La chanteuse française Santa est l’une des nouvelles têtes d’affiche de la variété française. Il y a un peu moins d’une semaine, lors de la 40e édition des Victoires de la Musique (le 14 février) elle était donnée favorite, car nommée dans quatre catégories. Elle a finalement remporté la Victoire du Meilleur album pour son premier disque Recommence-moi, sorti juste avant l'été 2024.
RFI : Y aura-t-il un avant et un après « Victoires de la Musique 2025 » pour vous ?
Santa : Le futur décidera pour moi, mais en tout cas, dans mon cœur, oui. Et cette Victoire marque le tournant d'un joli recommencement.
Cette Victoire de l'Album de l'année, c'est celle que vous espériez le plus, qui était la plus importante pour vous ?
Oui, parce qu'elle salue un album, Recommence-moi. C'est un album qui m'est si cher. Et puis, on ne peut pas faire deux fois un premier album. Il ne fallait pas que je passe à côté de cette Victoire.
Vous êtes apparue lors des Victoires, suspendue dans les airs, la tête en bas. Vous aimez bien ces performances spectaculaires, depuis toujours, quasiment ?
Oui, j'aime le spectacle. J'aime aussi le don de soi, que ce soit corporel, dans le chant, dans l'envie de traverser les cœurs, dans des grandes mises en scène. Et dans mes chansons aussi. Mais j'aime les habiller parce qu'elles sont pudiques.
Et on se souvient de Bruxelles notamment. Suspendue dans les airs. Ça a été toute une entreprise à mettre en place, je suppose…
Oui, mais comme tout. Je m'aperçois que tout est entreprise quand on veut faire des pas de côté et proposer du spectacle. Mais oui, ça a commencé effectivement par un concert à Bruxelles, suspendue à 40 mètres de haut par une grue avec mon piano à queue. Et puis depuis lors, je ne cesse d'essayer d'égayer les gens et de me raconter en chanson et aussi en « Waouh » ! J’adore justement créer l'événement et faire briller un petit peu les yeux des enfants, mais aussi les yeux des enfants qu'il y a en nous.
Et ce « Waouh » comme vous dites, c'est lui qui provoque ce bouche-à-oreille qui est à l'origine du succès ?
Alors ça a commencé par « Popcorn salé » qui s'est partagé de bibliothèque en bibliothèque, de messages en messages. Et c'est ce qui a été la plus grande réjouissance pour moi, c'est de voir que petit à petit, cette chanson grandissait dans le cœur des gens.
Parce qu'au départ, cette chanson, vous l'aviez écrite toute seule dans votre chambre. Vous étiez à 1000 lieues de la proposer. On vous a encouragé à la sortir. Comment ça s'est passé exactement ?
Ce sont mes amis qui m'ont dit : « Il faut absolument que tu sortes cette chanson. Elle va faire du bien aux gens ». Et je pense que c'est cette phrase qui a percuté mon cœur et qui depuis lors, le fait battre à la chamade. C'est une rencontre que de voir des enfants chanter en concert avec leurs parents, leurs grands-parents cette chanson, la reprendre en chœur. C'est le début de cette histoire, de cette carrière, je l'espère.
Les enfants, leurs parents, leurs grands-parents, c'est votre public justement, Il est intergénérationnel et ça aussi, ça fait partie un petit peu de ce qui fait votre marque de fabrique ?
Alors ça, on ne peut pas le calculer. Mais cependant, c'est la plus grande joie que je peux souhaiter à n'importe quelle chanteuse ou chanteur, c'est de ne pas chanter pour une génération, mais justement pour un état d'esprit. Et cet état d'esprit qui est celui des émotions, de l'amour, je le souhaite à toutes les générations.
Vous avez dédié cette Victoire à vos parents, décédés tous les deux. Vous ont-ils beaucoup encouragé dans cette voie ?
Dans ma voie … et dans une voie qui est celle de la liberté, de l'expression, du panache, du verbe et de l'amour. On y revient. Mais toutes ces chansons ont ce lien là que de chanter l'amour. Alors qu'il soit fraternel ou propre, je le souhaite à tout le monde. C'est la quête d'une vie de s'aimer. Mais je pense que c'est le but de ma vie que d'égayer la vôtre.
Et parmi ces chansons qui chantent l'amour, il y a la dernière-née, « La différence » qui compte beaucoup pour vous. C'est une sorte d'hymne de résistance ?
Oui, on peut le dire comme ça, parce que je le scande dans la chanson « Résiste ». Je pense qu’il faut preuve de courage pour rester ancré dans cette différence et pas se diluer dans les travers que l'on peut avoir, parfois cruels du regard de l'autre et de jouir de ce privilège. Maintenant, je le dis parce que le temps a fait son œuvre et que j'ai serré le poing et que j'ai réussi à le lever haut. Mais c’est cette différence qui fait que l'on est beau. Et d'accueillir cette beauté avec réjouissance et pas culpabilité.
Ce poing serré, vous le levez plusieurs fois pendant les spectacles, presque à tous les titres, C'est une résistance permanente ?
Alors ça, je n'ai pas le recul sur moi, je me regarde très rarement et quand je chante, je le fais de manière tellement instinctive, j'essaie tellement de véhiculer de manière sincère ce que j'ai en moi que je ne me regarde pas. Alors peut être qu’effectivement, je le serre souvent, mais c'est pour mieux pouvoir le lever.
