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By Elise Rigot
The podcast currently has 13 episodes available.
Qu’est-ce qu’un laboratoire de biologie ? Un tout petit laboratoire sur papier peut-il être considéré comme un laboratoire ? Une communauté peut-elle « faire laboratoire » ? Marguerite Benony nous invite au cœur de ces questions entre design et ethnographie de sa thèse de doctorat.
Dans cette release de CPU :
Notre invité est Marguerite Benony, chercheuse et designeuse, nous allons discuter des pratiques de design dans les laboratoires de biologie.
L'équipe aujourd'hui : Elise Rigot et DaScritch
🔗Documentation
Marguerite Benony
Recherches à découvert #2, Marguerite Benony en conversation avec Julien Bobroff
E. chromi: Living Colour from Bacteria
Bio Is The New Black 5 part. 1
James King, Dressing the Meat of Tomorrow, 2006
Just One Giant Lab
La Paillasse, laboratoire éco-citoyen
Sophie Houdart, La cour des miracles: ethnologie d’un laboratoire japonais, CNRS, 2008
Charlotte Brives, Des levures et des hommes : anthropologie des relations entre humains et non humains au sein d’un laboratoire de biologie
Lorraine Daston et Peter Galison, Objectivité, Dijon, 2012
Textes d'Ett ore Sottsass
Marguerite Benony et Nolwenn Maudet, « From Guests and Guides to Collaborators: Negotiating Roles in Design and Biology Collaborations », The Design Journal, vol. 23, no 4, 2020, p. 557‑574
Minima, proj et Bio Design Challenge, École Boulle & CRI, 2018
Broken Nature
Design and the Elastic Mind
En vie : aus frontières du design
La Fabrique du vivant
🎼 Musiques :
〰️ Fonds musicaux :
📘 Lectures (choisies avec Marguerite Benony) :
Paillasse du design : Dans « un laboratoire » 🏷️
Au bord du promontoire, tu hisses ton corps. Tu esquisses un premier plongeon.
Nous pouvons imaginer la scène : un.e design.er.euse arpentant les couloirs d’un laboratoire de biologie, dans une salle au fond, des paillasses alignées, pipettes, centrifugeuses, frigidaires, robinetterie, hottes, et solvants règnent en maître. Puis à gauche, quelques portes fermées, des chercheu.r.se.s derrière des grands écrans, plus loin une salle sombre, remplie de microscopes l’un est binoculaire, l’autre à balayage électronique, tandis que celui-là permet de voir des cellules dans un environnement contrôlé. Le carnet à la main, le designer ethnographe observe, note scrupuleusement chaque détail, chaque habitus de ce milieu de vie où sont étudiés les vivants.
Nous sommes avec Marguerite Benony,sur le point de terminer sa thèse, qui se situe à la croisée de l’ethnographie et du design, elle y étudie comment les outils, méthodes, et pratiques des designers peuvent s’insérer dans la vie de laboratoire.
Le petit jeu de description auquel je viens de me prêter est avant tout celui d’un étonnement du designer dans un environnement qui n’est pas le sien et j’aime à croire que cette altérité a des vertus très fécondes. J'aimerais que nous partagions ses recherches qu’elle mène sous la direction de Sophie Pène et Pascal Hersen.
Bienvenue dans Bio is the new Black">Bio is the new Black.
Interview intro 🐙
Bio Is The New Black invite artistes, designers, philosophes, scientifiques et ingénieurs à explorer les multiples questions éthiques, critiques et de créations qui se posent avec les technologies de bio-fabrication.
Aujourd’hui, nous partageons une interview avec Marguerite Benony. Nous sommes au CRI">CRI, Centre de Recherche Interdisciplinaire de Paris. Merci de cet accueil chaleureux malgré la situation compliquée.
Tout d’abord peut-être déjà une question de positionnement, qu’est ce que ça apporte, change, fait importer, le fait d’être designeuse & ethnographe dans un laboratoire de biologie ?
Comment est-ce que tu t’y prends concrètement pour étudier ce terrain ?
Deuxième partie : A la recherche du « laboratoire »
Dans un article “From Guests and Guides to Collaborators: Negotiating Roles in Design and Biology Collaborations” que l’on peut traduire en français par « Négocier des rôles dans les collaborations en design et biologie : depuis les invités & les guides jusqu’aux collaborateurs » que tu as co-écrit avec Nolwenn Maudet et qui est paru en Mai 2020 dans la revue scientifique The Design Journal, vous revenez sur une forme d’asymétrie que vous avez observés dans les rôles et postures entre designer & biologistes. Ces collaborations vous les avez observé d’un côté à Paris et de l’autre à Tokyo, et ce qui revient le plus souvent c’est que les biologistes sont des guides pour les designers qui deviennent les invités pour un temps dans le laboratoire de biologie. Dans ce cadre, la relation est quelque un peu déséquilibrée / asymétrique, puisque les biologistes qui ont la connaissance de leur discipline et agissent comme des influenceurs voire des décideurs scientifiques des projets mis en place. Il y a un phénomène que vous explicitez à la fin de l’article, que je trouve particulièrement intéressant, qui est l’exclusion totale des biologistes à la fin du projet quand les designers sont en phase de production, dans le cadre précis ici, à savoir, d’une exposition qui a eut lieu à la fin des collaborations. Vous soulignez comment les designers s’emparent du processus tandis que les biologistes sont garants du contenu.
Je me demande à titre personnel à quel point l'autorité du sachant, du scientifique, au fond l’autorité que l’on prête aux sciences ne joue-t-elle pas un rôle important dans cette dynamique. Mais aussi en quoi l'âge et le sexe des participants jouent potentiellement un rôle dans la dynamique de prise de décision autour des projets ? Tu me confiais que cet article a été largement retravaillé pour les besoins de la revue. Qu'est-ce que vous aviez envie d'y mettre au départ ?
Fin
Nous remercions chaleureusement Marguerite Benony et le CRI-Paris.
Pour ce septième épisode de la série Bio is the new black, l'équipe est composée de :
Elise Rigot et DaScritch.
La release a été shippée avec les moyens techniques de CPU et de Bio is the new black.
L'intégralité du programme, des extraits et nos sources sont disponibles sur le site cpu.pm
sur la page de l’émission cpu.pm/167 et sur la plateforme Ausha, vous pouvez commenter et partager. Les chroniques et interviews sont en licence libre c'est donc là pour ça !
Prochaine release : Nous vous donnons rendez-vous à la rentrée et on vous souhaite un très bel été.
Si vous nous écoutez sur radio FMR le jeudi, il est midi, nous cédons l’antenne à Monique Blanquet.
La programmation musicale est de Elise Rigot.
Bio Is The New Black #6 - Entretien avec Anne-Lyse Renon, Design graphique dans les pratiques de la science 🧪
Cet épisode de Bio Is The New Black a été enregistré en ligne le 20 novembre 2020. Nous y interviewons Anne-Lyse Renon, maître de conférences en design graphique au laboratoire Pratiques et Théories de l'Art Contemporain à l’Université de Rennes 2. Nous explorons à travers la vision, l’objectivité et l’investigation, l’apport du design graphique aux pratiques scientifiques. Nous voyons dans les images de la science des héritières que l’on doit interroger et qui font partie de l’histoire du design graphique.
Dans cette release de CPU :
Des instruments scientifiques
Une objectivité féministe
Des images qui hantent la science
La science qui hante le design
Notre invité est Anne-Lyse Renon, enseignante-chercheuse en design et nous allons parler du design dans les pratiques scientifiques.
L'équipe aujourd'hui : Elise Rigot & Dascritch
Une version longue de l'interview diffusée dans l'émission est disponible ici.
Documentation 📎
🎵 Musiques
🎚️ Fonds musicaux :
Paillasse du design : Hériter de nos images 🗺️🌳
Au bord du promontoire, tu hisses ton corps. Tu esquisses un premier plongeon. Autour de toi, des images, et chacune d’entre elle a sa matérialité propre. Certaines sont des esquisses qui tentent de saisir l’essence de l'objet représenté.
Il y a les formes des abysses, des éléments invisibles et insaisissables à notre échelle, il y a des courbes, des tableaux, des modèles, les coupes anatomiques de Vinci, la perspective d’Alberti, les diagrammes de Flusser, les schémas de Mendini, le plan de l’objet technique, et le dessin d’intention.
Nous sommes les héritiers de ces images, de ces modes de représentations, de ces modalités expressives de formes de voir le monde. En hériter est une tâche*. Nous héritons des théories scientifiques, des divisions de la pensée moderne, nous héritons des gestes qui nous ont précédés. Dire cela, c’est commencer à appréhender notre manière de saisir cet héritage.
Pour parler de nos ancêtres, une image connue en biologie est celle de l’arbre. A chaque branche, se situe l’histoire d’une espèce, et au nœud de l’arbre, une parenté commune. C’est l’arbre de la vie dessiné par le biologiste Ernst Haeckel. Aux racines de celui-ci se positionnent les animaux primitifs, plus loin, les animaux invertébrés et avec eux, les éponges, les insectes, quelques branches plus hautes, un oiseau, puis un singe. Et à la cime de l’arbre : l’humain. La métaphore n’est pas innocente. Nos métaphores ne sont pas innocentes. Si la présence de cet écosystème pourrait montrer que c’est en tant qu’organisme entier que l’arbre se tient ; une lecture occidentale, nous montre bien l’illusion de supériorité de l'arbre : l’homme devient le produit abouti de l’évolution, son chef d'œuvre. Pourtant, chacune des espèces continue d’évoluer dans le temps, conjointement. Nous pourrions tenter de lire la chose comme ce qui fait partie de nous : ce sont les éponges, les oiseaux, les insectes, les primates. Nous rappeler comme le fait Morizot** qu’à chaque fois que nous salons notre assiette, nous ne faisons que reconstituer notre milieu d’origine, celui des éponges et des anémones de mers : nous avons besoin de ce milieu salé pour vivre et celui-ci nous vient de ces organismes dont nous avons hérité. L’arbre de la vie se transforme dans les dessins de Darwin en un fragment de squelette corallien. Les théories scientifiques exigent un héritage, un sol commun, sur lesquelles elles puissent pousser : une histoire en somme. Le vocabulaire des images scientifiques soutient, prolonge, illustre, constitue ou participe à la création de ces récits. Ainsi, l’objectivité apparente de la science et de ses appareils, censée représenter le réel tel qu’il est, ressemble de plus en plus à une manière de s’éloigner des gestes des designers ou des artistes, du geste du dessin pour laisser la responsabilité des images aux appareils.
Pourtant, dans les empreintes de Donna Haraway, sur notre sol commun fait de ruines et d’humus, une objectivité alternative existe. C’est l'objectivité féministe, celle d’un savoir situé dans laquelle aucune vision n’est passive, ni innocente.
Nous, qui participons à ces images, faisons partie de cette histoire.
Bienvenue dans Bio Is The New Black.
* (Haraway) Despret, Vinciane. 2013. « En finir avec l’innocence. Dialogue avec Isabelle Stengers et Donna Haraway in Dorlin, Elsa. 2012. Penser avec Donna Haraway. Presses universitaires de France. 22–45.
