Porte ouverte

Olivier Weber, témoin des Hommes parmi les Hommes


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Qu'est-ce qui motive un homme à prendre autant de risques pour témoigner de ces guerres lointaines et des souffrances humaines en esthète? Amoureux des livres de voyageurs et d'aventuriers, ses modèles sont Jack London, Joseph Kessel, Joseph Conrad mais aussi Goethe et Cervantès. Quoi de plus évident pour cet écrivain voyageur que de rendre hommage à Joseph Kessel, qui fut tout à la fois romancier, reporter, combattant et académicien ? Olivier Weber nous raconte comment il a marché dans les pas du grand romancier. "Les livres c'est ma famille, c'est un pays sans frontière, c'est un passeport". Comme correspondant de guerre pour le The Sunday Times, Libération, Le Point, il a couvert plus d'une vingtaine de conflits dans le monde, en Irak, en Birmanie ou en Afghanistan aux côtés du commandant Massoud puis de son fils. Il est allé infiltrer des guérillas et des cartels de trafiquants de drogue. Devenu ambassadeur de France itinérant de 2008 à 2013, il a lutté contre le trafic des êtres humains. Qu'est-ce qui motive un homme à prendre autant de risques pour témoigner de ces guerres lointaines ou des souffrances humaines ? "Pour moi, le reportage il commence ici, il commence aux portes de Paris dans nos banlieues, dans des villes de Province, dans les restaurants, dans les arrière-boutiques, dans les arrière-cuisines, pour voir les gens, ce qui est important c'est la passion de l'humain." "J'ai davantage appris des guerres par des romans que par des essais." Lauréat des prix Albert-Londres et Joseph-Kessel, pour ne citer qu'eux, Olivier Weber affirme "ne plus faire, ou très peu, de distingo entre la littérature du réel, qui est le grand reportage, qui est le document, qui est le récit, qui est l'essai, et deuxièmement l'imaginaire, la fiction. Parce que la fiction vous permet de réenchanter le réel et de mieux l'expliquer."

Les livres qui ont changé sa destinée ? "Götz von Berlichingen", de Goethe, et "Don Quichotte" de Cervantes. Des livres qu'à l'âge de huit ans il lisait sous sa couette au pensionnat. "J'ai eu la chance d'avoir entre les mains des livres de Goethe et de Cervantès". Adolescent, ce fils d'une famille modeste du Mercantour lisait "Goethe en allemand et Cervantès en espagnol à [ses] chèvres". Jeune berger dans la vallée de la Roya, il rêvait de "parcourir le monde" et de franchir ce qu'il appelle les "frontières visibles et les frontières invisibles", celles qui séparent les hommes en castes et en milieux sociaux. "Si tu dois traverser l'Enfer, continue à voyager, à travailler et à aimer: J'étais malheureux dans ma tête", explique-t-il, ce pourquoi en regardant des montagnes il se disait "je peux les franchir, je peux espérer de meilleurs lendemains". Aujourd'hui encore, "l'espérance d'un meilleur avenir", c'est cela qui l'anime. "J'écris avec cette sensation, ce sentiment, je crois qu'on on écrit non pas dans le malheur, mais dans ce besoin d'espérance." Olivier Weber est l'auteur de près de 30 romans, essais et biographies. Il a été secouriste en mer à Nice, a suivi des études d'économie et d'ethnologie, il est titulaire d'un un doctorat de droit international et d'un diplôme américain en management, il a appris l'indonésien et le malaisien. "Toutes ces marches ont été gravies une par une, je ne pense pas que j'ai du mérite", dit-il. Pour lui, le secret c'est le travail, il dit "le travail, le travail, le travail", comme Jack London en son temps. "20 ans d'efforts" et une vie à écumer les pages d'innombrables livres. "Les livres c'est ma famille, c'est un pays sans frontière, c'est un passeport.

