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Voix : Dorothée Rouzet et José Bardaji
Texte : Timothée Waxin et José Bardaji
J’aimerais savoir : quel est le rôle des anticipations d’inflation pour les banques centrales ?
Les anticipations des ménages et des entreprises concernant les variations des prix à venir déterminent leurs dépenses, aussi bien de consommation que d’investissement aujourd’hui. Pourquoi sont-elles importantes pour les banques centrales ?
La mission de la Banque centrale européenne est de maintenir la stabilité de l’inflation autour de 2 % à moyen terme. Mais le taux d’inflation actuel influence les anticipations de la population quant aux variations futures des prix. Si les consommateurs et les chefs d’entreprise s’habituent à une inflation très faible ou trop élevée, ils finissent par penser qu’elle restera à ce niveau. Ces anticipations sont importantes, parce qu’elles constituent la base des décisions en matière de consommation, d’investissement et d’emprunts et que les entreprises tiennent compte de ces anticipations lorsqu’elles fixent le prix des biens et services qu’elles vendent.
Sur quelles mesures des anticipations d’inflation la banque centrale s’appuie-t-elle pour prendre ses décisions ?
Les banques centrales s’appuient sur des mesures directes et indirectes des anticipations d’inflation. Les mesures directes sont issues de résultats d’enquêtes auprès des consommateurs, des entreprises et des prévisionnistes professionnels. Ces enquêtes font un point sur leurs attentes en matière d’inflation, à des horizons temporels différents.
Et les mesures indirectes des anticipations d’inflation ?
Les anticipations d’inflation peuvent être déduites des prix des actifs financiers. Par exemple à travers les obligations d’Etat indexées sur l’inflation, il est possible de déduire combien les investisseurs sont prêts à payer pour se protéger de l’inflation à différents horizons. Les modèles économiques constituent une autre forme de mesure indirecte des anticipations d’inflation.
Donc si je résume, les anticipations d’inflation ont un rôle important dans les décisions des banques centrales car elles peuvent avoir un impact sur la trajectoire de l’inflation. La banque centrale va donc s’appuyer sur des enquêtes et des modèles pour mesurer ces anticipations d’inflation et elle tient à ce que les anticipations d’inflation soient bien ancrées autour de sa cible d’inflation.
Voix : Dorothée Rouzet et José Bardaji
Texte : José Bardaji et Timothée Waxin
J’aimerais savoir : c’est quoi la dollarisation ?
La dollarisation est un terme générique qui caractérise les pays dont les transactions financières se réalisent dans une devise étrangère, sans qu’il s’agisse pour autant du dollar américain. Peux-tu nous en dire davantage ?
Oui ! La dollarisation peut revêtir différentes formes. Dans une dollarisation partielle, la devise étrangère circule parallèlement à la monnaie domestique. Il s’agit d’un processus informel, plus ou moins souterrain, de substitution monétaire. L’exemple type est celui des pays latino-américains dans les années 1970 et 1980 en proie à une inflation galopante. Face à une perte de confiance dans leur propre monnaie, les agents privés se sont mis à utiliser le dollar comme unité de compte mais également comme monnaie de transaction, en particulier pour l’acquisition de biens de consommation durables onéreux. On parle de dollarisation intégrale lorsqu’un pays adopte le dollar américain comme monnaie officielle.
Dans le premier cas, la dollarisation est plutôt subie alors que dans le cas d’une dollarisation officielle, elle est voulue. Mais quels sont les inconvénients de la dollarisation ?
En se dollarisant, un pays renonce à sa capacité à mener une politique monétaire indépendante. Cela signifie qu’il ne peut pas ajuster les taux d’intérêt ou la masse monétaire pour répondre aux conditions économiques spécifiques du pays. Il devient donc dépendant de la politique monétaire américaine, mais également du contrôle américain sur la monnaie. En outre, il perd ses revenus issus de l’émission monétaire.
Cela fait beaucoup d’inconvénients !
Oui et c’est pour cela que la dollarisation officielle n’existe pas vraiment. Il est difficile de renoncer au privilège de battre la monnaie, même si la dollarisation peut permettre une certaine stabilité de change.
En résumé, si la dollarisation officielle est rare, la dollarisation partielle est plus fréquente. Elle est subie par un pays dont la crédibilité de la monnaie s’effondre. À moyen-long terme, elle ne peut constituer une solution car elle s’accompagne d’une perte de souveraineté et d’indépendance de la politique monétaire nationale.
