Share Sciences et conscience
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By Stéphane Manet
The podcast currently has 14 episodes available.
Nous avons beaucoup évoqué dans le cadre de cette émission différents cas de figure, différentes modalités du travail des chercheurs, par exemple avec Armelle Rancillac sur les financements publics ou Yann Mael Lahrer sur les contrats doctoraux.
Mais nous n’avons pas encore eu l’occasion d’aborder le travail de recherche en soi.
Alors on peut distinguer la science de la recherche. La science, c’est un ensemble de connaissances qui se sont constituer au fil de l’histoire des idées à travers un processus pour finir par faire le plus souvent consensus. La recherche, c’est un travail qui consiste à répondre à des questions dont on n’a pas les réponses.
Comment passer de l’un à l’autre ?
Pour produire cette connaissance, il a fallut une chercheuse ou un chercheur, certes, parfois plusieurs en même temps, mais surtout tous leur prédécesseurs qui ont échoué avant et sur les travaux desquels les découvreurs dont on se souviendra finalement ont pu s’appuyer pour réaliser leur travail. Il a fallut des ingénieurs qui ont mis en place, voire réaliser les expériences. Il a fallut un laboratoire entier, avec une direction de recherche, pour encadrer et permettre ces travaux.
Jean-Yves Ottmann
Les sciences participatives sont au cœur de la rencontre entre sciences et citoyens des sciences, le moment où concrètement, la science s’organise avec la société civile pour produire des données scientifiques.
En France en 2016, 1/3 des citoyens a entendu parler des sciences participatives dont une majorité de ce tiers qui se dit prêt à participer (Ipsos).
Bien que les sciences participatives ne représentent qu’1/10 000e de la recherche scientifique elles sont parfois essentielles pour la production de certaines données, notamment autour de l’astronomie, de la biodiversité ou encore et nous aurons l’occasion d’y revenir, la qualité de l’air.
Mais elles ont d’autres vertus, notamment pédagogique, de faire modifier des agissements et des comportements, individuels ou collectifs.
Mais quelles sciences, quelles actions… ?
Laure Turcati, docteure en écologie et Ingénieure de recherche en sciences participatives à Sorbonne Université.
Depuis des siècles, l’humanité a cherché à comprendre le monde qui l’entoure à travers des activités qui n’ont pas immédiatement distingué les sciences de la philosophie ou même des religions. Les sciences modernes ont ainsi émergé comme un moyen fiable d’explorer notre univers et de mieux comprendre les phénomènes qui nous entourent à travers les principes fondamentaux de réfutabilité, de non-contradiction et de reproductibilité.
Cependant, de nombreuses disciplines se revendiquent scientifiques sans en posséder de fondement légitime. Mais alors, quel est ce fondement légitime, qu’est-ce qui permet de se revendiquer d’une démarche scientifique, quel intérêt de se faire passer pour une activité prétendument scientifique ?
C’est aussi l’occasion pour nous de nous poser une question que nous ne nous sommes pas encore posé dans le cadre de l’émission Sciences et Consciences, ou en tout cas seulement effleuré : qu’est ce que la science, qu’est-ce qui fait qu’une science peut se définir comme science ?
La vulgarisation scientifique est en plein essor et pourtant il s’en est passé des choses depuis la Sciences en pantoufle en 1954 jusqu’au Dr Nozman ces dernières années sur YouTube, sans oublier d’évoquer les fameuses maquettes de Jamy dans C’est pas sorcier.
Cette évolution est elle dû à un intérêt grandissant pour la culture scientifique ou un besoin toujours plus impérieux de faire comprendre des phénomènes de notre société, je pense en particulier au rapport du GIEC arboré dans les nombreuses publicités du métro parisien sous initiative du collectif « pour un réveil écologique ».
Et enfin, qui est légitime à parler de sciences ? Est-ce le personnel – chercheur ou doctorant – qui, du haut de son laboratoire, réalise la démarche de service public de transmettre les découvertes ou bien le journaliste scientifique qui, parti de la base, détricote les avances scientifique en gravissant, une par une les marches de la compréhension de la littérature scientifique, en se débattant dans les méandres des sphères académiques ?
Neil Young, 1972, Hearth of Gold, version remasterisée de 2009
Les big data ont permis de démocratiser l’accès à d’innombrables jeux de données et les applications les mettent dans les mains de tout un chacun.
Il en va de même pour les données de connaissances scientifiques.
De nombreuses applications utilisent les données scientifiques pour découvrir les plantes, les animaux, et mêmes les roches qui nous entourent.
L’intelligence artificielle permet d’utiliser les images et les sons pour faciliter l’identification des animaux. Prenez en photo une plante avec votre smartphone depuis l’application pour qu’elle vous donne son identification, et pourquoi pas des conseils d’entretien. Il en va de même pour les roches, les poissons, les cris des oiseaux, etc.
La qualité de l’identification pouvant être très variable selon l’application elle même, et la qualité de la captation.
Cette profusion de données scientifique mise au service de la société est une opportunité unique de vulgariser les connaissances, et de sensibiliser sur les phénomènes associés, par exemple d’alerter sur les dangers qui pèse sur la biodiversité.
Mais certaines de ces applications vont plus loin. Si la plupart permettent d’amener la connaissance scientifique aux citoyens, certaines d’entre elles impliquent la société civile dans le recensement. Elles permettent ainsi de s’appuyer sur les observations de terrain pour mieux comprendre des phénomènes ou des comportements.