Peut-on encore partir à l'aventure au XXIe siècle, à l'heure du surtourisme ? Cela fait plusieurs années qu'Olivier Weber, écrivain et grand reporter, cultive l'esprit d'aventure. Pour lui, l'aventure est synonyme de rupture, de refus du confort tel que nous les offrent les sociétés occidentales modernes. Et si on cédait à notre "pulsion de nomade" ? "Il faut être prêt à affronter l’inconnu, il faut être prêt à aller vers le mystère." L’aventure on l’associe le plus souvent aux grandes découvertes de la Renaissance ou aux explorations du XIXe siècle. Aujourd’hui, elle a ses voyagistes, qui font venir des milliers de personnes aux mêmes endroits. Quelle aventure vit-on quand on reste connecté à internet ou quand on ne quitte pas un certain confort ? Comment parler d’aventure aux hommes et aux femmes du XXIe siècle ? Avec son "Dictionnaire amoureux de l’aventure" (éd. Plon, 2024) Olivier Weber partage sa propre vision de l’aventure, qui va avec le goût du risque, du mystère et même de l'absurde... Grand reporter pour Le Point, Olivier Weber a été correspondant de guerre en Afrique et au Moyen-Orient. Il a couvert de nombreux conflits et guérillas en Iran, en au Tchad, en Chine, en Tchétchénie, en Russie, au Kosovo. En particulier, cet amoureux de l’Orient s’est rendu de nombreuses fois en Afghanistan, où il a côtoyé le commandant Massoud. Sa vision de l’aventure ressemble au goût du risque. "Il faut être prêt à affronter l’inconnu, il faut être prêt à aller vers le mystère. Il y a quelque fois un côté aventure, péril, goût du risque, qui n’est pas sans analogie avec l’absurde." "Absurde", c’est d'ailleurs la première entrée de son "Dictionnaire amoureux". Ce qui peut sembler étonnant de la part d’un reporter, en quête de ce qui est factuel. S’il y a "un côté irrationnel" dans l’aventure selon Olivier Weber, c’est parce qu’en un sens il s’agit de "repousser le réel". C’est-à-dire repousser les frontières de ce qui est connu, prêt à se laisser déposséder de ce que l’on sait. À 65 ans, Olivier Weber s’est aussi imposé dans le paysage littéraire. Auteur de romans, essais et récits de voyage, il a reçu de nombreux prix, dont le prix Joseph-Kessel et le prix Albert-Londres.

Deux auteurs qui lui ont appris l’esprit d’aventure - Olivier Weber est aussi l'auteur en 2019 d'un "Dictionnaire amoureux de Joseph Kessel". Ce qui ressemble à "une quête philosophique" mais aussi "de sentiment, d’émotions… de paysages terrestres et humains. Même si on a tout exploré on peut ré-explorer avec le cœur avec les yeux grands ouverts." À l’adolescence, quand il était berger, il a associé la découverte des grandes espaces à celles des univers de Goethe, de Cervantès, de Conrad. Moi j’ai le goût de la rupture, du voyage, de l’inconnu, de l’aventure depuis l’enfance, et je ne pense pas que je l’abandonnerai de sitôt L’aventure, cela commence souvent par "une rupture". C’est refuser ce que proposent nos sociétés modernes, l’assurance du confort. "Chacun dans sa vie, à un moment, a besoin de ruptures. D’autres l’ont toute leur vie. Moi j’ai le goût de la rupture, du voyage, de l’inconnu, de l’aventure depuis l’enfance, et je ne pense pas que je l’abandonnerai de sitôt."Et si on cédait collectivement à notre pulsion de nomades ? "On a encore ce côté nomade en nous, on s’aperçoit qu’on n’est pas fait pour rester assis toute la journée." Pour Olivier Weber, notre civilisation "trop sédentarisée, est mortelle". Il en est convaincu, "on a besoin mettre en avant cette pulsion cet élan, ce mouvement".

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Porte ouverteBy Yann Porte