Voix : Dorothée Rouzet et José Bardaji
Texte : Pierre-Olivier Beffy
J’aimerais savoir : la Banque centrale peut-elle effacer les dettes publiques ?
Suite à la crise financière de 2008 et la crise sanitaire, les dettes publiques ont considérablement augmenté. Au point de fragiliser les finances publiques et de limiter les marges de manœuvre financière de la puissance publique. Pour alléger le fardeau de la dette, qui pèse sur les prochaines générations, certains suggèrent que la banque centrale efface la dette publique. Est-ce possible ?
Une banque centrale a théoriquement la capacité d’effacer la dette d’un gouvernement en achetant des obligations du gouvernement et en choisissant de ne pas exiger le remboursement. Cependant, dans la pratique, il s’agit d’une mesure extrême qui est généralement évitée et ce, pour plusieurs raisons importantes. D’abord, cette opération est parfois tout simplement interdite, comme dans le cas de la Banque centrale européenne. Ensuite, il y a un risque d’effondrement de la confiance en la monnaie. Enfin, cela crée un précédent dangereux qui pourrait conduire les gouvernements à dépenser sans compter et à entrainer l’économie en hyper-inflation.
Donc ce n’est pas possible d’effacer purement et simplement la dette !
Tout à fait. Mais ce n’est pas très important ! Il n’est pas nécessaire pour une banque centrale de ne pas exiger le remboursement d’une dette publique pour effacer dans les faits une partie de la dette. Je m’explique… Si la banque centrale achète une partie de la dette publique et la garde pour toujours dans son bilan, cette dette achetée est de facto effacée. Elle n’existera plus dans le marché…
Oui mais l’Etat va continuer à payer des taux d’intérêt à la banque centrale !
C’est vrai, mais ces taux d’intérêt constituent un revenu pour la banque centrale et donc gonfle ses profits. Et comme les profits sont donnés chaque année aux gouvernements, les taux d’intérêt lui sont reversés ! C’est comme si le gouvernement empruntait à taux 0 sur la partie de la dette publique détenue par la banque centrale.
C’est une formule qui semble magique !
Attention, il n’y a pas d’argent magique en économie. La banque centrale peut neutraliser une partie de la dette publique, mais les citoyens le paieront à long terme avec de l’inflation et une perte de pouvoir d’achat de leur monnaie. Et cela peut être pire si l’Etat n’a pas une politique budgétaire raisonnable. Si l’Etat dépense sans compter et force la banque centrale à acheter les obligations publiques, on se retrouve dans l’hyper-inflation et la crise monétaire.
Donc si je résume, il est contre-productif d’effacer purement et simplement une dette publique. Il suffit que la banque centrale garde indéfiniment dans son bilan les obligations souveraines achetées, ce qui revient dans les faits à neutraliser une partie de la dette publique. Mais ce n’est pas une formule magique ! La crédibilité de la monnaie dépend de la bonne gestion des finances publiques et de la confiance accordée à la monnaie. Donc, la banque centrale ne peut pas financer sans cesse des déficits publics sans conséquences réels négatives sur le pouvoir d’achat des citoyens.
Voix : Dorothée Rouzet et José Bardaji
Texte : Dorothée Rouzet et José Bardaji
J’aimerais savoir : comment marche l’assouplissement quantitatif ?
L’assouplissement quantitatif, ou QE, c’est-à-dire « Quantitative Easing » en anglais, fait référence à une politique monétaire non-conventionnelle menée par une banque centrale. Elle la met en place lorsque ses outils plus conventionnels ne marchent plus. Peux-tu nous en dire davantage ?
Prenons l’exemple de la crise de 2008. Après l’éclatement de la crise financière, les banques centrales des économies avancées ont abaissé leurs taux directeurs à des niveaux proches de zéro. Mais devant la profondeur de la crise économique, elles se sont tournées vers l’utilisation d’outils non conventionnels comme l’assouplissement quantitatif.
Alors précisément, c’est quoi l’assouplissement quantitatif ?
L’assouplissement quantitatif implique l’achat d’actifs financiers sur les marchés par la banque centrale. Ce sont généralement des obligations du gouvernement mais parfois aussi des actifs plus risqués comme des actions ou des obligations d’entreprises. Ces achats augmentent la quantité de monnaie en circulation et visent à faire baisser les taux d’intérêt à long terme, à stimuler les investissements et les dépenses et à augmenter l’inflation.