** Baptiste Morizot, Manières d’être vivant: enquêtes sur la vie à travers nous, Éditions Actes Sud, 2020
Interview intro
Bio Is The New Black invite artistes, designers, philosophes, scientifiques et ingénieurs à explorer les multiples questions éthiques, critiques et de créations qui se posent avec les technologies de bio-fabrication.
Aujourd’hui, nous partageons une interview avec Anne-Lyse Renon. Nous sommes chez nous, pas très loin des quais de Tounis à Toulouse. Anne-Lyse se situe plus loin, à Rennes.
😎 Anne-Lyse, tu es :
Première partie : Un regard sur les images de la science 👁️
Anne-Lyse, tu as exploré dans tes recherches de multiples embranchements qui tricotent entre eux les modes de représentation de la science - disons des pratiques scientifiques - et le design. Ce travail de noeuds et de maillages t’amènes à côtoyer tout autant la philosophie des techniques, les sciences et technologies studies, la sociologie des sciences, l’anthropologie, la culture visuelle des sciences entre autres choses, j’imagine qu’il n’a pas dû être facile d’apprendre à naviguer entre ces différentes disciplines et pratiques. Tu as eu la chance de croiser sur ta route des figures importantes, je pense à Bruno Latour et à Peter Galison avec qui tu as travaillés. Tu es aujourd’hui maîtresse de conférence au laboratoire Pratiques et Théorie de l'Art Contemporain de l'université Rennes 2 et adjointe scientifique à la Haute Ecole d'art et de design de Genève, HEAD - Genève.
Un ouvrage de couleur chaleureuse est recemment paru. Il retrace de manière synthétique les questions que tu posais dans ta thèse que tu as faite à l'école des hautes études en science sociale est obtenue en 2016 : Design et esthétique dans les pratiques de la science. L’ouvrage s’appelle Design & Sciences. Le sujet est vaste, audacieux, ambitieux. Au moment où tu as commencé ta thèse en 2010, les thèse en design n’était pas monnaie courante, et le moins qu’on puisse dire est que ce sujet n’était pas aussi répandu et discuté qu’il l’est aujourd’hui. Tu fais partie des intellectuelles qui ont fait ce travail de débroussaillage de savoir ce qui compte,ce qui importe à mettre dans la balance pour évaluer design & science côte à côte. Tu entres de fait dans un travail d’enquête, d’investigation.
La première chose que j’aimerai aborder avec toi est ta réflexion sur le regard, la vision, à travers ce terme d’objectivité. Pourquoi déjà, est-ce important de se questionner sur l'objectivité depuis le point de vue de quelqu’un du design, puisque, bien que tu ne te définisse pas comme designer, tu viens résolument de ce champ là ?
Lecture : Voir le voir📙
« Dans l’activité de « représenter ce que l’on regarde », la difficulté ne réside pas tant dans l’exercice de copie des formes, que dans la difficulté de les percevoir. Rendre visible par la trace du crayon nécessite un effort de concentration, d’attention et de mémoire. Mais cela nécessite également de se plonger dans la structure de la chose que l’on souhaite représenter (cela implique éventuellement un changement d’outils, et dépend aussi des propriétés des supports, etc.) L’illustration médicale est à ce titre particulièrement intéressante. Cette utilisation à vocation didactique du dessin attire de nombreux collectionneurs et institutions autant pour son intérêt scientifique que pour ses qualités formelles. Certaines de ces œuvres ont été abondamment diffusées et commentées.
Le dessin a longtemps été collé à l’artisanat, art « mineur », et l’utilisation de l’illustration a diminué non seulement dans les sciences sociales, mais également dans les domaines scientifiques de diverses disciplines, de la biologie à l’architecture, notamment via le contexte euro-américain après les années 1970. C’est l’époque où la « modernisation » a envahi les laboratoires scientifiques, donnant accès à des ordinateurs, à des appareils photographiques et à des technologies de l’imagerie. (Kuschnir 2016). Or, le dessin, y compris via les nouvelles technologies d'imagerie est une manière de faire de la recherche visuelle. Dessiner contribue à la recherche et vice-versa : faire de la recherche contribue à dessiner le monde qui nous entoure : accessibilité, mémorisation, temporalité, spatialité, perception visuelle, outil de captation, de médiation, méthode de participation et de partage de résultats. [...] Taussig déplore que le dessin soit considéré par la culture occidentale comme une activité secondaire, secondaire à l’écriture, même dans les écoles d’art. Ce qu’il considère être l’essentiel du dessin est qu’il nous « conduit à voir ». Inspiré par John Berger, Taussig soutient que le dessin s’intègre à l’écriture dans les notes ethnographiques, à la manière d’une conversation. Berger est un des auteurs fondamentaux de cette approche selon laquelle « dessiner, c’est découvrir », qu’il énonce déjà en 1953 dans un article du New Statesmann, et qu’il développe notamment dans la série Voir le voir (1976). Pour Berger, une ligne tracée est importante non pas pour ce qu’elle capture, mais pour ce qu’elle vous donne à voir. »
Deuxième partie : Objectivité des savoirs scientifiques 🔬
Triple objectivité : objectif (but) objectif (opposé à subjectif) objectif (de l'appareil photo) - d’après Citton.
J’aimerai aborder avec toi quelque chose que j’éffleure dans l’introduction de cet épisode, sur la nécessité d’une objectivité féministe, telle que décrit par Haraway dans son manifeste du savoir situé. Au fond, le constat est porté sur la recherche qui tente de séparer une science qui serait pure, objective, dégagée de l'opinion générale. D’après Stengers ce partage entre objectivité d’une part et ce qui compte de l’autre part est dommageable. Elle propose ainsi un passage à la pluralité et parle de sciences avec un “s”. Je voulais avoir un retour avec toi concernant cette chose là, car je crois effectivement qu’il paraît opportun de parler de sciences avec un “s” quand on pense à la situation de ces dernières et à leurs pratiques. Je pense que c’est important également parce que nous qui sommes dans le design, au fond, je crois que nous sommes du côté des questions qui compte, des opinions et assez peu dans la question de la recherche pure - quoi que nous pourrions en discuter tu montres bien que le point de vision importe dans la façon même de poser les questions scientifiques et c’est ce que disent également les féministes.
Troisième partie : Design as knowledges 🕵️
Il y a je crois, un terme qui revient en ce moment, c’est celui d’enquête. Robin de Mourat vient de publier sa thèse qui s’intitule Le vacillement des formats : Matérialité, écriture et enquête : le design des publications en Sciences Humaines et Sociales où l’on retrouve cette pratique ; David Benqué, le premier invité de Bio Is The New Black, travaille lui-même sur des formes d’enquête diagrammatique. Je pense aux travaux de Vinciane Despret, à ceux de Nicolas Nova, etc. Je crois qu’il y a dans ce terme, il me semble que tu utilise un terme également assez proche, celui d'investigation, il y a dans ce terme quelque chose qui rapproche un champ de la découverte et une pratique du design situé, et au fond une recherche de connaissance ou de façon de connaître par les outils du design : l’observation, l’enquête de terrain, et la projection, qui est souvent une projection collective comme c’est le cas des pratiques de design participative. Comment est-ce que tu perçois cette pratique de l’enquête actuellement ?
Conclusion 🤳
Nous remercions chaleureusement Anne-Lyse Renon, cet épisode a été enregistré à distance en novembre 2020.
Pour ce sixième épisode de la série Bio is the new black, l'équipe est composée de :
Elise Rigot & Dascritch
La release a été shippée avec les moyens techniques de Bio is the new black et de CPU.
L'intégralité du programme, des extraits et nos sources sont disponibles sur le site cpu.pm sur la page de l’émission cpu.pm/166 et sur la plateforme Ausha, vous pouvez commenter et partager. Les chroniques et interviews sont en licence libre c'est donc là pour ça !
Si vous nous écoutez sur radio FMR le jeudi, il est midi, nous cédons l’antenne à Monique Blanquet.
On vous retrouve dans 15 jours, la semaine prochaine radio FMR se déconfine pour le festival Rio Loco.
La programmation musicale est de Elise Rigot.
🦗 Bio Is The New Black #5 - PARTIE 2 Le design entre vivant et artificiel, dialogue entre Arthur-Donald Bouillé, Lisa Dehove & Xavier Montoy 🦄
Au-delà de la biomédialité (Hauser) explorée par les artistes à la fin des années 1990 dans le mouvement du bioart, les designers interrogent aujourd’hui les laboratoires de biologie comme terrain fertile de collaborations. En tant que projecteurs, il y aurait tout lieu de croire que ces derniers auraient pour rôle l’anticipation ou la mise sur le marché des découvertes scientifiques. Rien n’est moins sûr ! Dans la friction entre vivant et artificiel, les designers veulent soulever les questions éthiques, souhaitent s’emparer de l’histoire des vivants avec la même légitimité que les scientifiques, et ainsi, participer eux-aussi à la construction du savoir.
Nous aborderons ces thèmes sous la forme de plusieurs dialogues entre Lisa Dehove, Arthur-Donald Bouillé & Xavier Montoy. Voici la deuxième partie de cet entretien. Pour retrouver la première partie de l’entretien, c’est par ici.
Dans cette release de CPU :
Des fictions 📖
Des outils 🖌
Une éthique embarquée
Une chorégraphie de cafards
Nos invités sont Arthur-Donald Bouillé & Xavier Montoy.
L'équipe aujourd'hui : Elise Rigot & Dascritch
Documentation
🧜♀️ Paillasse du design
🔗 A propos des invités :
Arthur-Donald Bouillé
Xavier Montoy
📚 Références diverses citées ou évoquées lors du podcast :
🐙 Donna Haraway
🐺 Baptiste Morizot
Glossaire
Matrice extra-cellulaire : « La matrice extracellulaire correspond à un ensemble de macromolécules extracellulaires (protéines, glucides et eau) sécrétées localement par les cellules d’un tissu et organisé en un réseau complexe autour de ces cellules. » (source)
Homéostasie : Stratégies de l'organisme qui vise à maintenir ou à ramener les différentes constantes physiologiques (température, débit sanguin, tension artérielle, etc.) à des degrés qui ne s'écartent pas de la normale, et donc convenables à sa survie. Cela peut être le degré de salinité du cytoplasme des algues monocellulaires, ou la température pour les mammifères.
Symbiose : Association durable entre deux ou plusieurs organismes et profitable mutuellement. Contrairement au parasitisme, l'interaction entre les deux espèces peut être intriquées au point de ne pouvoir survivre l'une sans l'autre comme pour les lychens (entre une algue et un champignon) ou les coraux tropicaux (entre des polypes et certaines micro-algues, les zooxanthelles). La symbiose, est un mot simple, écrit Donna Haraway, biologiste, historienne, & philosophe des sciences américaine, qui signifie « construire-avec », « fabriquer-avec », « réaliser-avec ». La symbiose dépasse l’autopoïèse, et montre un système d'interdépendance et de relations à l'œuvre dans toute organisation vivante.
