Le destin de Jeanne est un exemple de l'interpénétration de l'imaginaire et de l'Histoire. L'enfance modeste de Jeanne inscrit le personnage dans la réalité, mais l'obéissance aux voix enclenche une vocation héroïque.
L'idée de « héros » s'épanouit en premier lieu dans des domaines traditionnellement considérés comme des univers masculins : la guerre, la souveraineté, les lois. La notion d'héroïsme féminin acquiert dès lors une dimension problématique, et lorsqu'une femme accède au statut d'héroïne, après avoir été confrontée, avec plus ou moins de succès, à la violence, une part du féminin est très souvent sacrifiée : la prouesse héroïque n'existe qu'avec la disparition de certaines caractéristiques socialement identifiées comme proprement féminines, par exemple certains rôles sociaux comme ceux d'épouse ou de mère. L'héroïne est veuve, ou vierge, ou mutilée, et dans tous les cas, sort du champ de l'amour humain. Jeanne d'Arc relève bien de cette catégorie de femmes mais y ajoute une complexité à la fois historique et légendaire qui fait sa spécificité. Sorcière ou femme de Dieu ? Amazone ou prophétesse ? Faible pucelle entièrement guidée par l'esprit divin ou véritable chevalier cachant sous son courage une ascendance royale ?
Rarement créature aura donné lieu à autant de lectures différentes, de la diabolisation à la canonisation, à autant de débats et de récupérations de tous bords !