Et l’assouplissement quantitatif est-il réversible ?
Déjà, les programmes d’assouplissement quantitatif ont pris fin dans beaucoup de pays. Quand une banque centrale veut faire l’inverse, on parle de resserrement quantitatif, ou QT, c’est-à-dire « Quantitative Tightening » en anglais. Il s’agit d’une mesure restrictive de politique monétaire, se matérialisant notamment par la réduction de la taille du bilan de la Banque centrale. La banque centrale peut cesser ses achats de titres et laisse les obligations acquises arriver à échéance. Elle peut même directement vendre sur les marchés financiers. Mais le resserrement quantitatif est risqué et la banque centrale peut faire des pertes si le prix des actifs a baissé, ce qui est le cas au moment où nous enregistrons ce podcast en 2024, avec les obligations d’Etat dont les taux ont beaucoup monté.
En résumé, le resserrement quantitatif fonctionne comme l’inverse de l’assouplissement quantitatif. Par la réduction du bilan de la Banque Centrale, les taux d’intérêt de moyen et long terme sont mécaniquement tirés à la hausse, renchérissant le coût du capital et pesant sur l’investissement et, en corollaire, sur la croissance pour, in fine, baisser le niveau de l’inflation.
Voix : Dorothée Rouzet et José Bardaji
Texte : José Bardaji et Timothée Waxin
J’aimerais savoir : quelles sont les conséquences des crises bancaires et financières ?
Les crises bancaires et financières peuvent entraîner des conséquences majeures, tant sur le plan économique que social. Peut-être le plus simple est de partir de la crise bancaire et financière de 2007-2008. Pourquoi la crise bancaire et la crise financière sont-elles liées ?
À la suite de l’effondrement du marché immobilier américain, une grande quantité de titres dits « toxiques » car trop risqués détenus par les banques ont perdu énormément de valeur. Cela a conduit les banques à des pertes très importantes. Afin de contenir l’hémorragie de leurs bilans, les banques ont vendu une partie de leurs actifs les plus liquides contribuant ainsi à exacerber la déroute générale des marchés financiers. Il a fallu une intervention extraordinaire de la Banque centrale américaine. Mais Lehman Brothers, une des plus grandes banques américaines n’a pas résisté à la faillite.
Elle a eu des conséquences économiques et sociales importantes également ?
Oui, cette crise financière s’est rapidement transformée en une crise économique mondiale qualifiée de grande récession, en écho à la grande dépression qui correspondait à la crise la plus grave de 1929. En effet, les banques ont arrêté de prêter à l’économie, certains épargnants ont perdu une partie de leurs économies. Plus généralement, les crises bancaires et financières provoquent une récession économique ce qui entraine une augmentation du chômage. Dans le cas de la Zone euro, la crise de 2008 a également alimenté ce qui deviendra quelques années plus tard la crise des dettes souveraines (Grèce, Portugal, Irlande puis Italie et Espagne).
Tu viens de parler des conséquences immédiates, mais y a-t-il des conséquences à long terme ?
Les crises bancaires et financières peuvent en effet avoir des effets durables sur l’économie. Par exemple, après la crise financière mondiale de 2008, de nombreux pays ont connu une croissance lente et des niveaux élevés de chômage pendant plusieurs années. Les difficultés économiques peuvent enfin conduire à des tensions sociales, à des protestations et à des changements politiques, notamment si la population considère que le gouvernement a mal géré la crise.
En résumé, les crises bancaires et financières ont des conséquences brutales sur les économies, tant les banques et le monde de la finance sont indispensables pour irriguer toute l’économie, c’est à dire les entreprises, les ménages et les administrations publiques. Le soutien massif des pouvoirs publics à ces établissements en 2008 a constitué un préalable au rétablissement des économies, mais la crise laisse des traces durables tant économiques que politiques et sociales.
Voix : Dorothée Rouzet et José Bardaji
Texte : José Bardaji et Timothée Waxin
J’aimerais savoir : les crises bancaires sont-elles inévitables ?
C’est une question complexe ! A chaque crise bancaire, on trouve toujours des experts pour nous expliquer que ce sera la dernière… mais les crises bancaires sont récurrentes. Alors commençons par le début : pourquoi connaît-on des crises bancaires ?
