En 2020, Radio Vostok, la chaîne indé qui décape les oreilles, et le
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Salut à toi qui nous écoutes pour la dernière fois... Eh oui, après cette émission, figure-toi, nous allons nous aussi être dissous. Apparemment, on devait être une sorte d’annexe de l’Assemblée nationale... On a dû, malgré nous, contribuer à rendre la France ingouvernable ou un truc du genre, j’sais pas. Les chroniques fémino-islamo-gauchistes de Candice, c’était trop pour la Macronie, la verve à la sulfateuse d’Olivier et sa croisade technophobe nous ont coûté nos places, Marie-Eve, faut regarder la vérité en face.
On avait beau tout faire toi et moi pour ramener de la concorde, de la joie, surtout toi, de la confiance en l’avenir, surtout moi avec mes chroniques écologistes, nos efforts n’auront pas suffi, Marie-Eve. L’extrême gauche ici présente a tout fait foirer. En tout cas, la grenade dégoupillée ne nous a pas ratés... C’est le Guernica du service public à Genève Inter ou alors, soyons réalistes, c’est qu’il est temps de laisser la place, comme un peu tout, un peu partout, de plus en plus, à des choses qu’on n’a pas encore essayées.
Enfin, en politique, pas depuis 1933 en Allemagne, 1940 en France, 1922 en Italie, 1939 en Espagne, 1973 au Chili, 2023 en Argentine, 1998 en Hongrie, 2022 en Italie de nouveau, automne 2024 à tous les coups encore aux États-Unis... Pour la Russie, bon, pour la Russie on ne compte même plus, et j’en passe, et pas qu’un peu. En fait, le truc qu’on n’a pas encore essayé, on n’arrête pas de l’essayer, j’me rends compte, c’est quand même assez insistant comme phénomène dans l’Histoire, avec des variables d’ajustement selon les époques...
Alors on va dire que, pour l’instant, quelques autres n’ont pas essayé, ou alors pas depuis un certain temps, mais en Suisse - c’est vrai ça, parlons de nous un peu, ne soyons pas modestes, arrêtons avec la discrétion - en Suisse, ça domine au National depuis un moment et avec une majorité nette actuelle à 27,3%. Mais sans qu’on panique comme nos voisins au moment des résultats du scrutin. Nous, c’est la classe, c’est le fair-play démocratique, c’est la foi dans nos institutions. Quand tu vois le bordel électoral de feu que ça leur a mis dans le pays un RN à 31%. Mais eh! 31%, c’est à peine un petit 3.7 de plus qu’en Suisse les gens. Et ils sont là: Front Populaire! Front Républicain! No pasarán! Les mânes de Léon Blum! Tout le monde dans la rue! La jeunesse emmerde, tout ça. Nous, si on descend en masse dans la rue, à l’exception des mouvements féministes qui sauvent l’honneur, c’est parce qu’il y a l’Euro et c’est pour crier Hop Suisse! Là, nous, en Suisse, on est au paroxysme de la cause commune... Oh, écoute, on est un petit pays, on a les émotions politiques collectives qu’on peut...
D’ailleurs, pas d’amalgames, la situation n’est pas comparable avec la France. Et je le prouve: quand on demande récemment à l’UDC si elle est un parti d’extrême droite, elle admet qu’elle est peut-être xénophobe, oui, mais pas raciste... En Suisse, avant tout, on est honnêtes. On ne tord pas le cerveau des gens, on clarifie. L’égalité a beau être inscrite dans les constitutions, ça n’a jamais été vraiment pris au sérieux, je veux dire à la lettre. À part par les minorités tatillonnes, comme on dit. Les autres s’accommodant très bien du darwinisme social et nationalisme ambiant.
Allez, la petite touche d’espoir, en ces temps de confusion, elle nous vient des plateaux télé, oui, oui, où de toute évidence personne n’aurait été nazi en 39-45, même pas le RN, nooooon! Ils n’auraient jamais laissé faire ça les honnêtes gens, les crimes contre l’humanité c’est leur grande cause, les discriminations ça leur tord le bide, les populations qui fuient la guerre et les exterminations, ils leur ouvrent les frontières, ils leur offrent l’abri, mémoire oblige, l’État policier c’est leur plus grande angoisse, ils ont le respect de l’expression démocratique viscéralement chevillée au corps, le souci de la redistribution économique et le respect sacré de la nature. Leurs seuls ennemis, ce sont ceux qui n’en croient pas un mot. Comme par exemple Midi Bascule.