📖 Lecture :
« Compagnonnage », Arthur-Donald Bouillé, Ontologie partagée, série d’essais et de fictions, auto-édition en ligne, 2020, tout droit réservé, l’extrait figure à titre documentaire :
« Compagnonnage
Ça n’était qu’une forme spongieuse. Une cascade de couches successives
qui dessinaient un entrelacement de filaments dans une forme marquée
de petites courbes plongeantes ici et là. Le tout dessinait quelque chose
d’amorphe, un ensemble nébuleux et flou dont la description empirique
aurait pu s’apparenter à l’observation d’un liquide dont le flux aurait été
pris sur le vif, comme l’instantanée d’une mare de pétrole incolore figée
pour l’éternité.
Les chercheurs l’appelait la matrice extracellulaire. Un support artificiel
pour accueillir les formes de vie élémentaires, des cellules.
Et c’est ainsi que cet objet étrange dont seule la couleur la distinguait
d’une roche ayant subi l’érosion de l’océan fut épris de vie. Une vie
presque imperceptible disposée à la surface des filaments, absorbée par
les interstices de la matière se réfugie au cœur de ces murailles microscopiques.
Ces petites entités vivantes se multiplient, pullulent pour combler
les creux et les vides, et ainsi resurgissent sur les pourtours de l’objet.
Elles envahissent ce terrain autrefois vague et inerte devenu une forme
amplifiée, lissée par l’accumulation des cellules formant une couche
externe homéostatique.
Après quelques jours au cours desquels les scientifiques prirent soin de
fournir des éléments nutritifs à cet objet vivant, ils me le déposèrent et
me conseillaient de laisser la Chose dont la couleur s’apparentait maintenant
à une masse non homogène de bleu et de rose, dans un liquide
semblable à une gélatine translucide.
Et bien que cet environnement semblait être vide de tout potentiel
interactif, il formulait un milieu de symbiose primitif pour ce nouvel
organisme qui bientôt viendrait se greffer à mon corps.
Un petit morceau de chair luisante agrippé à mon bras tel un parasite, un
organisme xénorécepteur qui lie une relation nouvelle avec mon microbiote
cutané. Une transmission de nutriment dans un sens et celle d’une
information dans l’autre. »
🎵 Musiques :
🎚️ Fonds musicaux :
Paillasse du design : Habiter parmis les vivants
Au bord du promontoire, tu hisses ton corps. Tu esquisses un premier plongeon. Cela grouille de vie. Autour de toi, des arbres, de l’herbe, des oiseaux, des branches, le sol, la terre, un orchestre animal que nous donnerait à entendre Bernie Krause et puis, un peu plus tard, la voix d’un philosophe, celle de Baptiste Morizot, dans un extrait d’un très beau podcast Renaître ici du studio Tarabust et Auvergne-Rhône-Alpes Tourisme. Il ouvre par sa voix, un chemin pour notre dialogue.
Habiter autrement, percevoir d’autres manières d’être vivant, savoir ce à quoi nous tenons, pouvoir le nommer, le décrire, dessiner sa trace et suivre ses pas, se pencher sur les interrelations, comprendre les dynamiques des vivants, en faire partie.
Bienvenue dans Bio is the new Black.
Introduction
Bio Is The New Black invite artistes, designers, philosophes, scientifiques et ingénieurs à explorer les multiples questions éthiques, critiques et de créations qui se posent avec les technologies de bio-fabrication.
Nous sommes au Morning OS, dans la salle du serveur du collectif BAM, un grand merci à eux pour ce plan de replis au calme. Quelques oreilles attentives nous écoutent, ce sont celles de Lysiane Lagadic, Marie Truffier, Mikhael Pommier & Judith Krief merci à vous d’être parmi nous, je vous invite à intervenir et poser vos questions.
Pour planter le décor, voici les personnages :
Arthur-Donald Bouillé, poète au coeur de la matière
Xavier Montoy, Kafka des temps modernes
Nous diffusons la seconde partie de notre interview où nous discutons du design entre vivant et artificiel. Vous pouvez retrouver la première partie de cette interview dans la page de l’émission.
Deuxième partie : Vivant & artificiel, quels outils pour le design ?
Arthur, Xavier, comment est-ce que vous avez adapté vos pratiques pour bosser sur des sujets qui concerne les vivants : le couple naturel/artificiel pour toi Xavier, le rapport entre humain et non humain de ton côté Arthur ?
Dans tes écrits, Arthur, on retrouve de très belles expressions, dont certaines sont empruntées au travail de Donna Haraway : les civilisations parentes & compagnes, les relations intra et inter espèces mutuelles, des agglomérés de plus que vivants, mais aussi des thèmes qui nous sont chers ici, de bio-impression 3D, d’ingénierie tissulaire, de bricolage génomique et de biologie synthétique. On peut suivre dans Ontologie partagée, un recueil de texte des histoires mettant en scène des organoïdes, des morceaux de peaux artificielles greffées, etc. la SF de Donna Haraway, tout à la fois : Science Fiction, Speculative Fabulation, String Figures, So Far.
On peut voir l’importance de l’écriture, dans les écrits des designers, par exemple chez Alessandro Mendini, on y retrouve des journaux intimes, des réflexions sur le robot, ect., quelle est pour toi la place de l’écriture dans ton travail ?
Comment est-ce qu’on fait pour parler du vivant à travers un stylo, un modèle 3D, un objet, un scénario ?
Conclusion
Nous remercions chaleureusement Arthur-Donald Bouillé, Lisa Dehove & Xavier Montoy. Cet épisode est la seconde partie de l’interview, vous pouvez écouter la première partie de l’interview sur la page de l’émission qui traite du concours iGEM vu et vécu par les designers.
Pour ce cinquième épisode de la série Bio is the new black, l'équipe est composée de : Elise Rigot & Dascritch
La release a été shippée avec les moyens techniques de Bio is the new black et de CPU. Nous remercions le Morning OS, le collectif BAM, Lysiane Lagadic, Mikhael Pommier, Judith Krief & Marie Truffier pour leur écoute bienveillante.
L'intégralité du programme, des extraits et nos sources sont disponibles sur le site cpu.pm sur la page de l’émission cpu.pm/154 et sur les différentes plateformes d’écoute, vous pouvez commenter et partager.
Prochaine release : Nous vous donnons rendez-vous jeudi prochain à 11h.
Si vous nous écoutez sur radio FMR le jeudi, il est midi, nous cédons l’antenne à Monique Blanquet.
La programmation musicale est de Elise Rigot.
🧬 Bio Is The New Black #5 - Le concours iGEM, dialogue entre Arthur-Donald Bouillé, Lisa Dehove & Xavier Montoy 🦠
Au-delà de la biomédialité (Hauser) explorée par les artistes à la fin des années 1990 dans le mouvement du bioart, les designers interrogent aujourd’hui les laboratoires de biologie comme terrain fertile de collaborations. En tant que projecteurs, il y aurait tout lieu de croire que ces derniers auraient pour rôle l’anticipation ou la mise sur le marché des découvertes scientifiques. Rien n’est moins sûr ! Dans la friction entre vivant et artificiel, les designers veulent soulever les questions éthiques, souhaitent s’emparer de l’histoire des vivants avec la même légitimité que les scientifiques, et ainsi, participer eux-aussi à la construction du savoir.
Nous aborderons ces thèmes sous la forme de plusieurs dialogues entre Lisa Dehove, Arthur-Donald Bouillé & Xavier Montoy. Voici la première partie de cet entretien. Pour retrouver la deuxième partie de l’entretien, c’est par ici.
Dans cette release de CPU :
Des bactéries
Des briques de codes ADN
Un concours
Du jus de moustiques 🦟
Nos invités sont Arthur-Donald Bouillé, Lisa Dehove & Xavier Montoy.
L'équipe aujourd'hui : Elise Rigot & Dascritch.
Nous diffusons la première partie de notre interview où nous discutons du concours iGEM vu et vécu par les designers.
Documentation
🔗 A propos des invités :
📚 Références citées au fil du podcast :
📖 Lecture :
Bernadette Bensaude-Vincent et Dorothée Benoit-Browaeys, Fabriquer la vie: où va la biologie de synthèse?, Seuil, 2011, pp.138-139, tout droit réservé, l’extrait figure à titre documentaire :
« Responsabilité ou acceptabilité sociale ?
Certes, les travaux éthiques sur la biologie de synthèse se développent et témoignent d'une réelle prise de conscience. Ils expriment un souci de responsabilité et une volonté d'affronter les problèmes de manière efficace et ouverte.
Toutefois, on peut se demander si l'analyse des impacts de la biologie de synthèse sur la société et la culture ne procède pas d'un souci de prévenir ou de surmonter des réticences, traditionnellement suscitées par les innovations technologiques. On a vu croître depuis vingt ans la méfiance vis-à-vis du nucléaire, des OGM, de la vaccination. Celle-ci se trouve exacerbée par les grands discours assortis de promesses mirifiques destinées à encourager les investissements publics et privés. En l'occurrence, les promoteurs de la biologie de synthèse annoncent, sans vergogne, la mise au point pour « demain » d'organismes synthétiques adaptés à tous nos besoins d'énergie et de santé. En donnant libre cours à cette rhétorique de la promesse, ils réveillent des inquiétudes profondes à l'égard de la technologie.
Dans le cas de la biologie de synthèse, la méfiance à laquelle il faut faire face procède directement de l'expérience des OGM. En effet, la question fuse invariablement dans les débats publics : la biologie de synthèse ne serait-elle qu'une manière de faire « en grand » des OGM ? Au lieu de greffer quelques gènes, cette nouvelle biologie permet de remplacer tous les gènes et pourrait donc être bien plus efficace que les OGM ? Question pertinente si l'on écoute Drew Endy et les promoteurs du BioFab, qui présentent la biologie de synthèse comme un dépassement de l'artisanat et du bricolage à l'œuvre dans la production d'OGM. Conscients de leur ambition, ces derniers ont compris très tôt la nécessité d'associer des éthiciens à leurs travaux. Mais la mission confiée à ces derniers n'est pas d'interroger la légitimité des recherches d'un point de vue moral ; elle est plutôt d'aider à piloter le projet, en anticipant sur les problèmes. Il s'agit de gouvernance plutôt que d'éthique. La question morale « que dois-je faire ? » n'est jamais posée. Pour cette communauté scientifique, il est tacitement admis qu'on doit faire de la biologie de synthèse. Il faut simplement réguler, anticiper les obstacles et blocages, tout mettre en œuvre pour maximiser les bénéfices en diminuant les risques. Bref l'éthique est souvent mobilisée pour légitimer l'entreprise techno-industrielle aux yeux d'un public qui pourrait être sceptique. »
🎵 Musiques :
Paillasse du design : Programmation du vivant
Au bord du promontoire, tu hisses ton corps. Tu esquisses un premier plongeon. Cela grouille de vie. Tu ne saurais dire si le ballet devant toi est l'œuvre des troubles hallucinatoires d’une plante venue d’Amazonie ; ou bien, si les organismes et les agglomérats de vie, habituellement regroupés derrière le terme de Nature, sont à l'origine de ce phénomène. Tu comprends petit à petit, que ce monde n’est ni naturel, ni artificiel ; et qu’il est tout cela à la fois.