Très bonne question ! Les banques sont intrinsèquement liées à l’économie et les marchés financiers. Cela veut dire que tout problème systémique a tendance à avoir un impact sur la stabilité du système bancaire. Et puis les banques, comme toute entreprise, prennent des risques pour réaliser des profits. Ces risques peuvent parfois conduire à des problèmes financiers et à des crises. Par exemple, la crise financière de 2008 a été largement attribuée à des prises de risque excessives par les banques dans le domaine des prêts hypothécaires immobiliers à haut risque.
Justement, si on parle de la crise financière de 2008, on a aujourd’hui une régulation plus stricte des banques : donc il y a désormais moins de risque de crise bancaire…
Tu as raison, la régulation financière vise à minimiser le risque de crises bancaires en imposant des exigences en matière de capital, de liquidité, et en supervisant les activités des banques. Elle a été fortement renforcée après la crise de 2008. Cependant, la régulation peut ne pas toujours être efficace ou adaptée, elle est parfois relâchée car on a oublié certains risques ou que des risques nouveaux sont apparus depuis la mise en place des nouveaux garde-fous. Comme dans le dopage sportif, la régulation, autrement dit la loi, peut parfois être contournée. C’est d’autant plus vrai qu’elle a du mal à anticiper les problèmes de marchés financiers de plus en plus complexes.
Et concrètement, au niveau européen, comment se passe la régulation ?
L’Union bancaire dote la zone euro d’un système de supervision et d’un dispositif de prévention et de gestion des crises bancaires uniques au monde. L’Union bancaire s’articule autour de 3 piliers :
Je comprends. Donc, si je résume, bien que les crises bancaires ne soient peut-être pas absolument « inévitables », l’histoire a montré qu’elles étaient récurrentes. Cela dit, une régulation efficace, une transparence accrue, et une gestion prudente du risque peuvent réduire leur fréquence et leur gravité. Retrouvons-nous au prochain podcast où nous allons parler plus précisément des conséquences des crises bancaires.
Voix : Dorothée Rouzet et José Bardaji
Texte : Pierre-Olivier Beffy
J’aimerais savoir : pourquoi le dollar constitue un immense atout pour les Etats-Unis ?
Dans l’histoire, des monnaies ont eu des positions uniques et puissante dans le système financier mondial. Aujourd’hui, c’est le Dollar américain qui joue ce rôle ?
Tout à fait ! La position dominante des États-Unis au sortir de la Seconde Guerre mondiale lui a permis d’imposer sa monnaie, le Dollar, comme monnaie de référence dans le monde. Par exemple en 2023, plus de 60 % des réserves de changes des banques centrales dans le monde étaient détenues en dollars américains. Le dollar représente aussi 88% des transactions de changes et la plupart des transactions en matières premières. Les Etats-Unis restent au moment où nous enregistrons ce podcast la première puissance économique et militaire dans le monde. C’est ce qui explique la confiance que le reste du monde accorde à leur monnaie
Pourquoi parle-t-on de « privilège exorbitant » du dollar ?
C’est Valéry Giscard d’Estaing, ministre des Finances sous la présidence du général de Gaulle, qui l’a qualifié ainsi en parlant du dollar. En devenant la monnaie du monde, le dollar est demandé par toute la planète. Cela permet aux Etats-Unis d’entretenir un déficit extérieur permanent et de bénéficier de taux d’intérêt plus bas. Fondamentalement, cela veut dire que les autorités américaines, qui émettent le dollar, tire un revenu de l’utilisation de la monnaie par le reste du monde.
Mais suite aux sanctions américaines sur la Russie, certains pays ont émis le souhait d’une dédollarisation du système financier mondial pour se protéger de sanctions américaines. Et puis la Chine essaie aussi d’imposer sa monnaie dans de plus en plus de pays et de transactions. Le Dollar va-t-il garder son statut ?
Il est vrai que le privilège du dollar n’est pas sans controverse. Il crée des inégalités de pouvoir économique entre nations et pose des questions sur la justice et l’équité dans le système financier mondial. Dans un monde interconnecté, la question du privilège exorbitant reste donc plus pertinente que jamais. Aujourd’hui seule la Chine paraît pouvoir remettre en question le statut du dollar à long terme, en raison de son poids dans le commerce international. Mais la Chine n’est pas prête à abandonner totalement les contrôles de capitaux, et elle manque de transparence, de fiabilité et de marchés financiers développés. La route reste longue pour remplacer le dollar.