Alexis Joly, docteur en informatique à l’Inria.
Tryo, 1998, La main verte.
Dans l’imaginaire courant, il convient de concevoir un monde rationnel d’un côté, les sciences, et un monde imaginaire ou sensible de l’autre, la croyance.
Est-il si évident que le rempart entre les deux est si solide ?
Pour explorer cette relation, j’ai proposé de démarrer la réflexion a partir d’un frère prêcheur : Giordano Bruno.
Le XVIème siècle est connu comme une période scientifique féconde à travers la relativité de Galilée et la révolution héliocentrique de Copernic. Giordano Bruno est beaucoup moins connu.
Il est pourtant le premier à imaginer que le ciel est infini. Il est donc le premier à exprimer qu’il n’y a pas de point privilégié dans l’espace, ouvrant la voie à la relativité.
Il va même plus loin, si il y a une infinité étoile, il y a donc une infinité de planète, c’est donc qu’il y a de la vie ailleurs.
Il ressuscite également l’atomisme de Democrite et l’idée de l’existence de particules élémentaires. Il est ainsi une figure à la frontière de la philosophie médiévale sclérosée et celle moderne qui se développe au XVIIème et XVIIIème siècle.
Jacques Arnoult, docteur en histoire des sciences, Docteur en théologie et expert éthique au CNES.
Jacques Arnoult, 2021. Giordano Bruno. Un génie martyr de l’Inquisition chez Albin Michel.
Georges Brassens, 1976, Tempête dans un bénitier. Disque Trompe la mort.
La science n’est pas une forme d’art […]. Mais les résultats du chercheur ont une puissance poétique : ils révèlent les fils qui tissent notre réalité, et le mystère qu’il y a en son cœur. L’art et la science ont en commun de questionner le monde en rendant visible l’invisible
Jean-Philippe Uzan
Cette puissance poétique nous renvoie aux expériences de pensée d’Albert Einstein et de Galilée, notamment, qui renforcent la conviction de Gaston Bachelard que la raison est raison que lorsqu’elle progresse, c’est-à-dire quand elle invente une nouvelle résonance avec le réel, révise ses propres normes, chahute les certitudes.
D’un autre côté, la science a également ouvert le champ des possible à l’art, pensons aux chef d’œuvres de Delacroix au XVe qui ont existé grâce à la peinture à l’huile, tout comme la photographie, le cinéma à notre époque contemporaine.
Marc-Williams Debono, Chercheur en neurosciences
Comment rêver les ondes au point d’imaginer remonter le temps ? Jusqu’où l’abstraction de l’esprit scientifique va-t-elle pour envisager de domestiquer l’onde, l’obliger à faire ce qu’il on veut, lui faire revivre sa vie passée.
Mathias Fink, physicien à l’ESPCI, spécialiste des ondes en particulier dans leur application biomédicale.
Henri Poincaré, 1908, Extrait de Sciences et Méthodes lu par Benjamin Penamaria
L’État alloue 8% de son budget à la recherche publique, soit 20 milliards d’Euro.
Il est très loin d’être le plus gros financeur à 2,2% du PIB, les deux premiers du classement étant Israël et la Corée, à 4,4 chacun, soit le double. La France n’est que 11ème sur le podium.
Le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche n’a pas toujours été un ministère à part entière. Délégué sous la tutelle de l’éducation nationale, il n’est un ministère à part entière que depuis 1993.
Depuis 2017, il a changé de nom. Il est devenu le ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation, on l’appelle parfois le MESRI.
En le renommant ainsi, l’exécutif a rendu tangible une réalité de longue date, et l’a entériné aussi peut-être, il est attendu que le fléchage budgétaire puisse être expliqué, justifié, communiqué, en d’autres termes, la recherche doit servir à quelque chose.
Pourtant, l’année 1905, l’annus mirabilis d’Albert Einstein, le futur prix Nobel a publié quatre articles scientifiques qui ont contribué à établir les fondements de la physique moderne, alors même qu’il a fallut attendre des décennies avant de pouvoir en tirer des applications concrètes, comme le satellite ou le laser.
Ainsi, il ne s’agit pas tant de savoir combien l’état finance, mais aussi pour quoi et à quelles types de ressources, pour comprendre les implications que le financement a sur la recherche scientifique.
Comment le financement de la recherche agit sur cette dernière, qu’est-ce que cela induit pour les chercheurs et les chercheuses ?
Armelle Rancillac, chercheuse en neurobiologie
Sublime, Santeria, 1996
Si la loi de programmation de la recherche a revalorisé le contrat doctoral de 30% à horizon de 2023, le doctorat dans son ensemble manque encore de reconnaissance. Existerait-il une spécificité française du doctorat qui pousse un nouveau docteur sur trois à partir à l’étranger ?
Pour mieux se poser la question nous pourrions nous demander à quoi sert un docteur en fait ? Un docteur a-t-il absolument la vocation de devenir chercheur ou a-t-il des débouchés différents, dans les entreprises, qu’il retrouve par exemple à l’étranger ?
Quelles sont les connexions entre les compétences de la recherche et le monde des entreprises ?
Yann-Mael Lahrer
Ska-P (2018), The Lobby Man
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