Aujourd’hui, j'aimerais t’emmener dans des endroits étranges, où l’on pratique la manipulation génétique programmée sur des bactéries, afin de les rendre manipulables, transformables, assemblables, à la manière d’un grand jeu de légo. Il ne s’agit pas de fantasmes, de délires autoproclamés, mais d’une pratique de la biologie synthétique - en quelque sorte la suite logique de la biologie moléculaire - dont les précurseurs voyaient en elle une vision programmatique de la matière.
Je te parlerai de quelques designers qui se sont prêtés à une expérience troublante, celle de s’atteler à faire-avec les scientifiques qui oeuvre à la programmation du vivant.
Bienvenue dans Bio is the new Black.
Introduction
Bio Is The New Black invite artistes, designers, philosophes, scientifiques et ingénieurs à explorer les multiples questions éthiques, critiques et de créations qui se posent avec les technologies de bio-fabrication.
Nous sommes au Morning OS, dans la salle du serveur du collectif BAM, un grand merci à eux pour ce plan de repli. Quelques oreilles attentives nous écoutent, ce sont celles de Lysiane Lagadic, Marie Truffier, Mikhael Pommier & Judith Krief merci à vous d’être parmi nous, je vous invite à intervenir et poser vos questions.
Pour planter le décor, voici les personnages :
Lisa Dehove, amoureuse du langage des couleurs, et accompagnatrice de projets scientifiques
Xavier Montoy, Kafka des temps modernes
Arthur-Donald Bouillé, poète au coeur de la matière
Première partie : retour sur le concours iGEM
Vous avez tous ici autour de la table participés au concours iGEM, Marguerite Benony qui interviendra également dans Bio Is The New Black (n°6), a été la première designeuse en France à avoir participée en tant que candidate mais aussi en tant que membre du jury au concours iGEM - International Genetically Engineered Machine - au sein de l’équipe du CRI.
Arthur tu as participé à ce concours avec le projet Æther, bioinspired indoor air purifier en 2017 qui a reçu un prix, awarded with the Bronze medal at the Giant Jamboree au MIT, Boston.
Lisa & Xavier, vous avez tous les deux collaborés sur le projet Moskito pour l’équipe Pasteur en 2016. Ce projet a reçu un certain nombre de prix : Best diagnostics / Best applied design project / Best entrepreneurship awards à Boston, Laureate of the Grand Challenges Africa 2017 / Special mention, Braun prize 2018, dont un très récent le prix X-Impact Tech (2020).
Je peux imaginer qu’il y a un vrai intérêt à participer à un tel concours pour des designers et à s’engager dans une telle démarche interdisciplinaire. Pour autant, lorsque je suis allée lire la thèse d'Alexandra Daisy Ginsberg, Better, à Londres au RCA, j’ai été assez vite étonnée du retour personnel qu’elle fait sur ce concours. Qui plus est, qu’elle est, je pense, qu’elle est la première à y avoir introduit le design tel qu’on l’entend vous et moi. En effet, sa participation au jury en design n'avait pas été renouvelée de par la différence de vision : elle posait trop de questions. D’autant plus perturbant que je pense que c’est elle qui a contribué du moins en partie à faire passer ce concours dans la culture du design avec le projet e-chromi.
Pour commencer, une question très générale, qu’est ce que le concours iGEM a apporté à vos pratiques de design ?
Conclusion
Nous remercions chaleureusement Arthur-Donald Bouillé, Lisa Dehove & Xavier Montoy. Cet épisode est la première partie de l’interview, nous vous retrouvons la semaine prochaine pour la seconde partie de notre dialogue sur les couples : vivant/artificiel & humain/non-humain.
C’était CPU le programme Carré, Petit, Utile de radio FMR.
Pour ce cinquième épisode de la série Bio is the new black, l'équipe est composée de :
Elise Rigot & Dascritch
La release a été shippée avec les moyens techniques de Bio is the new black et de CPU. Nous remercions le Mornign OS, le collectif BAM, Lysiane Lagadic , Mikhael Pommier, Judith Krief & Marie Truffier pour leur écoute bienveillante.
L'intégralité du programme, des extraits et nos sources sont disponibles sur la page de l’émission cpu.pm/153 et sur les plateformes d’écoute de podcast, vous pouvez commenter et partager. Les chroniques et interviews sont en licence libre c'est donc là pour ça !
Prochaine release : Nous vous donnons rendez-vous jeudi prochain à 11h pour écouter la seconde partie de cet entretien.
Si vous nous écoutez sur radio FMR le jeudi, il est midi, nous cédons l’antenne à Monique Blanquet.
La programmation musicale est de Elise Rigot.
Pour cette fiction présentée dans le 4ème épisode de Bio Is The New Black, nous étions dans le studio d’enregistrement de l’Institut Supérieur des Arts de Toulouse (IsdaT), accueillis par Claude Tisseyre, en compagnie du comédien Raphaël Caire. Nous avons produit cette fiction à partir d’une conférence-performance donnée lors du festival du poulpe édition 2019 à Marseille. Le texte de la fiction radiophonique a été co-écrit avec Anthony Masure. Ce podcast fait état d’une recherche effectuée dans les archives de Vilém Flusser à l’Université des arts de Berlin, nous vous livrons une fiction philosophique du théoricien des médias Vilém Flusser et de l’artiste para-naturaliste Louis Bec : Le Vampyroteuthis Infernalis. Ce projet n’aurait pas été possible sans la précieuse aide d’Anita Jori, chercheure superviseure de la Vilém Flusser archive.
Pour ce bonus de Bio Is The New Black diffusée dans l’émission CPU Carré Petit, Utile de radio FMR, nous vous proposons une adaptation anglaise de la création radiophonique du vampyroteuthis infernalis.
La lecture du texte est interprétée par Wayne Blackwood.
L’origine de cette création est une conférence-performance donnée lors du festival du poulpe édition 2019 à Marseille.
📓Le texte français de la fiction radiophonique a été co-écrit avec Anthony Masure.
📻Ce bonus est diffusé sur radio pi-node. Retrouvez l'émission française et ses contenus associés sur cpu.pm/108 et sur la plateforme ausha ici.
👁️Une édition numérique française consacrée à l’émission est disponible ici.
Introduction à la création radiophonique
Élancé, au bord du promontoire, tu t'apprêtes à hisser ton corps. Tu esquisses un premier plongeon. Bienvenue dans Bio is the new Black.
Dans ce bonus, j’aimerai te faire découvrir une création radiophonique. Cette fiction, je l’ai co-écrite avec Anthony Masure. Elle est inspirée d’un ouvrage : le Vampyroteuthis Infernalis de Vilém Flusser et de Louis Bec. Nous l’avons présenté une première fois lors du festival du poulpe les pieds dans l’eau, dans une piscine naturelle, au vallon des Auffes de Marseille. J’ai retravaillé cette création sonore pour une conférence organisée par la Vilém Flusser Archives : Vilém Flusser and “his languages”, qui se tiendra en ligne les 29 et 30 juin 2020. J’ai écrit à nouveau cette fiction, en orientant plus franchement mes réflexions sur les vivants. Je l’ai traduit avec la précieuse aide de mon ami Wayne Blackwood qui interprète également ce texte.
Tu es prêt.e ? On y va, je t’emmène dans les abysses du vampyroteuthis infernalis.
Act 1 : The Vampyroteuthis Infernalis
Kingdom
Animalia
Phylum
Mollusca
Class
Cephalopoda
Order
Vampyromorphida
Family
Vampyroteuthidae
Genus
Vampyroteuthis
Vampire squid from hell
I’m going to tell you a tale. A story coming from the abyss. A story that interrogates the human condition. It’s o ne about a cephalopod, cousin to the octopus and to the squid, living thousands of meters under the ocean’s surface.
He is our absolute alterity.
This particular species was found in the china seas at the end of the 17th century, during a large scientific expedition: Valdivia. In this era, the German, Carl Chun identified the animal as belonging to the octopus family. Fished it, and brought it back dead to the surface of our lands for closer study.
However, he is neither an octopus nor a squid and baffles our scientific taxonomy. Moreover, his eyes and brain strangely resemble ours.
Tell me Darwin : why have you separated vampys and humans into so many branches on the tree of life? Tell me, can we remove ourselves from your linear model?
Today, we can observe the vampyroteuthis infernalis with the help of a submarine, going thousands of meters deep. Some humans observe them: they call them “Octopus with ears”.
We’ve even built a high pressure aquarium to accommodate him to our floor’s surface in california. We reproduce his habitat to observe vampyroteuthis.
He possesses his own specific order, that of the Vampyromorphida.
The water that I find all around me is at the surface of his underworld, we have to descend, into the deep, to find this incredible vampiric being.
Just imagine for a moment, that the mirror of our existence appears through an octopod creature. A deforming mirror, metaphorical, incredible, impossible. Through this cephalopode, we can find a direction based on total otherness.
What does it look like?
The vampire of the abyss can measure up to 12 meters in diameter. His jelly-like coat varies from black velvet to pale red, depending on the place and the lighting conditions. One membrane of skin links his eight arms, each arm is lined with prickles which could be either fleshy or sharp; inside of this “casing” is black. Only half of the furthest extremities of the length of the arms has suction cups and photophores. The color of his bulging eyes ranges from red to blue depending on the lighting. The adults have a pair of paddle, which resembles fins or ears, projecting from the lateral side of their coat.
When he moves them, the Vampire of the Abyss seems to fly in the water.
From a metabolic view point: everything opposes us.
Evolution has made us two-legged beings, preferring an upright posture and walking. But with this mollusc, it's the other way around: the head coincides with the feet and the mouth is much closer to the anus.
Vampyroteuthis lives in a spiralling world: his line is a circle.
The vampire of the abysses is entirely covered in organs that produce light, called photophores. The animal has a great control over these organs, and is capable of producing flashes of light every fraction of a second, for minutes at a time, to disorient predators.
The vampyroteuthis produces clouds, called sepia, which floats in the water
These biological attributes are the manifestations of intra-specific highly refined communication.
As distant as the vampire of the abyss may seem to be, we share with him the particularity of a psyche beset by an environment of very complex information.
Sprawling intelligence.
Close your eyes, imagine :
A luminous animal, with a cape.
At first tucked under himself,
He must spread his coat to open to the world
He is literally capable of absorbing the world
He is a harmless vampire
His cape is a lure. A game played on the perception of others
He is ok with feeding himself with the rain of planktons which float peacefully around him
His favourite food is glowing snow that crosses the deep
Man comes from the continents
The vampyroteuthis from the abyss
We aspire to the light
He buries himself in darkness
If our species is relatively recent
his species dates back to the oldest times
He doesn’t tolerate the air that we breathe
Whereas we would be crushed by the pressure of the depths where he lives
He is mollusc
We’re skeletal
Man thinks in two dimensions.
