Un regard chrétien sur le monde

Quand l'Afrique aiguise les appétits des grandes puissances....


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Dans son numéro du 16 octobre, l’hebdomadaire « La Vie » consacre un article au territoire de Manono, lequel se trouve dans la province du Tanganika, au sud-est de la République Démocratique du Congo. Rien ne prédestinait pourtant celui-ci à être l’objet d’une telle médiatisation. Mais c’est à cet endroit que vient d’être découvert un gisement phénoménal de lithium, dont on sait qu’il est devenu essentiel dans la fabrication des batteries de véhicules électriques.

Dans le passé, Manono fut une prestigieuse capitale minière, exploitée dès les années 1920 par les colons belges pour son important gisement d’étain. Mais, à partir de 1960, les cours de l'étain s'effondrent et l'exploitation de la mine est peu à peu abandonnée.
Aujourd'hui, il ne reste rien de cette prospérité ancienne. 78% de la population doit survivre avec moins de 2 dollars par jour. Il n'y a plus ni électricité, ni eau potable. La malnutrition, les épidémies de choléra et de rougeole font des ravages. Des enfants meurent ainsi par centaines.

En 2016 pourtant, la population locale reprit espoir lorsque fut découverte à Manono la plus importante réserve de lithium au monde. Mais l'entreprise créée entre l’état congolais et la compagnie minière australienne ayant découvert le gisement n'a toujours pas démarré, du fait de l'arrivée à Manono de la plus importante compagnie minière chinoise, à qui le gouvernement congolais a concédé un droit d'exploitation. Et ce n'est pas tout ! Le gisement intéresse aussi les Etats-Unis. Une société nord-américaine annonce ainsi être prête à investir un milliard de dollars pour développer à Manono l'exploitation du lithium.

Ce sursaut d'intérêt de la part des grandes puissances interpelle une bonne partie de la population locale, qui se met dès lors à rêver de développement économique et de revenus décents, alors que la compagnie chinoise, "Manono Lithium" commence la construction d'un gigantesque complexe industriel. Pourtant ces prémices n'incitent pas à l'optimisme.
D'abord, alors que le code minier l'impose, aucun cahier des charges n'a été déposé, de sorte que les engagements devant être pris par chacune des parties n' ont pas été publiés. La question de l'impact environnemental n'a pas été davantage abordée, alors que ce mode d’exploitation est extrêmement polluant.
Enfin, les salaires que verse Manono Lithium pour la construction de ses usines restent particulièrement bas. La corruption est partout et les pénuries d'eau ou d'électricité sont toujours aussi fortes. La population, ayant abandonné les champs, commence même à souffrir de pénurie alimentaire.

Il devient certes urgent de promouvoir des énergies décarbonées. La construction de véhicules électriques fait donc sans doute partie des solutions d'avenir. Mais ce cycle ne sera réellement vertueux que s'il l'est pour toute la chaîne de production.
Pour l’heure, alors que la transition énergétique mondiale dépend beaucoup du lithium congolais, la population de Manono attend toujours, quant à elle, sa propre transition vers des conditions de vie dignes et justes.



Philippe Guerquin, engagé au Secours Catholique de Meurthe-et-Moselle.

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