors s’alimenter, se loger, se chauffer, se déplacer ? Et pourtant, le plus souvent, ces personnes ne viennent pas d’abord au Secours Catholique pour quémander une aide, mais pour être écoutées et accompagnées dans la durée, pour trouver une autonomie à laquelle elles aspirent.
Le visage de la pauvreté que rencontrent les bénévoles du Secours Catholique est d’abord celui des femmes et des enfants. Bon nombre de mères isolées ne peuvent trouver d’emploi ou travaillent en contrats précaires, souvent selon des horaires hachés dans une même journée. Dans les familles accueillies, 72 % des enfants vivent dans un ménage en en extrême pauvreté. Comment alors parler d’égalité des chances ?
Et si les personnes au chômage sont aujourd’hui moins nombreuses, le Secours Catholique rencontre davantage de personnes durablement éloignées de l’emploi, souvent du fait de problèmes de santé ou de handicap. Bon nombre enfin se trouvent perdus dans la complexité croissante des démarches administratives et la dématérialisation des procédures, n’ayant souvent comme interlocuteurs que des robots.
Pourtant, les bénévoles du Secours Catholique témoignent de ces belles rencontres qu’ils font au quotidien avec ces personnes, ces familles qui ne demandent qu’à trouver une place dans cette société qui au mieux les ignore, au pire les exclut.
Or,la santé d’une société se mesure au sort qu’elle réserve aux plus vulnérables. Dès lors, il n’appartient qu’à nous-mêmes de choisir dans quelle société nous voulons vivre.
Une chronique de Philippe Guerquin, membre actif du Secours Catholique de Meurthe-et-Moselle.
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