Vampyroteuthis in three.
Man is cartesian
Vampyroteuthis is dynamic
We experience the earth, we manipulate it with our hands
He absorbs the world, its representation is experiential
We work for God
He works for the devil
“Vampyroteuthis comprehends the world thanks to eight tentacles that surround the mouth, originally destined to suck in food and bring it close to the mouth. Therefore the world apprehended by him is a fluid and liquid world that precipitates into vampyroteuthis. His purpose in knowing the world is to digest it. His eight tentacles are extremities of his digestive apparatus. Here resides the most radical difference between human and vampyroteuthian epistemology: that for man, knowing is a gesture that advances against the world, an active gesture, and that for Vampyroteuthis, knowing is a gesture that grasps the world, a passive gesture. We men know with the aim of resolving “problems”, and Vampyroteuthis knows with the aim of discriminating between the “influences” and impressions” that he suffers.”
(Vilém Flusser, Vampyroteuthis Infernalis [1988], trad. du portugais par Rodrigo Maltez Novaes, New-York, Atropos Press, 2011, p71)
The hand and the tentacle
Two ways to perceive the world
Two diverging arts
Who speaks for the cephalopod? Who for the Vampy? How does the vampyroteuthis infernalis think? What if the vampy possesses his own culture, a specific way of inhabiting the abyss?
Act 2 : Vampyroteuthian Art
In his eternal night the vampy uses light to communicate. He is able to transmit light information up to many minutes, to give them a specific form.
From the tip of his arm, he ejects a cloudy and sticky mucus, bioluminescent, containing innumerable orbs of blue light.
It can be an instantaneous gesture, or a longer movement. His body is his canvas, his tool for transmitting information.
For us, art withstands time: paintings, statues, cathedrals reside in an eternal form.
In the abyss, materials do not last.
But who between human beings or vampyrotheuthis, would like to be forgotten?
Art, the practice we characterise as human, opposes nothingness. It inscribes information in stone, wood, and every other medium. Art is a way to transmit these information for eternity.
From the view point of the vampyroteuthis, human art is derisory. In his liquid habitat, only biological and genetical information can settle in time. The vampy has already established the synthesis of genetical and informational art.
The purpose of art, which is transmitting information into stable objects, doesn’t work: art becomes intersubjective and immaterial.
The vampy does manipulate, however, sorts of objects. Particular objects. Biological objects, living, ephemeral.
The colour
The light
Sepia Clouds
He can give form to those clouds, he can emit light, activate the bioluminescence of his body. Certainly, he uses it to escape his predators. But most importantly, to transmit information. This information aims at deceiving its receiver.
Art, for the vampy is trickery
“ it’s rape of another, aiming at the immortalisation in another—art as a strategy of rape, hate; art as trickery, as fiction, as a lie; art as a deceptive appearance, and so as “beauty” –the whole in an orgastic atmosphere.”
(Vilém Flusser, Vampyroteuthis infernalis [1981-1987], trad. de l’allemand par Christophe Lucchese, Bruxelles, Zones Sensibles, 2015, p.61, traduction personnelle)
Our world filled with objects is a perfidious world. The object resists information: the marble remains a marble. And the marble is destroyed over time.
Human art is not the incarnation of the beautiful. Art is the realisation of an individual’s experiences in an object. All at once: his knowledge, his values and his sensations.
It's a way to dialogue with the eternal.
Yet the vampy doesn’t bind himself to objects and isn’t fulfilled through them. For Vampy, eternity is acquired in otherness.
Tentacles, chromatophores, sepia clouds, bioluminescence go beyond objects. The vampy doesn’t rub against the resistance of materials but those of the spirits that reside in others.
What’s happening today while our information is stored in cybernetic programmes? Whats happening now that biological information can be purposely manipulated by design?
The Vampy is the incarnation of the convergence of molecular biology and cybernetics. His world is populated by biological information, ephemeral. And already, its conduct is one of a programmer. The vampy plays with the conscience of its peers. He lures them with biological information, he tricks them. His art is pernicious.
The programmes appear to us. The Vampy lives already in this world of programmes. He knows. He doesn’t try to oppose himself against cultural, genetic, computational relational programmes. In his anatomy, the world is a network of information of a diverse nature. To survive these programmes, he becomes a programmer himself, a player, and manipulates living information. He is at the same time totalitarian power and resistance. The vampy has agreed to the absurd nature of existence. He doesn’t try to make sense of it. Neither should we look for meaning in his actions.
Art becomes intersubjective and immaterial.
With the automation of machines, the object becomes a piece of junk. A merchandise. A consumer product. But, the machine, the device, for the Vampy becomes the organism itself. What exo-somatic devices will we use to orient us in a world populated with invisible and intersubjective conscience?
We live in the world with our values, we inhabit it with our situated vision: our perspective is already a point of no vision. The microscopes and the telescopes open up to us new worlds, through giving us new devices of perception. Uniqueness no longer makes any sense.
We are thousands of living beings, micro-organisms, external forces and dynamics which live in symbiosis. Wanting to give a single meaning to life and to think that we can take control of it, is absurd.
Must we negotiate? Make new arrangements? The art of the object is substituted by an art of meeting and arrangement. Performances and installations.
Imaginary warriors, dualists, of conquest, that of the good guys versus the bad guys, friends or enemies, order or harmony. The weak or the strong. The submissive and the dominant. the master and the slave. The pawn and the player. These imaginations kill us. There are only particular situations, layouts that offer us new ways of being in the world. There is no big battle card of the living to conquer and submit to our laws.
The genius doesn't exist.
We are programmers as much as we are programmed, the players and the pawns. Our art has to become an art of meeting.
Make no mistake
We are not vampyroteuthis and will never be.
We don't live in the abyss, the black darkness of an eternal night.
We are bipedal, who think about the world with our hands.
We must search in him the ambivalence, contradiction and immersion that the surface is keeping from us.
Act 3 : Our Vampyroteuthian World
At thousands of meter deep, the abyss houses an octopodal being
And, if it is possible today, by science, to synthesize an artificial vampyroteuthis or to design a hybrid human-vampyroteuthis, that is not the interest of this fable..
We walk on the surface of the oceans. The fossils of vampy found in the Voulte-sur-Rhône reminds us of this. The vampy was here long before us, squated in the depths, and he’s beginning to leave the abyss. He goes back through geological times and mingles with our digital habits.
The vampy’s world is our own
We are, ourselves, bodies being vampyroteuthized, constantly on the alert of immaterial information, ephemeral, intersubjective. Our critical apparatus must grab at a fluid and centripetal world. We must learn from the vampyroteuthis.
Right now, you are subject to total vampyroteuthising. We are the ones who are being raped by the spirits.
We, humans being of the twenty first century, would be on the verge of being vampyroteuthized.
This may appear strange to you.
He lives thousands of meters deep.
At this distance, the pressure is huge.
Night is eternal, but sound travels very well.
At this distance, only few animals survive due to the lack of oxygen and acidity of the environment
However.
These abysses are also our own.
Let’s think of the contemporary situation, at least the western one, loaded with all kinds of sensors and probes: cameras, geolocation devices, etc.
Let us also think of the masses of information circulating on the communication networks. Bombarded with notifications, e-mails, solicitations, information and misinformation of all kinds, we find it increasingly difficult to find our way around in a world entirely built up of digital data. The technical environment of digital technologies, that of computing and computer programming languages, is a world of the invisible, prey to the worst manipulations, but also open to forms of creation that are still largely unexplored.
Like the vampyroteuthis, we are immerge in this environment
Splashing around in data like fish in a small pool of water, we don't know anymore how to “filter” what goes on in us, which infiltrates our subjectivities without us realizing it.
Think of the great collapses of the living happening and those to come. Their hunt, their provision of an immoral and irrational design..
Think of the exploitation of animal, vegetal and human life. We must try the experience of living as a bird, as a wolf, as a forest, as a coral reef, as a pigeon, as an octopus, like a jellyfish, an algae: the vampy will be our bioluminescent lighthouse in this quest. We must, we humans, designers, artists, scientists, come back to things themselves. Don't tempt the omniscient eye, don't try to lock the living into a big battlefield where we would be the winners.
We are looking for new metaphors and new stories to understand the real.
And that's where the octopus of the abyss comes in, whose geographic and temporal remoteness acts as a mirror of our contemporary condition. We have to go down into the abyss.
Without light, at thousands of meters deep, maybe even further, the ocean region where the Vampyroteuthis Infernalis lives, is an environment with poor oxygen. This darkness, this condition of the invisible, is comparable to the fascination we feel for “black boxes”, technological devices which are shaping our daily lives. Henceforth, could we learn from the octopus how to “navigate” with ease and elegance in this rain of plankton? Could he teach us to “sort out” what is unintelligible to us?
To seek in the octopodal model, a new way of telling the world that flows in us.
To seek in his deception ways to guide us in this world.
We need to create other para-natures, “methods parallel to the natural sciences, but which advances in the other areas of the real.”
We could create other ways of perceiving the world.
The Nature that we see is a nature of modern biology and natural sciences.
It's a unique nature. This uniqueness doesn’t exist.
We need to create new entities, new stories and new images.
🔘 Le bonus a été shippé avec les moyens techniques de Bio is the new black. Une émission complète en français a été diffusée dans l’émission CPU. Retrouvez l'intégralité du programme, des extraits et nos sources sur le site cpu.pm/138 et sur la plateforme ausha.
👩🏫 Le podcast est présenté à la Conference 2020, Vilém Flusser and His “Languages”, organisé par la Vilém Flusser Archive les 29 et 30 juin 2020. Le texte ci-dessous présente la conférence dans laquelle s’inscrit la version anglaise du podcast.
Vampyroteuthis as a bioluminescent lighthouse to think under the livings. Some mutations : From 1981 to 1991.
Full article : here
Vampyroteuthis Infernalis is known to be a philosophical fiction (Moles). Flusser describes an abyssal creature, opposites in every points with human. From 1981 to 1991, the book mutates with the writing process of Flusser engaging with letters, oral dialogues, essay writings and traduction. There is a genealogy of the vampy from the french version to the brazilian one. The fantasy becomes little by little the metaphor of the human postmodern condition within the media. Thus, the vampy as an apparatus, could permit us to navigate in the cybernetic world we inhabit (Citton). This gesture might be to consider this biological animal as a way of thinking in the information age. One opposite movement is also possible, and, as far as we know, not yet explored. It is the following:
How can the philosophy of Flusser's programs, embodied in the phenomenology of vampyroteuthis, serves as a lighthouse in the "moment of the living" (Worms) that we are going through nowadays?
By comparing the different versions of the vampy from the french to the brazilian one, we propose to analyse the vampyroteuthis inputs to the thinking of the livings. In this regard, the french version, which is the first unpublished version of the tapuscrit given as a gift to his friend the artist Louis Bec, deals with an important scientific context. First, we have to note the existence of the french molecular school of biology with Jacob and Monod, and the presence of thinkers such as Bergson and Canguilhem. In this moment, the late 1960, biology is linked with the code by DNA discovery: that’s the moment of molecular biology. With phenomenology, Flusser enables us to inhabits deeper living aspects such as randomness and necessity. He explains how these two concepts are linked into programs (Post-History). Without footnoting him, Flusser quote here the french biologist Monod.
