(...)

Comme si cela ne suffisait pas, ce tournoi est le premier (le seul et unique) à l'occasion duquel Monsieur Fred Joaillier en personne décide de se rendre, visite au débotté. Fière allure, canne sculptée en main, costume racé, soigné, de l’allant, de la verve. Le Parrain. Vigilant et exigeant, il furète, l’œil vif, alerte. Il nous demande où se trouve la vitrine avec ses bijoux de joaillerie.

- On a oublié les coffrets, on n’a pas installé la vitrine ! lui répond Guillaume E., qui enchaîne face à son air déconcerté : Oh, ça va ! y’a pas mort d’homme non plus, c’est la première fois !

(...)

À 20 ans, encore hippie et délurée, tout juste sortie de fêtes punks et d'endroits undergrounds, sans grand bagage intellectuel, scolaire, sociétal, culturel, sportif, je passe désormais et sans transition mes semaines et mes week-ends en compagnie de golfeurs et de sponsors prestigieux : joailliers, marques automobiles, palaces.

Je commence ma carrière sur tapis rouge. Forcément, ça forge un caractère, ça oblige à se surpasser, ça rend exigeant. Et curieux. Ça apprend à s'adapter, à louvoyer. Ça apprend la répartie, une forme d'agilité. À se cultiver.

Très vite, la frontière est ténue, de se trahir, de céder aux sirènes des mondanités et vanités. L'enjeu est d'apprendre à résister. De revenir à l'humilité quand je sombre dans l'orgueil.

Après 25 ans de ce tiraillement, je refermerai ce chapitre professionnel sur d'autres tapis rouges, institutionnels et républicains, comme la boucle d'une carrière que je n'aurais jamais imaginée mais dont je suis fière et qui, pourtant, ne correspondait en rien à mes rêves. D'écrire et de devenir musicienne.

Sera-t-il temps de revenir aux sources ? à ce qui fait sens ? Ce parcours aura-t-il été un frein ou un tremplin ?

Et vous, avez-vous déjà ressenti des doutes, vous êtes-vous senti décalé, pas à votre place, même si vous donniez le change ? Comment avez-vous géré ces contradictions ?

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Il nous installe dans un bureau vide. Il ôte ses chaussures qu'il envoie valdinguer, pose ses pieds habillés de Burlington, croisés l’un sur l’autre, sur le bureau. Je suis stupéfaite.

- Ce n’est qu’une feuille de papier, ça ne signifie rien, lance-t-il défiant. J’ai lu cependant que vous jouiiez du piano ?

- Oui ?

- J’adore le piano, j’aurais aimé savoir en jouer, vous avez une certaine dextérité ? Il mime une série d'arpèges en tapotant sur la table de réunion, se prenant peut-être pour Richard Clayderman. Je remarque au passage ses mains, grandes et fines, qui paraissent douces et lisses.

- Euh, oui.

- Vous savez taper à la machine alors ?

- Oui, en fait j’adore ça ! Dès que j’ai un clavier…

Il m’interrompt :

- Et vous savez ranger les dossiers, vous êtes ordonnée, une pianiste, ça a l’esprit structuré ?

- Oui : j’suis la reine du classement, M’sieur !

C'est de cette manière que tout a commencé. Que je plonge dans le grand bleu sans savoir nager.

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Mon futur 1er boss, mon 1er entretien d'embauche.

J'ai 20 ans.

Le CV que je lui présente raconte le néant de ma vie d'étudiante, que j'ai sans doute étiré sur 3 pages.

De ce néant, Jean-Louis S. remarque la seule vérité (avec mon identité) : je suis pianiste.

J'ai retrouvé il y a quelques jours, cherchant une partition, mes diplômes du Conservatoire de musique de Neuilly-sur-Seine.

C'est Jean Ullern, pianiste concertiste, qui me faisait cours. J'avais oublié. Comment peut-on oublier cela ?