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Marie-Eve: En ce jour d’inventaire avant liquidation, le fan-club d’un de nos chroniqueurs, composé de son papa, de Mme Columbo et de ses gosses, aurait été déconfit de ne pas l’entendre une dernière fois dans ses œuvres. C’est pourquoi on lui passe le crachoir, à toi Olivier, mais n’en mets pas partout, merci de laisser cet endroit aussi propre que tu l’as trouvé en arrivant.
Promis Marie-Eve, je ferai un coup de poutse et j’éteindrai les lumières en sortant. Chuis un homme moderne moi, le partage des tâches et de la charge mentale, je suis super pour.
M.-E.: Mouais, admettons. Et de quoi vas-tu nous parler?
De la difficulté qu’il y a à mettre un point final. Ça sonne sérieux, hein? Limite sinistre... On jurerait que je vais causer... je ne sais pas... de la cravate de Gérard de Nerval, tiens. Qui lui a servi à se pendre à une grille, rue de la Vieille-Lanterne, par une froide nuit de janvier 1855. Mais qu’on se rassure, ce n’est pas mon genre de verser dans les jérémiades et j’emmerde le nombrilisme splénétique de certains!
M.-E.: OK voilà, une grossièreté, ça c’est fait, et toutes nos excuses aux amateurs de Mozart pour cette collision sonore terrifiante.
Collision voulue, cela dit, car autant les procrastinateurs ont de la peine à commencer les choses, autant terminer, finir, conclure, ben c’est coton, en particulier quand tu t’apprêtes à clamser et que t’es un pipole: tu sais que tes dernières paroles risquent d’être consignées, de passer à la postérité, et si tu foires ta sortie, bonne chance pour rattraper le coup! Du coup, un chouïa d’humour, ça aide à faire passer la pilule.
Allez tout de suite un exemple très en phase avec le sujet du jour, qui met très judicieusement, comme nous l’avons fait plusieurs fois au cours des trois dernières années, les femmes à l’honneur. Connaissez-vous l’ultima verba, les derniers mots du dramaturge Scarron? Non? Voici: Je lègue tous mes biens à mon épouse, à condition qu’elle se remarie. Ainsi, il y aura tout de même un homme qui regrettera ma mort. Fin de citation.
M.-E.: Olivier, non, pas aujourd’hui!
Ah oui mais c’est pas moi, c’est Scarron. Mais j’entends ton message et je veux bien être de bonne composition pour la dernière de Midi Bascule.
M.-E.: C’est une promesse ou une menace?
Un peu des deux, tu me connais. Pour montrer patte blanche, je vous propose un jeu, un petit quiz. Saurez-vous identifier l’auteur des dernières paroles que voici? Z’êtes prêts?
Première tentative: Pardonnez-moi, je ne l’ai pas fait exprès.
Bon, autre essai: Est-ce que personne ne comprend?
Bon un dernier pour la route? T’inquiète, regarde: il n'est même pas chargé.
M.-E.: D’accord Olivier, je crois qu’on a compris l’idée. Pour une fois que tu ne t’en prends pas à Pierre Maudet, on ne va pas se plaindre. Maintenant, sans te mettre la pression, il est temps que tu nous les donnes, ton dernier mot, ta dernière chute de chroniqueur. Fais gaffe à ne pas te louper...
Oh les multiples derniers mots pathétiques de Manu me l’offrent sur un plateau, la conclusion. On ne devrait jamais avoir à terminer, à finir, à conclure. Mourir c’est nul. À l’instar de mes amis transhumanistes, je prononce donc officiellement, en ce 21 juin de l’an de grâce 2024, la dissolution de la mort. Qu’elle crève!
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Imposer sa légitimité
Estelle Revaz, violoncelliste et conseillère nationale, témoigne des milieux encore difficiles d'accès que sont la musique classique et la politique. Les menaces et le harcèlement sont courants. Des progrès sont à faire pour pouvoir exercer sa fonction dans les mêmes conditions qu'un homme.
Il y a encore du travail. Une jeune femme de gauche doit toujours prouver qu'elle est plus compétente que les autres.
Être écoutée
Si certaines artistes semblent moins écoutées que leurs homologues masculins, les algorithmes des applications de diffusion sont une piste. Les playlists concoctées automatiquement ne laissent que la huitième place aux musiciennes, que peu d'auditeur·rice·s atteignent. Ainsi, les femmes sont moins écoutées, mais ce n'est pas une fatalité. Une fois que le biais algorithmique est identifié, il peut être contourné.
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Rachel Maisonneuve a rencontré Laurence Vinclair, directrice du lieu et deux des artistes présentes pour leur soundcheck: Lou Kaena, jeune artiste zurichoise, et Nathalie Froehlich, artiste engagée avec détermination. Passionnées, ces deux artistes nous partagent leurs expériences et la réalité de ce monde, intime pour Lou Kaena et sociétale pour Nathalie Froehlich.