Also, the current proposition wants to present another mutation into a media creation, in an episode of a podcast that we create, called, Bio is the new black. The vampy here becomes a text and an radiophonic creation reading by a comedian, that goes with a mobile website.
Biography Elise Rigot
Elise Rigot is a doctoral student and a teacher at the University Toulouse - Jean Jaurès. Her thesis in design (LLA-CRÉATIS and LAAS-CNRS) deals with the f(r)ictions between design and nano-bio-technologies. She is the author of a podcast (FR), Bio Is The New Black, dealing with design and bio-manufacturing technologies.
🌊 Fonds sonores de la création radiophonique :
🎹 Musique :
Pour cet épisode de Bio Is The New Black, nous étions dans le studio d’enregistrement de l’Institut Supérieur des Arts de Toulouse (IsdaT), accueillis par Claude Tisseyre, en compagnie du comédien Raphaël Caire. Nous avons produit cette fiction à partir d’une conférence-performance donnée lors du festival du poulpe édition 2019 à Marseille. Le texte de la fiction radiophonique a été co-écrit avec Anthony Masure. Ce podcast fait état d’une recherche effectuée dans les archives de Vilém Flusser à l’Université des arts de Berlin, nous vous livrons une fiction philosophique du théoricien des médias Vilém Flusser et de l’artiste para-naturaliste Louis Bec : Le Vampyroteuthis Infernalis. Ce projet n’aurait pas été possible sans la précieuse aide d’Anita Jori, chercheure superviseure de la Vilém Flusser archive.
Cette émission est diffusée sur radio FMR dans le programme CPU.
Edition écrite numérique du podcast : ici.
Dans cette release de CPU :
de l’épistémologie fabulatoire
des vampires des abysses
une histoire d’amitié
une performance les pieds dans l’eau
L'équipe aujourd'hui : Elise Rigot, Raphaël Caire, Claude Tisseyre et DaScritch
🎹 Musiques :
🌊 Fonds sonores de la création radiophonique :
🎚️FONDS SONORES chroniques :
📜 Documentation
Création radiophonique 📡
Vampy & Archives 🗄️
Louis Bec 👨🦳
Donna Haraway 👵
Introduction à la création radiophonique
Élancé, au bord du promontoire, tu t'apprêtes à hisser ton corps. Tu esquisses un premier plongeon. Bienvenue dans Bio is the new Black.
Dans cet épisode, j’aimerai te faire découvrir une création radiophonique. Cette fiction, je l’ai co-écrite avec Anthony Masure. Elle est inspirée d’un ouvrage : le Vampyroteuthis Infernalis de Vilém Flusser et de Louis Bec. Nous l’avons présenté une première fois lors du festival du poulpe les pieds dans l’eau, dans une piscine naturelle, au vallon des Auffes de Marseille.
La lecture est interprétée par un ami comédien, Raphaël Caire. Nous avons codé un mini-site mobile, à visionner en même temps que l’écoute, je te propose de te rendre sur l’adresse bit.ly/vampy-flusser sur ton téléphone mobile. Tu retrouveras cette information dans la description du podcast. Il n’y rien à faire : des contenus images et textes défileront automatiquement sur ton écran, tu peux slicer de droite à gauche.
Tu es prêt.e ? On y va, je t’emmène dans les abysses du vampyroteuthis infernalis.
Partie 1 : Création radiophonique
Texte de la fiction co-écrit avec Anthony Masure inspiré de l'ouvrage du Vampyroteuthis Infernalis de Vilém Flusser et Louis Bec
Partie 2 : Les archives de Vilém Flusser à Berlin
En Mai 2019 je suis partie à Berlin, dans les archives de Vilém Flusser. Anthony m’avait suggéré l’étude du vampyroteuthis, certainement un prétexte pour me faire aimer Flusser. Et les archives m’ont effectivement donné l’amour de la pensée et des essais de Flusser. Il faut s’imaginer ce travail de fouille, la recherche d’un texte inédit, qui donnerait de nouveaux éclairages sur le vampy ou même pour la communauté des Flusser Studies.
La pensée de Vilém Flusser est si tentaculaire, que ce que j’en ai ressorti est plutôt de l’ordre du trouble. On dit du « vampyroteuthis » qu’il est un ouvrage de fiction philosophique et c’est vrai. J’ai pour ma part, eu la sensation que le compagnon octopode servait à Flusser à décrire un monde possible, où sa vision de l’art, de la science, des technologies et des appareils prenaient une tournure toute autre.
J’ai aussi eu l’impression qu’il avait réussi le tour de force de donner un imaginaire du savoir qui serait différent : Quand on y réfléchit, comment étudier le poulpe ? Faut-il le ranger bien gentillement sur l’arbre de l’Évolution ? Ou ne faudrait-il pas plutôt penser en poulpe ? Au fond, Flusser nous amène à penser avec le vampyroteuthis, qu’est-il possible de penser avec lui ?
Ce point de vue de l’altérité, souvent attribué à la femme ou au robot, est ici celui d’un animal à l’époque méconnu. Pour autant, la dialectique dans la pensée de Flusser n’est pas si tranchée. Il n’y a pas soi versus l’autre. L’autre est plutôt notre miroir. Ce trouble m’habite depuis. Et si nous étudions la biologie, en pensant avec et depuis les organismes biologiques, depuis leur être-au-monde… Et si nous pensions l’écologie non pas comme une cartographie de la Terre mais comme l’addition de multiples expériences, diverses, complémentaires, hétérogènes, vécues depuis un point de vue particulier…
Je ne sais pas encore quoi en faire. Mais je sais que le vampyroteuthis et Donna Haraway dialoguent ensemble et veulent dépasser l’idée d’une science omnisciente, du point de vue de nulle-part, du point de vue de Dieu; une science puissante qui réduirait le vivant à un programme. Je sais aussi que pour Flusser, le programme n’est pas simplement informatique ou génétique. Il est une condition de notre monde. Nous vivons parmi les programmes, et cette vie ne doit pas nous devenir impossible. Voilà le trouble, rien n’est clair, et nous habitons nous aussi un épais nuage de plancton.
Il ne faut pas céder à l’anthropocentrisme, ou à la volonté d’une explication de la vie. Il ne faudrait pas, vois-tu, que nous tentions de donner un sens à tout ça. Cela n’a pas de sens : Seule la contingence arrive, seul ce que nous n’avions pas prévu est réel. Quand on se cogne dirait un autre.
Vilém Flusser a été philosophe, écrivain, journaliste, pionnier de la théorie des médias. Né à Prague dans une famille juive, il émigre vers le Brésil où il deviendra professeur de philosophie et de la communication. Également considéré comme artiste, il aura vécu toute sa vie en exil. Dans cet exil, tout est inhabituel, inhabitable, tout n’est qu’information, dans cet exil, il s’agit de créer ou périr. Voilà ce que nous dit Flusser dans un joli texte, Exil et créativité, que j'ai trouvé aux archives.
Voilà ce que fait l’exil : habiter en monstre octopodal. Flusser, dans le vampyroteuthis, nous plonge dans cette réalité de l’exil, réalité qui s’étendra bientôt à une grande partie de l’Humanité. Nous serons exilés de nos terres devenues inhabitables et des terres inhabituelles devront être habitées à nouveau, par du nouveau et par de la création. La créativité oblige à l’exil. Artistes, designers, philosophes, scientifiques, et tant d'autres allons chercher cet ailleurs, nous nous mettons en quête de cet exil, chaque chose nous devient nouvelle, perceptible d’une manière inédite. Mais nous savons aussi que nous vivons dans une époque rapide : tout change constamment ainsi que nous commencons par muter, nous aussi rapidement, à nous habituer à l'inhabituable, à l'inhabitable. Il nous faut rester des exilés.
Dans ces archives, des grands classeurs en carton épais noirs, rassemblent les essais écrits en anglais, en français, en allemand, en tchèque et en portugais.
Ces textes sont rassemblés selon un code. Et pour naviguer dans la pensée de Flusser, pour étudier le vampy, j’ai exploré ces codes : "dialogu", "creat", "tech", "immat”, "fenom", "future", "infor", "inters", "evolut", "nature",… . Si l’on dessine la cosmogonie du Vampyroteuthis, un diagramme liant ces différents termes nous apparaîtrait, comme une cartographie venue des abysses. Et elle viendrait nous glisser au creux de l’oreille des idées insidieuses d’un rapport au vivant, à la connaissance et au programme différent. Le diagramme, il faudrait imaginer en 3D et évoluant dans le temps, il se jouerait de nos concepts trop étroits, de notre rigide armoire où nous avons épinglé et classé les catégories de Mère Nature.
Dans les archives qui se trouvent dans l’Université des Arts de Berlin : des essais publiés ou sous forme de tapuscrits, des notes de cours et de conférences, des livres parfois jamais publiés, ni même traduits, ses agendas, sa correspondance, sa machine à écrire, ses photographies, sa bibliothèque de voyage… Tout ça… Tout ça est là…
J’ai la sensation de pouvoir manipuler la pensée d’un personnage qui ne considérait pas de sujet trivial pour la pensée, de la vache, à la prairie, de la théorie des médias, le design, la photographie, le bioart, des gestes. La pensée de Flusser fonctionne comme les couches d’un programme : une première surface, en apparence simple offre une image saisissable de sa pensée. Dans les autres strates apparaissent d’autres codes, d’autres lectures qui surgissent, d’autres informations qui codent pour une pensée en mouvement. Le geste de l’enfouissement.
Dans mon geste de chercher, la réalité prend de l’épaisseur. Elle s’empile en feuillets de tapuscrit. Elle s’empile en lettres et photographies personnelles, le vampy est là parmi nous, il n’est pas monstrueux, ne me fait pas peur.
Dans la création radiophonique que l’on vient d’entendre, le poulpe des abysse peut être perçu comme un appareil , nous permettant de filtrer notre monde de données, qui devient un monde intersubjectif et immatériel, à l’image de la pluie de plancton que le vampyre habite.
En 1974, Flusser rencontre l’artiste para-naturaliste Louis Bec. Invités un été à Cabrières d’Aigues, près de Pertuis par Louis, Vilém et Edith Flusser s’installent dans la région. Robion est entouré de petits monts, situé dans le Vaucluse. C’est dans un paysage provençal aux odeurs de cerisier, d’olivier et de lavande que naît la fable du Vampyroteuthis. Dans les après-midi de discussions et de dialogues auxquelles Edith prenait part elle aussi, un monstre octopodal s’invite à la table.
Il devint un modèle pour une philosophie de l’Altérité, mais aussi un geste scientifique : de la généalogie à l’intuition en passant par la phénoménologie, Flusser s’attache à étudier le Vampy comme on pourrait s’attacher à étudier les vivants avec qui nous co-habitons.