Vous parliez de cette différence. Elle vous a suivie très tôt, cette différence. Vous étiez en avance sur votre âge. L’École, vous ne l'avez pas faite comme tout le monde. Ça a marqué tout votre parcours ?
Disons que ça m'a appris à devoir apprendre ce que ce qu'était le monde. Les sentiments, parfois la violence, souvent même la violence du monde. Et on n'est pas toujours armé pour faire face à cette violence qui est émotionnelle mais aussi factuelle. On se le dit parfois, on s'ancre dans des vertiges qui peuvent être violents dans l'enfance. Alors moi, ma réponse, elle a été en musique et je pense qu'il est là, le panache. C'est de transformer ces chaos en feux de joie et de les transformer aussi en harmonie. Je pense que ce qui est joli en chanson, c'est de pouvoir battre le temps. Moi j'ai battu le temps pour que mon enfance se fasse et qu'une revanche se fasse aussi.
Alors ces chansons, vous les écrivez depuis que vous êtes en solo, en français, contrairement à ce que vous faisiez avec votre groupe Hyphen Hyphen avec qui vous aviez eu une Victoire de la musique il y a quelques années. Comment s'est faite la bascule vers le français ?
Elle s'est faite inconsciemment quand j'étais derrière le piano et que ces chansons me sont venues droit au cœur. Je les ai saisies, puis je les ai écrites dans un instant de vie, presque automatique. Donc il n'a pas été conscient, ce changement. Par contre, dans la réécriture, je l'ai bien conscientisé parce que c'est une langue qui exige énormément de discipline, qui est magnifique quand on arrive à la faire sonner. Je me le souhaite humblement.
Parce que les artistes français que vous admirez, vous les avez un petit peu découverts sur le tard…
C'est vrai que ce que j'appelle la grande variété française, Berger, Véronique Sanson, plus récemment Goldman, Mylène Farmer, ce sont des artistes que j'ai découverts ensuite. A la maison, on écoutait beaucoup de musique américaine et anglaise. Moins de chanson française, à part quelques morceaux de Bashung et de Gainsbourg. Donc c'était assez restreint. Et depuis, je pense que Berger a façonné, et Sanson aussi, beaucoup de mes harmonies et mon envie de raconter le monde avec douceur.
Quand vous parlez de vos fans, de vos admirateurs, vous dites « pirates ». Pourquoi cette expression ?
Je m'appelle aussi « pirate ». On forme une belle équipe, une fine équipe. C'est à dire qu'au début, avec « Popcorn Salé », ce sont des petits actes de piraterie qui ont fait que cette chanson est passée petit à petit en radio. Je me rappelle les premières télés, c’étaient vraiment des actes de piraterie parce qu’il a fallu les arracher et c'est grâce à eux, grâce à leur bouche à oreille, grâce à leurs stickers qu’ils mettaient dans les supermarchés sur les boîtes de popcorn, ou l’affichage, ou le fait d'en parler avec le cœur à leur famille, à leurs amis. Ça, pour moi, c'était un acte de partage et de piraterie. Et c'est grâce à eux que je suis là.
Parce qu'au début, ce n'était pas évident. Il y avait l'intro qui était trop longue. Il y avait toujours des contraintes auxquelles on ne s'attend pas…
On parlait de faire la différence. (…) On parle beaucoup de pop, on parle beaucoup de rap, mais la variété française, les chansons, les piano-voix, c'était il y a deux ans et demi, on n’en parlait pas du tout. Et du reste, c'est encore une petite bataille, mais c'est une bataille que j'ai portée fièrement parce que j'avais la conviction que l'émotion n'avait pas de format.
Votre force, c'est bien sûr l'écriture, la voix. Une voix, qu'on reconnaît tout de suite. Et aussi la scène, évidemment. Et votre ambition, c'est de faire des scènes immenses. Ça va se préciser bientôt…
Oui, c'est mon ambition. Alors, c'est une prétention, mais ce n'est pas de l'arrogance. C'est une volonté de faire de grands spectacles. C'est du reste ce que j'ai voulu montrer aux Victoires de la Musique avec cette introduction un petit peu spectaculaire et périlleuse que de chanter à l'envers. Mais il y a un retournement qui fait que ça devient poétique et pas juste un acte de spectaculaire pour spectaculaire, c'est mettre en scène des émotions et bientôt, je vais pouvoir les mettre en scène de manière grandiose dans tous les Zénith de France. La tournée est immense et je ne peux pas en dire trop. Mais ce que je peux dire, c'est que ça sera immense.
Il y aura les Zénith puisqu'il y a plusieurs dates et ensuite, encore plus grand…
Bercy, mon tout premier Bercy. J'ai un peu du mal à le dire parce que j'ai du mal un peu à réaliser qu'il va falloir être à la hauteur de ce grand rendez-vous. Je prépare vraiment cette scène comme un grand spectacle. J'ai vraiment envie que ce soit un moment où les gens s'oublient, mais cultivent la jouissance de l'instant et qu'ils passent le meilleur moment de tous les temps.
Est-ce que vous aviez des rituels avant de monter sur scène ?
Ah oui, ils sont trop nombreux, Mais on n'a pas le temps de tous les dire. Je ne suis que rituel. Mettre mes deux bagues, taper sept fois les mains de toute l'équipe. Alors elle devient très grande. Ça me prend quand même vraiment beaucoup de temps et j'ai commencé à le faire et chaque fois que je le faisais, les concerts étaient bons. Maintenant, c'est une liste de rituels. J'enchaîne.
Santa Recommence-moi (Parlophone/Warner Music) 2024
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