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Or
Salut à toi le siècle.
Oui, j’ai décidé de m’adresser au siècle, les gens en cette fin d’année, vous êtes assez compliqués politiquement parlant. Sur les réseaux, dans les médias, on voit que vous n'êtes pas du tout du tout d’accord entre vous. Si vous aviez le pouvoir de vous annihiler les uns les autres par la pensée, vous n’hésiteriez pas une seconde. Je ne vois pas par quelle imprudence je viendrais me mêler.
Et puis tout devient très très confus: l’extrême gauche c’est l’extrême droite, l’extrême droite c’est la droite républicaine, l’écologie c’est du terrorisme, le terrorisme c’est de la résistance, l’avenir c’est la croissance et les rois du pétrole vont nous mener à un monde décarboné.
Non, les gens, la seule chose que vous avez encore en commun, quoique pour des raisons diamétralement opposées, c’est le fait de tenir ce siècle pour un désastre. Ça fait un point de convergence entre nous, sauf que je préfère ne pas vous parler. Mieux vaut que ça reste entre le siècle et moi. Faites comme si on n’était pas là.
Alors, salut à toi siècle d’épouvante, abominable saloperie. Salut à toi année finissante. Le 31 décembre, personnellement, j’aurai vraiment du mal à prononcer les traditionnels vœux de bonne année, sachant que l’année prochaine, tu seras dans l’exact prolongement de l’année actuelle. On aura sans doute un décompte plus précis des morts sous les bombardements de l’armée la plus morale du monde, à Gaza. Enfin, si une instance neutre est autorisée un jour à entrer.
70% de femmes et d’enfants en dommages collatéraux selon les chiffres de l’Unicef, au 11 décembre. 17'177 morts, plus de 5'350 enfants et au moins 3'250 femmes. 46'000 blessés dont 9'000 enfants. 4'500 portés disparus dont 3'500 enfants. On n’ose pas imaginer les chiffres si les bombardements avaient été le fait d’une armée immorale. 45% des logements détruits au 6 décembre selon Handicap International.
Cette année l’esprit de Noël, là-bas, va survoler un amas de ruines. Il ne va pas pouvoir se poser sur la bande de Gaza le traîneau du Père Noël. De toute façon: pas de cheminée, pas de cadeaux de Noël. Et puis Gaza, ce n'est pas Maman j’ai raté l’avion, c’est plutôt Maman l’avion ne m'a pas raté. Gaza, c’est une sorte de Où est Charlie à ciel ouvert avec le Hamas à la place de Charlie, sauf que du Nord au Sud, il n'y a que des Charlie partout partout. Derrière chaque être humain, dans tous les bâtiments, les ambulances, les hôpitaux, partout. Avec sa petite écharpe rayée rouge et blanche et son bonnet mignon, mais qu’au lieu de pointer Charlie quand tu le trouves, tu le bombardes à mort, rien à foutre des autres persos sur la page, des otages, tu bombardes. Tu éradiques Gaz… euh, le Hamas… enfin, Charlie, enfin, je ne sais plus.
Franchement, si on en est là, le siècle, autant lâcher une bombe atomique. C’est moins cruel, plus rapide, plus efficace, plus franc. Étonnant que l’I.A. avec laquelle l’armée morale élabore ses bombardements pour optimiser les frappes pertinentes ne l’ait pas encore proposé. Ça doit être une I.A. avec, je ne sais pas, des scrupules écologistes. Déjà que le bilan carbone ne doit pas être bon avec plus de 12'000 bombes de 150 à 1'000 kilos larguées sur la zone la plus densément peuplée du monde, on ne va quand même pas l’aggraver avec une explosion atomique, même si ça règlerait le problème une fois pour toutes.
De toute façon, le problème va se régler tout seul, parce que, selon l’OMS, les maladies non traitées tueront plus que les bombardements, si le système de santé n’est pas rétabli, que l’aide humanitaire et les médicaments restent entassés pour rien au point de non passage égyptien de Rafah. La pluie, le froid et l’hiver qui s’installent devraient encore accélérer le cours des choses.
C’est d’ailleurs le moment qu’a choisi le Conseil National, sous l’impulsion d’un UDC, pour couper la contribution suisse annuelle de 20 millions de francs à l’Agence pour les réfugiés palestiniens sous mandat onusien, le seul acteur humanitaire opérant encore à Gaza. Je salue la cohérence et la neutralité de la patrie depuis laquelle j’adresse ces mots de colère à un siècle qui désormais me dégoûte.
Les conventions de Genève sont traitées à peu près de la même façon qu’une femme israélienne par le Hamas un 7 octobre de ce siècle abject. Les horreurs de toutes les parties sont consignées, l’Histoire dira notre inhumanité, notre apathie, notre trahison de toutes les valeurs dont nous nous réclamons en vain pour justifier nos crimes. Ils sont épouvantables. À la fin des fins, il n’y a jamais eu que deux camps: les amis de la mort ou les amis de la vie.
Les amis de la vie ne pactisent pas avec la mort. Jamais.