Il faut dire que nous sommes dans un moment particulier, spécifiquement en France. Une école de la biologie moléculaire commence son existence : André Lwoff, Jacques Monod et François Jacob obtiennent le prix Nobel de médecine en 1965. Les trois chercheurs de l’Institut Pasteur ont découvert à travers le modèle de l’opéron que nos gènes ne sont pas exprimés de manière constante au fil du temps, mais qu’ils sont régulés très finement, pour répondre aux besoins de notre organisme. Derrière cette explication, Jacob écrira une histoire de la biologie sous le terme de programme, à l’image du programme informatique. François Jacob note ainsi que « dans le programme sont contenues les opérations qui [...] conduisent chaque individu de la jeunesse à la mort. [...] Tout n’est pas fixé avec rigidité par le programme génétique. Bien souvent, celui-ci ne fait qu’établir des limites à l’action du milieu. »
Plus précisément, la notion de notion de « programme » de l’hérédité est établie par l’école de la biologie moléculaire pour rendre compte d’une histoire de l’évolution, inscrite au cœur de chaque cellule, et permettant à chaque entité vivante de transmettre des informations à la génération suivante. S’opposant aux explications des mythes pour expliquer les phénomènes du vivant, Jacob décrit l’hérédité en termes d’informations, de message et de code. Pour autant, l’idée de programme elle-même est problématique.
« Un programme c’est un système où toute virtualité inhérente se réalise par hasard, mais nécessairement. Il est un jeu » nous dit Flusser. Le problème des programmes, c'est qu’ils font de nous des fonctionnaires : Il nous place dans la déresponsabilisation de nos actes, ils enlèvent le sens de notre travail pour faire de nous les rouages d’une machine plus vaste. Pour Flusser, le programme occidental contient en lui-même l’extermination de la vie : Auschwitz.
Flusser souligne la condition contemporaine, régie par les programmes : l’absurdité.
« Nous ne devons ni anthropomorphiser ni objectiver les appareils. Mais les atteindre dans leur concrétude idiote : celle d’un fonctionnement programmé par le hasard et pour le hasard. Dans leur absurdité. Nous devons apprendre à accepter l’absurde, si nous voulons nous libérer du fonctionnement. La liberté est concevable, désormais, comme jeu absurde avec des appareils absurdes. Comme jeu avec les programmes. Accepter que la politique est un jeu absurde, accepter que l’existence est un jeu absurde. C’est à ce prix douloureux que nous pourrons un jour donner un sens à nos jeux. Ou accepter la leçon le plus tôt possible, ou devenir des robots. Devenir des joueurs ou des pions. Des pièces du jeu ou des meneurs de jeu. »
( Vilém Flusser « Post-histoire » [1982], postface de Yves Citton, préface de Anthony Masure, Paris, T&P Work UNiT, 2019. Voir aussi : « Vilém Flusser : vivre dans les programmes », dossier des textes inédits rédigés en français dirigé par Yves Citton et Anthony Masure, Multitudes, no 74, avril 2019.)
Le programme est chez Flusser inséparable d’une pensée sur le vivant. On peut y trouver des traces dans le vampyroteuthis lui-même, dont la fable est écrite comme un appareil de pensée. La Nature, en tant qu’élément de l’imaginaire humain peut alors être reconfigurée, L’idée de nature est pour Flusser un mensonge. En effet, dans un ouvrage qu'il intitule « Natural:mente » (littéralement “la nature ment”), il évoque cette idée : Re-coder la nature, ne pas la voir comme une ressource, mais un milieu.
Entre les deux amis Louis et Vilém naît un monstre tentaculaire : le vampyroteuthis infernalis. Dans les archives, un entretien avec Anita Jori m’apprend l’histoire de ce livre. D’abord écrit en français, l’ouvrage sera édité pour la première fois en allemand, avec une quinzaine d’illustration de Louis Bec. Comme Flusser traduisait lui-même ses textes, il réécrivait en réalité tout l’ouvrage, de sorte qu’il faudrait lire tous les vampyroteuthis pour comprendre toutes les facettes de sa pensée. Puis, Flusser retravaille ce texte en portuguais et quelques passages en anglais. Ces textes restèrent dans les archives jusqu’à ce que Rodrigo Maltez Novaes s’attèlent à la traduction du dernier vampyroteuthis, écrit dans les dernières années de sa vie et maintenant disponible aux éditions Atropos. Tel un animal vivant, le Vampyroteuthis Infernalis en tant qu'ouvrage connaît chez Flusser plusieurs stade de mutation. Dans sa version la plus proche de nous, dans l’évolution taxonomique du Vampy, l’organisme biologique, animal, devient lui-même un appareil.
Partie 3 : Leçon d’épistémologie fabulatoire
L'artiste Louis Bec était président de l'Institut Scientifique de Recherche Paranaturaliste. Sa forme de savoir mêle la fiction et le réel : elle s’appelle l’épistémologie fabulatoire.
Avec Vilém Flusser, il nous incite à créer d'autres façons de voir la nature, des “para-natures”. Ce seraient des natures qui n'utilisent pas les mêmes méthodes que les sciences naturelles : elles utiliseraient « des méthodes parallèles à celle des [ces] sciences [...] , mais qui avancent dans d’autres domaines du réel ».
(Orthonature, Paranature Institut de recherche paranaturaliste,1978, édition limitée, Vilém Flusser
Dans une leçon d’épistémologie fabulatoire, la numéro 12, Louis Bec rend hommage à son ami Vilém Flusser récemment décédé (1991). Je vais vous en faire la lecture.
« Je vais tenter de relater, très rapidement, une énigme hypozoologique que je ne peux plus taire. Même si cette relation doit porter atteinte à ma belle réputation de zoosystémicien. Pour le faire de manière précise, je préfère lire ces quelques lignes, mon désarroi actuel risquerait de trahir la réalité des faits.
Je ne suis, comme vous le savez, qu'un modeste zoosystémicien, qui n'a fait aucun effort pour le devenir, car dès l'âge de 4 ans, j'ai su que je n'allais être qu'un artefact. Les faits qui vont suivre tendent à le prouver.
J'ai obtenu avec éclat mon diplôme de zoosystémicien. Ce diplôme m'a été décerné par l'Institut Scientifique de Recherche Paranaturaliste, Institut que j'avais pris soin de fonder quelques années plus tôt et dont je suis le seul diplômé et apparemment le seul président.
Mes maîtres m'avaient pourtant dit que ce diplôme me mettrait à l'abri des mésaventures qui vont suivre. Je profite donc de l'occasion qui m'est donné ici, pour rendre public des événements graves. Voici les faits : Depuis plus de 15 ans, Vilém Flusser et moi-même avons entamé un dialogue amical et ininterrompu. Rien d'extraordinaire à cela.
Durant ces années, nous avons coulé des jours heureux, engoncés dans la confortable et moelleuse complexité de nos propos.
Pourtant, un jour, c'était un samedi, je crois, un objet de forme "céphalopodique" s'est matérialisé tout à coup au centre de notre discussion. Cet objet s'est mis à évoluer dans notre espace "d'entre deux", avec une certaine arrogance et une certaine désinvolture, qui me font encore frémir. J'ai longtemps pensé, que j'avais été le seul à observer les évolutions de ce céphalopode. J'ai même cru qu'il faisait parti de ce type d'hallucinations qui se produit quand la pensée atteint de très hauts sommets. Le premier moment de surprise passée, et comme Vilém Flusser ne semblait pas affecté par ce phénomène, je n'ai pas daigné en parler, notre propos développait des axes tellement plus profonds et essentiels pour l'avenir du monde.
Combien de temps ce céphalopode évolua-t-il dans notre circonstance, je ne saurais le dire, car ce genre d'organisme a la propriété de devenir translucide par mimétisme, surtout dans le flot cristallin de la pensée. De plus il est doté de moyens de locomotion multiples et se déplace avec la fulgurante rapidité des flux neuroniques.
Il faut reconnaître qu'il n'eut jamais l'outrecuidance de répandre entre nous cette ancre noire qui brouille la vue, masque la présence et macule les idées. Plusieurs années s'écoulèrent ainsi, dans l'oubli de cet événement.
Notre dialogue amical et ininterrompu se poursuivit.
Par malheur, un jour, ce moment ne s'effacera jamais de ma mémoire, Vilém Flusser me montra triomphalement un texte qu'il venait d'écrire. Ce manuscrit avait pour sujet le Vampyrotheutis Infernalis, un céphalopode évoluant dans les grandes profondeurs des océans. Je me souviens de cette première lecture. Lecture toujours difficile, car Vilém Flusser qui parle des nouvelles technologies avec une rare intelligence, emploie une machine à écrire de l'après-guerre. De plus la version papier pelure et ruban bleu fatigué, déstabilisait ma lecture, comme les chromatophores irisés et changeants de la peau du Vampyrotheutis Infernalis.
Ses tentacules par ses ventouses syntaxiques aspiraient le peu de sens qui me restait. Les images de celui-ci s'imposèrent à mon esprit avec une incroyable force. Je fus convaincu tout-à-coup qu'il n'avait jamais disparu, qu'il s'était installé entre nous, d'une manière constante durant de longues années. Il avait continué à se déplacer et à croître dans la profondeur abyssale de nos concepts, sans que nous nous en doutions, se fortifiant vampyromorphiquement et infernalement de l'énergie de notre pensée. Au point d'avoir phagocyté l'esprit de Vilém à son insu. Je fus obligé de constater, avec effroi, que le mien l'était très probablement aussi.
Il y a trois ans maintenant, deux jeunes et fringants éditeurs allemands, en plongeant dans les tiroirs du bureau de Vilém Flusser, avec les scaphandres autonomes propre à cette corporation, renflouèrent ce texte et décidèrent avec une belle insouciance de l'éditer. Il me fut demandé de présenter certaines facettes de ce Vampyrotheutis Infernalis. Je fus amené, sous domination céphalopodique, à mettre à l'exercice une prolifération cladiques, proposant certaines bases d'une éthologie de la prédation chez les Vampyromorpha et les aspects morphogénétiques qui en découlent.
Ainsi plusieurs comportements très amicalement prédateurs me furent imposés:
• La prédation par des attitudes comportementales séductiformes et par des émissions de phénomènes vibratoires zoosémiotiques, facilitant la saisie d'un vivant au moyen d'organes spécialises.
• La prédation par la constante transformation hypocrisique provoquant des désarrois et des dérèglements métaboliques chez les proies.
Je vis maintenant, sous l'emprise du grand doute hypozoologique. Aucun zoosystémicien consciencieux, de toute l'histoire de l'Upokrinoménologie, ne s'est trouvé sous une telle pression épistémologique. Il apparaît que le Vampyrotheutis Infernalis comme tous les autres Vampyromorpha d'ailleurs, est une chimérisation émergeant des dessous troublants de l'amitié. Qu'il est la concrétion céphalopodique d'un dialogue. Qu'il est une chimérisation, non de l'assemblage ou du collage occasionnel, mais d'un bien curieux clonage. La présence de trois coeurs caractéristiques de cet organisme, ainsi que la ruse par laquelle il a su avaler sa coquille au cours des siècles, pour passer de l'obscurité à la transparence, en donne la preuve.
