e suis d’abord écrivain. Je suis devenu dramaturge par hasard. Et je le suis demeuré par acquis. L’écriture est pour moi un art vivant (y en a-t-il d’autres ?) et c’est par l’entremise de ses pouvoirs et propriétés spécifiques que j’envisage le travail dramaturgique. Les expériences que j’ai vécues, et les outils que j’ai pu développer en me prêtant aux jeux du plateau, ont à leur tour modifié en profondeur mes manières d’envisager, et de pratiquer, l’écriture. Je dois, à chaque nouvelle invitation, m’inventer un rôle, puis m’effacer derrière un personnage, qui n’est plus exactement celui de l’écrivain, et pourtant.
Que mon écriture soit conviée au coeur de la proposition ou plane à ses marges, je souhaite qu’elle demeure une force active dans l’émergence d’une forme vivante.
En me demandant de me positionner face à un univers parallèle qui prend forme devant mes yeux, de devenir le témoin de son émergence, je me dois de continuer de tenir parole. Cette posture me demande de puiser dans le même fond d’intuitions, les mêmes matières, qui animent mon écriture. Mon rapport à l’art discret de la dramaturgie – cette diplomatie esthétique, où se côtoient la délicatesse et l’inconfort, et où les nécessités de « faire oeuvre » se retrouvent régulièrement confrontées aux contingences les plus matérielles – recouvre donc une question de vocation : en devenant cet agent spéculaire, et spéculatif, qu’est le dramaturge, c’est à l’écriture, et à ses possibles, que je continue néanmoins de jurer fidélité. Les formes qui se profilent en cours de création, sont aussi importantes, dans cette perspective, que celles qui finissent par s’affirmer. Je reviens souvent, quand j’ai à entretenir de ma pratique, à l’image d’un « champ poétique unifié » : fonte poétique, magma originel ou horizon opalescent, qui préside à l’indifférenciation première des arts et des savoirs. Peu importe la justesse empirique de cette image.
Je voudrais simplement, en vous retrouvant à ce carrefour bruxellois du temps et de l’espace, éprouver avec vous la réalité de cette vision des choses, où la dramaturgie apparaît comme un art de la parole et une théorie des mondes.
Daniel Canty est écrivain, etc.
Il élabore une œuvre où l’écriture se prête à toutes les métamorphoses.
Il a participé à la création d’une dizaine de pièces de théâtre et de danse mais un souci dramaturgique s’applique à toutes les formes qu’il aborde : scénarisation, création de livres, d’interfaces, d’installations, d’expositions, ou de parcours performés, élaboration de traductions, de conférences, de curricula et d’ateliers… Daniel a étudié la littérature, l’histoire et la philosophie des sciences à Montréal, l’édition à Vancouver et le cinéma à New York. Il anime, depuis 2011, L’Inclasse, un cours de lecture et d’écriture indisciplinaires, à l’École nationale de théâtre du Canada.
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