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Lucie Eidenbenz, autrice de plusieurs reportages pour Midi Bascule, s'exprime sur les métiers du son, souvent pratiqués par des hommes. Elle aime ce que le travail sonore permet d'atteindre, une autre dimension, magique. Le monde est amplifié:
On se sent comme une fourmi sur une table qui entendrait le craquement du bois.
Il est temps de se détacher de l'idée reçue selon laquelle la technique appartient au domaine masculin. Lucie Eidenbenz a trouvé dans la création de ses reportages pour Radio Bascule une ouverture d'esprit et de la bienveillance, grâce auxquelles elle a pu donner la parole à de nombreuses voix féminines, masculines et non-genrées.
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Dans la famille des métiers où il faut, selon les stéréotypes en vigueur, de la testostérone, des gros bras tatoués et une barbe de Père Fouettard, je demande les conducteurs routiers. Déjà que ce n’est pas facile de conduire une voiture sans se faire insulter parce qu’on est une femme, qu’est-ce que ça doit être avec un poids lourd? Normal que le métier ne soit pas paritaire. Mais il y a quand même des femmes dans la profession et elles prennent de la place. Sur les routes déjà, avec leurs 44 tonnes bien chargés, et sur les réseaux, avec leurs vidéos remontées à bloc. Et oui, un nouveau monde s’est ouvert à moi, avec son florilège de couleurs pop et de manucures sur des musiques entraînantes à la mode.
Adryana Oltean, conductrice roumaine de 31 ans, danse avec son gilet jaune devant une lignée de camions bleus Amazon sur la pop mainstream d’une chanteuse connue de son pays. Angelica Larsson, 34 ans, en T-Shirt Superman devant son multi-remorques dans la neige de la Laponie suédoise. Jasmin de Loa, californienne mexicaine, danse en survêt' tie and dye rose le long des 13 mètres 50 de son semi arrêté en plein désert. Sans oublier Clarissa Rankin, noire américaine, perruque, sourcils et paupières bleues et roses flashy qui se demande, avec son micro casque, si les hommes aiment vraiment qu’il y ait des femmes dans la profession... Et la texane Tierra Allen aka the Sassy Trucker, première femme à conduire un poids lourd à Dubaï à 29 ans, avant de s’être fait arrêter et emprisonner là-bas pour avoir crié en public.
Feu d’artifice de féminité dans un monde de gros bonhommes. Et c’est beau de voir des fortes personnalités du monde entier donner des conseils fitness ou nutrition, mais aussi comment faire son niveau d’huile, charger son camion, équilibrer les pneus, conduire sur la neige ou dans le désert. Comment expliquer ce phénomène et l’engouement qu’il y a pour ces influenceuses d’un nouveau genre? C’est simple, les femmes ont besoin de se créer une place dans cette industrie dominée par les hommes, et au XXIe siècle, la meilleure option, ce sont les réseaux sociaux.
Elles se servent de leur image de femmes et sont globalement plus suivies, dépassant les 3 millions d’abonné·e·s, et plus bankable que leurs collègues masculins. Elles ont aussi besoin de faire communauté, entre elles et avec leurs soutiens. C’est la meilleure campagne de pub pour devenir conductrice de poids lourd. Elles cherchent à démystifier la profession, en cassant les codes et les stéréotypes de genre. Oui, être féminine n'est pas incompatible avec changer un pneu de 50 kilos. Et comme tout n’est pas tout beau et tout rose comme leurs paires de leggings, elles en profitent aussi pour dénoncer les agressions qu’elles subissent. Elles ont besoin de reconnaissance et de respect.
Et ça marche de ouf! Si vous vous sentez seule ou déprimée, allez voir ces trucker girls sur Insta, c’est un mega concentré d’empouvoirement, de confiance en soi, de courage et de résilience. Elles sont passionnées et nous prouvent chaque jour que le monde n’est plus un club réservé aux hommes. En plus de transporter notre prochain repas et notre dernière paire de chaussures commandée en ligne, elles véhiculent des rêves et des inspirations. Alors maintenant, on prend le volant et on trace notre propre route.