Le zoosystémicien doit en tirer les conséquences :
1) Les céphalopodes, qui constituent la plus grande part de la biomasse dans le monde, seraient le produit d'une zoologie mentale et épiphanique élaborée artificiellement, une zoologie colloïdale et fictionnelle de l'interface communicatoire.
2) L'embranchement des céphalopodes serait la matérialisation d'une morphogénétique envahissante et tentaculante, substitut vivant des tentatives désespérées de l'espèce humaine pour purifier idéalement ses comportements relationnels et locutoires.
3) Enfin, le plus grave. Les zoologistes en considérant les céphalopodes comme des animaux communs et en plaçant leur embranchement dans la classification zoologique ont donné la preuve évidente qu'ils n'avaient jamais eu d'amis, même parmi les bêtes et qu'ils ont vécu sans pieuvres d'amitié.
Depuis, le zoosystémicien tente d'éviter de tomber dans le piège darwinien de l'authentification classificatoire du zoologisme objectif, il modélise systématiquement, lui-même, avec vigilance, ses propres bestioles céphalopodiques. »
L’artiste paranaturaliste Louis Bec enseignait à l’école des Beaux Arts d’Aix en Provence où il supervisera notamment une grande exposition Le vivant et l’artificiel qui explorait tout azimut toutes les facettes de ce couple vivant/artificiel conçue, pour le festival d’Avignon en 1984. Il y avait dans cette exposition, un amoncellement d’objets selons différents modèles : scientifiques, biotechnologiques, artistiques, et ils se côtoyaient : ils créaient un chaos. Ce bruit déstabilisait, tout devienait vivant et à la fois artificiel. Il paraît que les étudiants des Beaux Arts n’eurent pas cours cette année là pour se consacrer à ce projet.
Que se passerait-il aujourd’hui si l’on se reposait ces questions avec des étudiants ? Et qu’on l’on monte une autre genre d’exposition, fouillies, remplies, qui ne serait pas lisse, et dont les clefs de lecture ne seraient pas données à l'avance. On ferait participer celui qui voit, on l'inviterait à notre pensée. Geste de partager.
Donna Haraway après le vampy
Parmi les esprits poulpesques qui peuvent nous animer, nous aimerions terminer par Donna Haraway, qui nous invite à rester dans le trouble. Ce trouble, c’est celui d’un savoir, d’une science qui ne sera jamais omnisciente, mais toujours située. Ce trouble est une chance, car depuis ce point de regard qui est aussi point de non vision, nous pouvons agir sur le monde et proposer un savoir responsable, du moins plus responsable. Haraway nous invite au marginal, à l'hétérogène, au multiple, à ce qui est partiellement compris, pas encore traduit. Le monde qui nous entoure n’est alors pas vu comme une ressource à cartographier mais un sujet actif. Ce monde devient un « encodeur filou avec lequel nous devons apprendre à parler. » ( Donna Haraway, Manifeste cyborg et autres essais. Sciences – Fictions – Féminismes, Anthologie établie par Laurence Allard, Delphine Gardey & Nathalie Magnan, Paris, EXILS éditeur, 2007, Savoir Stiué p.135)
J'espère que nous aurons un peu appris à parler avec le Vampyroteuthis Infernalis, et que nous pourrons suivre d'importantes petites phrases que j'aimerais vous dire ici :
« It matters what matters we use to think other matters with; it matters what stories we tell to tell other stories with; it matters what knots knot knots, what thoughts think thoughts, what descriptions describe descriptions, what ties tie ties. It matters what stories make worlds, what worlds make stories »
Il importe les pensées avec lesquelles nous pensons d’autres pensées.
Il importe les histoires avec lesquelles nous racontons d’autres histoires.
Il importe quels nœuds nouent d’autres nœuds, quelles pensées pensent les pensées, quelles descriptions décrivent les descriptions, quels liens lient les liens.
Il importe quelles histoires font les mondes et quels mondes font des histoires.
(Donna Haraway, Staying with the Trouble Making Kin in the Chthulucene, Duke University Press, 2016.)
Il nous manquait de relire l’histoire du Vampyroteuthis Infernalis. Voilà chose faite.
Pour cette release de la série Bio is the new black, l'équipe est composée de :
La release a été shippée avec les moyens techniques de CPU, de Bio is the new black et du studio de l’isdaT — institut supérieur des arts de Toulouse.
La version anglaise de la création radiophonique est disponible ici.
Bio Is The New Black #3 - dialogue entre Anthony Masure & Xavier Guchet - des designers passeur.se.s
*** Interview version longue ***
Cet opus ne contient pas l'habillage sonore, il s'agit de la version longue de l'interview, pour une écoute plus agréable vers la version courte et montée c'est ici
Bio Is The New Black #3 - dialogue entre Anthony Masure & Xavier Guchet - des designers passeur.se.s
>>> Pour écouter la version courte et retrouver le descriptif de l'émission c'est ici
Pour ce premier épisode hors les murs de Bio Is The New Black, nous étions à Londres dans le petit studio secret de la bibliothèque de la Goldsmiths University. Nous avons interviewé David Benqué, chercheur et designer. Nous avons discuté du design spéculatif, prédiction du futur, rôle du design, algorithme prédictif, viande artificielle et instrumentation scientifique. Cette émission est diffusée sur radio FMR dans le programme CPU et écoutable en podcast sur ausha et cpu.pm.
Bio Is The New Black #3 - dialogue entre Anthony Masure & Xavier Guchet - des designers passeur.se.s
Quelles sont les différences de méthodologies de recherche en sciences et design ? Quels sont les biais d’une « scientifisation » du design à des fins de recherche ? Comment pratiquer concrètement la recherche en design ? Sous la forme d’un dialogue ouvert et spontané nous déployons ces questions et ouvrons des perspectives en terme de positionnement et d’action pour les chercheur.e.s en design.
Dans cette release de CPU :
Un passeur
Une discipline indisciplinée
De nouveaux organes perceptifs
des formats réinventés
Nos invités sont Xavier Guchet, philosophe des techniques et Anthony Masure, chercheur en design.
L'équipe aujourd'hui : Elise Rigot et DaScritch
Documentation
😎 Xavier Guchet
😎 Anthony Masure
👊 Recherche-en-Design & Art-création
📓 Outils de publication de recherche alternatifs
🎤 Références citées au fil de la discussion
Bio Is The New Black invite artistes, designers, philosophes, scientifiques et ingénieurs à explorer les multiples questions éthiques, critiques et de créations qui se posent avec les technologies de bio-fabrication.
Aujourd’hui, nous partageons un dialogue entre deux chercheurs qui chacun à leur manière ont contribué à la réflexion du design par rapports aux techniques. Nous sommes dans la salle 3.11, au CRI, Centre de Recherche Interdisciplinaire de Paris. Le public invité par l’association Design en Recherche, réseau de doctorant-e-s et jeunes docteur-e-s en design sera invité à participer à ce podcast : à vos crayons !
Xavier Guchet est
Anthony Masure est
auteur de l’essai Design et humanités numériques aux éd. B42 (2017)
L’intégralité des réponses aux questions du public invité par l'association Design en Recherche sont trouvables sur la version longue de l’interview. Nous remercions chaleureusement Xavier Guchet et Anthony Masure ainsi que l’association Design en Recherche et le CRI, Centre de Recherche Interdisciplinaire de Paris. Pour cette fois-ci également, vous pourrez retrouver une transcription écrite en description de cette émission sur cpu.pm et sur ausha. La transcription de l’interview est en licence libre CC BY-SA.
Pour ce troisième épisode de la série Bio is the new black, l'équipe est composée de : Elise Rigot Chief designer officer et DaScritch chief laboratory officer.
La release a été shippée avec les moyens techniques de CPU et de Bio is the new black. Nous remercions l’association Recherche en Design et le CRI Paris.
L'intégralité du programme, des extraits et nos sources sont disponibles sur le site cpu.pm sur la page de l’émission cpu.pm/132 et sur la plateforme Ausha, vous pouvez commenter et partager. Les chroniques et interviews sont en licence libre c'est donc là pour ça !
Musiques :
La programmation musicale est de Elise Rigot, avec une petite référence au travail de Bruno Latour.
Lecture Berceau de Mica
« L’écriture cunéiforme a évolué pendant trois mille ans pour s’adapter aux contraintes et à la plasticité de son support, l’argile, qui lui a permis de devenir une écriture-sculpture.
Et il se peut que l’argile ait également été le ferment d’une sculpture du vivant.
Matière friable, l’argile est rapidement considérée dans l’antique Mésopotamie comme un élément primordial. Si de nombreux récits des origines développent l’idée d’un homme sculpté dans l’argile (Adam fut modelé avec de la glèbe, le Golem est fait d’argile, etc.), la communauté scientifique se penche désormais sérieusement sur le rôle de l’argile comme échaffaudage déterminant dans l’apparition et l’organisation de la vie. En se mélangeant à de l’eau de mer, la structure de l’argile forme un hydrogel – état spongieux – où des molécules passant à proximité se retrouvent captées en forte concentration. L’argile catalyse alors les réactions susceptibles d’advenir entre ces molécules en favorisant la polymérisation de molécules organiques complexes. Parmi les minéraux qui constituent l’argile, le mica possède une structure en feuillets qui seraient au cœur de ce bouleversement. Depuis 2007, la biologiste Helen Hansma défend son hypothèse : Life between the sheets. L’eau aurait entraîné les biomolécules qui se seraient retrouvées piégées, protégées par la fine épaisseur des feuillets de mica qui auraient commencé par servir de membranes artificielles.
Le mica aurait contraint les molécules à réagir entre elles et à se structurer en cellules étanches grâce aux cycles jour-nuit qui provoquent la dilatation et la contraction des feuillets de mica. C’est typiquement avec ce genre d’oscillation mécanique qu’on peut induire chez les cellules cardiaques un mouvement contractile. Et c’est peut-être ce même mouvement de va-et-vient qui aura permis d’animer la matière et de la conduire à se retrancher dans une forteresse de phospholipides : la membrane cellulaire. Visuellement, le mica respire, dilatant ses feuillets et laissant entrevoir les timides tentatives d’union des molécules dans ses saillies. À chaque strate, à chaque étage du mica, s’est probablement déroulé une lutte pour fabriquer les premiers tressaillements de la vie. C’est là, dans un de ces feuillets, que la grammaire des êtres s’est mise en place. Plusieurs fois ? Des millions peut-être, mais il ne nous reste qu’une unique grammaire de la vie : celle qui s’est maintenue jusqu’à aujourd’hui et qui ébranle chaque cellule et chaque être vivant, et pas un seul fossile ne nous a encore prouvé le contraire. »
Texte : © Marie-Sarah Adenis, tous droits réservés.
Lecture : Élise Rigot.
Illustration : photographie de « Danser parmi les fossiles », mémoire de fin d’étude à l’ENSCI Les Ateliers, 2017,de Marie-Sarah Adenis sous la direction de Rémi Sussan
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