Me posant cette question, je me suis aperçue qu'à chaque étape fondamentale de ma vie, le piano s'était (re)trouvé sur mon chemin.

Finalement, je suis devenue musicienne et même : productrice musicale.

Et vous : quel est votre atout différenciant ? Celui qui affirme votre singularité, celui qui dit tout de vous, sans que vous ayiez besoin d'un CV ou de vous justifier. Trouvez-le et cultivez-le.

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Mon deuxième bac. Me voilà admise cette année encore au rattrapage et, cette année encore, avec le maximum de points (44). J'opte pour économie et histoire-géo. En histoire, j'apprends plus ou moins mot à mot, un sujet du programme de l'année. En économie et en géographie : rien, le néant. À quoi bon. À présent, il est trop tard pour réviser ce que j'ignore. L'examinateur me toise et m'invite à piocher dans un premier tas de papiers : histoire-géographie. J'en extrais un et lis très vite l'intitulé du sujet d'histoire que je connais et hop, repose la languette de papier dans le tas. L'examinateur tente d'arrêter ma main. Trop tard : Comment être sûr que c'était votre sujet, Mademoiselle ? - M'sieur fallait l'dire avant, j'aurais pas remis le papier dans l'tas ! (...)

Avant mon premier entretien d'embauche, j'avais obtenu mon bac au rattrapage en trichant, j'étais arrivée avant-dernière au cross de fin d'année du lycée (1500 élèves), je séchais les cours, je fumais, je n'étudiais pas. La cata. Le retour du bâton sera redoutable et il n'est pas impossible que je continue d'en payer les conséquences. Peut-être est-ce cela, à l'origine d'un sentiment d'imposture que je me traînerai longtemps, avant d'enfiler et d'assumer la carrière pour laquelle je suis faite, artistique. Et vous : le sentiment d'imposture, vous connaissez ? comment vous en sortez-vous ?

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Jean-Louis S. : Elsa, demain tu viens avec moi, renégocier le contrat Fred Joaillier. On a rendez-vous avec Monsieur Fred Joaillier en personne, rue Royale, alors pour une fois, habille-toi un peu, coiffe-toi, fais un effort, tu ressembles à une hippie. Avant, j'ai un déj' au Cercle Foch, tu viendras me retrouver à quatorze heures devant l’entrée, dans la contre-allée. Tu prendras une voiture de société, moi j'irai en taxi, et on rentrera ensemble

(...)

Rien ne s'est passé comme prévu.

Et vous, votre premier rendez-vous client, vous en souvenez-vous ? A-t-il été de bon augure ? Ce rendez-vous portait-il déjà les indices de votre carrière ? Êtes-vous restés fidèle à vos valeurs de l'époque ? Êtes-vous fiers de votre évolution ?

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Je suis le sosie de la chanteuse Elsa (...)

Pour une raison que j’ignore, jamais personne ne m’a appelée par mon prénom. J’ai moi-même fini par mettre de côté Isabelle (sauf dans les cas extrêmes). À chaque étape de ma vie, correspond un surnom. Ma période golf est associée à Elsa. À ce moment-là, je ressemble comme un sosie à la chanteuse Elsa. À tel point que (...)

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Au chapitre 1, l'été en vacances, dans la maison familiale, Finistère Nord.

Je ne suis plus la petite lectrice au soleil. (...)

Je dois être la seule personne au monde à ne pas avoir le droit de sortir (le soir), jusqu'à... mes vingt-et-un ans. L'âge de la majorité arménienne. Cela ne m'empêche pas de nouer des amitiés et d'avoir très envie de rejoindre le Taooné, la discothèque de la commune, comme tout le monde. Le Taooné, je n'y ai jamais mis les pieds. Je me suis contentée de regarder les autres y entrer, en bande ou seuls, et en sortir, accompagnés. Ils y dansent, mais pas que. Pour pallier ce cruel manque, je décide que mon premier flirt sera un gars de passage, en plein jour. (...)

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