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Salut à toi le siècle.
Oui, j’ai décidé de m’adresser au siècle, les gens en cette fin d’année, vous êtes assez compliqués politiquement parlant. Sur les réseaux, dans les médias, on voit que vous n'êtes pas du tout du tout d’accord entre vous. Si vous aviez le pouvoir de vous annihiler les uns les autres par la pensée, vous n’hésiteriez pas une seconde. Je ne vois pas par quelle imprudence je viendrais me mêler.
Et puis tout devient très très confus: l’extrême gauche c’est l’extrême droite, l’extrême droite c’est la droite républicaine, l’écologie c’est du terrorisme, le terrorisme c’est de la résistance, l’avenir c’est la croissance et les rois du pétrole vont nous mener à un monde décarboné.
Non, les gens, la seule chose que vous avez encore en commun, quoique pour des raisons diamétralement opposées, c’est le fait de tenir ce siècle pour un désastre. Ça fait un point de convergence entre nous, sauf que je préfère ne pas vous parler. Mieux vaut que ça reste entre le siècle et moi. Faites comme si on n’était pas là.
Alors, salut à toi siècle d’épouvante, abominable saloperie. Salut à toi année finissante. Le 31 décembre, personnellement, j’aurai vraiment du mal à prononcer les traditionnels vœux de bonne année, sachant que l’année prochaine, tu seras dans l’exact prolongement de l’année actuelle. On aura sans doute un décompte plus précis des morts sous les bombardements de l’armée la plus morale du monde, à Gaza. Enfin, si une instance neutre est autorisée un jour à entrer.
70% de femmes et d’enfants en dommages collatéraux selon les chiffres de l’Unicef, au 11 décembre. 17'177 morts, plus de 5'350 enfants et au moins 3'250 femmes. 46'000 blessés dont 9'000 enfants. 4'500 portés disparus dont 3'500 enfants. On n’ose pas imaginer les chiffres si les bombardements avaient été le fait d’une armée immorale. 45% des logements détruits au 6 décembre selon Handicap International.
Cette année l’esprit de Noël, là-bas, va survoler un amas de ruines. Il ne va pas pouvoir se poser sur la bande de Gaza le traîneau du Père Noël. De toute façon: pas de cheminée, pas de cadeaux de Noël. Et puis Gaza, ce n'est pas Maman j’ai raté l’avion, c’est plutôt Maman l’avion ne m'a pas raté. Gaza, c’est une sorte de Où est Charlie à ciel ouvert avec le Hamas à la place de Charlie, sauf que du Nord au Sud, il n'y a que des Charlie partout partout. Derrière chaque être humain, dans tous les bâtiments, les ambulances, les hôpitaux, partout. Avec sa petite écharpe rayée rouge et blanche et son bonnet mignon, mais qu’au lieu de pointer Charlie quand tu le trouves, tu le bombardes à mort, rien à foutre des autres persos sur la page, des otages, tu bombardes. Tu éradiques Gaz… euh, le Hamas… enfin, Charlie, enfin, je ne sais plus.
Franchement, si on en est là, le siècle, autant lâcher une bombe atomique. C’est moins cruel, plus rapide, plus efficace, plus franc. Étonnant que l’I.A. avec laquelle l’armée morale élabore ses bombardements pour optimiser les frappes pertinentes ne l’ait pas encore proposé. Ça doit être une I.A. avec, je ne sais pas, des scrupules écologistes. Déjà que le bilan carbone ne doit pas être bon avec plus de 12'000 bombes de 150 à 1'000 kilos larguées sur la zone la plus densément peuplée du monde, on ne va quand même pas l’aggraver avec une explosion atomique, même si ça règlerait le problème une fois pour toutes.
De toute façon, le problème va se régler tout seul, parce que, selon l’OMS, les maladies non traitées tueront plus que les bombardements, si le système de santé n’est pas rétabli, que l’aide humanitaire et les médicaments restent entassés pour rien au point de non passage égyptien de Rafah. La pluie, le froid et l’hiver qui s’installent devraient encore accélérer le cours des choses.
C’est d’ailleurs le moment qu’a choisi le Conseil National, sous l’impulsion d’un UDC, pour couper la contribution suisse annuelle de 20 millions de francs à l’Agence pour les réfugiés palestiniens sous mandat onusien, le seul acteur humanitaire opérant encore à Gaza. Je salue la cohérence et la neutralité de la patrie depuis laquelle j’adresse ces mots de colère à un siècle qui désormais me dégoûte.
Les conventions de Genève sont traitées à peu près de la même façon qu’une femme israélienne par le Hamas un 7 octobre de ce siècle abject. Les horreurs de toutes les parties sont consignées, l’Histoire dira notre inhumanité, notre apathie, notre trahison de toutes les valeurs dont nous nous réclamons en vain pour justifier nos crimes. Ils sont épouvantables. À la fin des fins, il n’y a jamais eu que deux camps: les amis de la mort ou les amis de la vie.
Les amis de la vie ne pactisent pas avec la mort. Jamais.
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