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Égalité et mixité
À notre époque, la plupart des postes de travail sont théoriquement ouverts à toutes et tous. Or, la mixité, à savoir une représentation de chaque sexe à hauteur d’au moins 35% dans un même emploi, est encore rare. En 2020 en France, seule une personne sur cinq exerce un métier mixte. Pour atteindre l’égalité salariale, une meilleure répartition sur le marché du travail est nécessaire. Si les jeunes filles sont plus présentes dans les études supérieures que dans les années 1950, elles continuent à s’orienter vers des filières moins prestigieuses et moins rentables. Que faire pour atteindre une meilleure égalité professionnelle? Quels sont les secrets de celles qui ont osé s’aventurer dans un métier qui ne leur était pas prédestiné? Ce sont les questions posées dans cet ultime épisode: après trois ans d’exploration au cœur des évolutions culturelles, l’heure est venue pour notre équipe de basculiens et basculiennes, Marie-Eve Musy et Olivier Mottaz au micro, de vous dire adieu.
Les femmes dans les métiers techniques
Le combat continue, c’est un fait, mais le mouvement est lancé: les femmes s’emparent de plus en plus de bastions traditionnellement masculins, elles sont dans la place et on ne peut que s’en réjouir.
Il souffle comme un vent nouveau sur le monde et c’est très bien ainsi.
Candice Savoyat s'intéresse aux camionneuses influenceuses et à la réunion improbable entre une profession considérée comme masculine et le métier tendance du moment. Oui, les conductrices de poids lourds du monde entier sont populaires sur les réseaux pour casser les stéréotypes. Lucie Eidenbenz, autrice de plusieurs reportages pour Midi Bascule, s'exprime sur les métiers du son, souvent pratiqués par des hommes. Elle aime ce que le travail sonore permet d'atteindre, une autre dimension, magique. Le monde est amplifié:
On se sent comme une fourmi sur une table qui entendrait le craquement du bois.
Il est temps de se détacher de l'idée reçue selon laquelle la technique appartient au domaine masculin. Lucie Eidenbenz a trouvé dans la création de ses reportages pour Radio Bascule une ouverture d'esprit et de la bienveillance, grâce auxquelles elle a pu donner la parole à de nombreuses voix féminines, masculines et non-genrées. Olivier Mottaz s'amuse du métier de monteur au cinéma, au départ exclusivement féminin car considéré comme un travail à la chaîne proche de la couture. Lorsque Koulechov théorise sur l'effet auquel il donne son nom, l'importance du montage dans le poids émotionnel de chaque plan est prouvé. Loin de n'être qu'une basse besogne, il s'agit en fait d'un aspect capital de toute création cinématographique, menant à la récupération de la table de montage par les hommes.
Musiciennes et engagées
Le 26 janvier 2024 avait lieu une soirée spéciale rap féminin aux Docks à Lausanne, une première en Suisse romande. Rachel Maisonneuve a rencontré Laurence Vinclair, directrice du lieu et deux des artistes présentes pour leur soundcheck: Lou Kaena, jeune artiste zurichoise, et Nathalie Froehlich, artiste engagée avec détermination. Estelle Revaz, violoncelliste et conseillère nationale, témoigne des milieux encore difficiles d'accès que sont la musique classique et la politique.
Il y a encore du travail. Une jeune femme de gauche doit toujours prouver qu'elle est plus compétente que les autres.
Si certaines artistes semblent moins écoutées que leurs homologues masculins, les algorithmes des applications de diffusion sont une piste. Les playlists concoctées automatiquement ne laissent que la huitième place aux musiciennes, que peu d'auditeur·rice·s atteignent. Ainsi, les femmes sont moins écoutées, mais ce n'est pas une fatalité. Une fois que le biais algorithmique est identifié, il peut être contourné.
Pour sa dernière chronique dans Midi Bascule, José Lillo fête dignement la fin de l’émission face à un monde basculant de plus en plus à l’extrême droite. De son côté, Olivier Mottaz propose un quiz inspiré par la difficulté à mettre un point final. Ce n'est jamais chose aisée, surtout à l’article de la mort. Et si on dissolvait la Faucheuse?
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Qui sont les censeurs? Qui sont les censurés? Qui sont les censeurs de la censure? Et bien, ce n’est pas si simple. Ce ne sont pas des lectrices wokistes féministes qui tapent sur des auteurs mecs cis pas déconstruits. Ça aurait été trop facile.
Commençons avec une petite blague. En 2023, Nicolas Mathieu s’offusque publiquement que Kevin Lambert ait fait appel à une lecture sensible pour son livre sélectionné au Goncourt, alors que cinq mois plus tôt, il réécrivait un passage du livre de Bruno Le Maire et le postait sur les réseaux. C’est drôle non? Une chose est sûre, dans les deux cas, il donne son avis alors que personne ne le lui demande. Et devinez quoi? Le passage du ministre de l’économie réécrit par le lauréat du Goncourt 2018 concerne la sexualité d’une femme cubaine. Excellent.
Je reprends. Jeanine Cummins, Keira Drake, Laura Moriarty, Laurie Forest, Amélie Wen Zhao, Kate Clanchy, Naomi Alderman: les principaux livres qui ont fait polémique ces dernières années et ont nécessité une relecture sensible pour être publiés ont été écrits par des femmes. Dingue non? On accuse plus facilement les femmes de mal représenter les genres et les identités minoritaires. Comment ça se fait?
Et bien on ne critique pas de la même manière les œuvres des femmes et des hommes. Celles des femmes sont soumises à un examen public plus intense. Surtout de la part des autres femmes. On va lui en demander plus, juste parce que c’est une femme. Et on va lui demander de faire mieux que ses homologues masculins. Les attentes sont plus élevées car, comme ce sont des femmes, elles doivent être plus particulièrement sensibles aux questions de diversité et d’inclusion. Alors que chez les mecs, on s’en fout. Parce que ce sont des mecs, ils ont le droit à l’erreur. Et puis on ne peut pas trop leur en demander quand même, ils ne savent pas de quoi ils parlent.
Et ça marche très bien. On demande aux autrices de revoir leurs copies, elles le font. Parce qu’une femme, elle a envie de bien faire, elle est ouverte à la critique constructive, au dialogue. Elle accepte les retours négatifs, elle cherche à s’améliorer, à se remettre en question. Et sans doute, elle est plus réceptive aux critiques concernant la représentation des minorités. Donc, elle réécrit.
Mais si ça se trouve il y a plein d’auteurs hommes qui font appel à des relecteurices sensibles, mais qui sont moins médiatisés? Et oui. On ne sait pas. Parce qu’autant le conflit médiatique entre femmes, avec des débats passionnés remplis d’émotion, ça fait vendre, autant les hommes qui remettent en question leur écriture, ce serait être faible. Et la faiblesse, ce n'est pas vendeur chez un homme. Donc peut-être qu’il y a autant d’hommes que de femmes qui travaillent avec des lecteurices sensibles. C’est juste qu’on ne le sait pas, parce qu'à part certains comme Kevin Lambert, ils n’en font pas la publicité.
La morale de l’histoire? Les méchants ne sont pas toujours ceux que l'on croit, ce n’est pas binaire. Les ministres ne savent pas écrire des scènes érotiques. C’est souvent celui qui fait le plus de bruit qui gagne. C’est plus facile d’être dur avec les autres. Les limites de la censure, c’est un peu quand ça nous arrange. Tout le monde a des biais. Ce n'est pas une morale, je vous l’avais dit, ce n'est pas si simple.
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Travailler avec les mots
Stéphane Bovon est éditeur et écrivain, c’est l’une des têtes fumantes qui se cachent derrière la très recommandable maison veveysanne Hélice Hélas. Il est également scénariste, enseignant, auteur de romans graphiques et du colossal Cycle de Gérimont, un cycle dystopique en plusieurs volumes qui nous plonge dans une Suisse submergée par la montée des eaux.
Retravailler un texte
Il s'exprime sur le sujet des lectures sensibles, une idée qui n'est pas si nouvelle que cela, puisque retoucher des œuvres pour ne pas heurter les contemporains est une pratique assez ancienne. Lorsqu'un auteur écrit un personnage médecin légiste ou physicien quantique, il est tenté de faire relire le manuscrit par un spécialiste en anatomie ou en physique quantique et ça ne choque personne. Qu’est-ce qui fait que dans le cas de la relecture sensible, la réaction de pas mal de monde est bien plus hostile?
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Le ressenti du public
Ludmilla Reuse est comédienne, autrice et metteuse en scène. Après des études à l'Institut National Supérieur des Arts du Spectacle à Bruxelles, elle revient en Suisse, où elle est aujourd’hui directrice de la Cie 2LA. Son travail explore en particulier les formats interdisciplinaires, avec un focus sur la participation du public, son ressenti et son expérience dans l'espace fictionnel. Elle partage sa vision de la lecture sensible.
Sensibilité et accessibilité
Si l'on ne doit pas oublier que dans une fiction, le narrateur n’est pas forcément l’auteur, qu'il n’est pas son porte-voix ni son double et que les convictions d'un auteur peuvent être aux antipodes de celles de son protagoniste, Ludmilla Reuse explique que l'objectif du lecteur ou de la lectrice sensible est de rendre une œuvre accessible au plus grand nombre, afin que celles et ceux qui, sans cette relecture, n'auraient pas pu s'identifier aux personnages ou à l'intrigue puissent le faire.
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