En résumé, le dollar est la monnaie dominante du monde parce que les États-Unis demeurent la première puissance économique mondiale et aussi parce qu’il n’a pas de vrai rival. L’irruption des cryptomonnaies et l’essor de l’euro comme du yuan n’y ont presque rien changé pour l’instant : la domination du dollar sur le système monétaire international reste écrasante. Cela risque de le rester encore longtemps, au point pour le privilège exorbitant de paraître pour certains exaspérant !
Voix : Martine Carré-Talon et Salvatore Serravalle
Texte : Pierre-Olivier Beffy
J’aimerais savoir : Une banque centrale peut-elle faire faillite ?
Etant donné qu’une banque centrale est directement chargée de la politique monétaire, peut-on envisager qu’une banque centrale fasse faillite ?
En effet, une banque centrale ne peut en principe pas faire faillite. Elle peut toujours émettre sa propre monnaie pour remplir ses obligations dans cette monnaie. Par contre, une émission excessive peut entraîner une perte de confiance dans la monnaie, ce qui peut provoquer de l’inflation voire de l’hyperinflation. La valeur réelle de la monnaie peut alors beaucoup chuter, ce qui est très préjudiciable à la banque centrale.
Tu as spécifié qu’elle ne pouvait « en principe » pas faire faillite. Y a-t-il donc des situations dérogeant à cette règle ?
En effet ! La banque centrale peut toujours émettre sa monnaie, mais pas une monnaie étrangère. Si une banque centrale a des obligations en devises étrangères et qu’elle ne dispose pas des réserves nécessaires, elle pourrait se trouver dans une situation où elle ne peut pas honorer ces obligations. C’est différent d’une faillite au sens traditionnel, mais cela pourrait être perçu comme un défaut de paiement de la banque centrale et donc du pays.
Même dans ce cas, ce n’est pas vraiment une faillite mais un défaut de paiement. On voit bien que le concept de faillite n’est pas très adapté à une banque centrale.
Il est vrai que la faillite est généralement un processus juridique. Les banques centrales, en tant qu’institutions publiques ou quasi publiques, sont souvent régies par des règles et des structures juridiques différentes. Dans de nombreux pays, la législation pourrait ne pas prévoir de mécanisme permettant la faillite d’une banque centrale.
Si je résume, même si une banque centrale peut rencontrer des problèmes financiers, ou même si les gens commencent à douter d’elle, elle ne fait pas faillite comme une entreprise normale. Pourquoi ? Parce qu’elle a le pouvoir unique de créer sa propre monnaie. Donc, la faillite, comme on l’entend habituellement, ça ne s’applique pas vraiment à elles.
Voix : Martine Carré-Tallon et Salvatore Serravalle
Texte : Salvatore Serravalle
Les banques centrales sont-elles efficaces ?
Dirais-tu, au regard des objectifs de stabilité des prix, de croissance économique et de stabilité financière des banques centrales, qu’elles sont efficaces ?
C’est une question plus difficile qu’il n’y paraît. Il y a beaucoup de débat sur l’efficacité des banques centrales car il dépend de l’objectif, de la période d’analyse et de paramètres extérieurs à la banque centrale. Si on considère l’inflation, les banques centrales font plutôt un bon travail, mais cela n’empêche pas l’inflation de parfois baisser dangereusement, ou au contraire d’exploser à la hausse comme après la crise sanitaire. Les chocs sont parfois violents et la banque centrale ne peut pas tout anticiper.
Et au niveau de la stabilité financière ?
La banque centrale contrôle une partie du processus de régulation financière. Mais des choix politiques peuvent conduire à des situations de manque de régulation et donc à des crises financières. Parfois de nouveaux outils financiers sortent également du champ de la régulation et déstabilise le système financier. Au final, la banque centrale est souvent efficace à jouer les pompiers de service, mais elle n’empêche pas les crises financières de réapparaitre.
En fait, les banques centrales ne sont pas seules à agir sur l’inflation, la croissance et la régulation…
C’est vrai et c’est l’enjeu d’une bonne articulation entre notamment politique budgétaire et monétaire. On sait par exemple qu’une partie de l’inflation provient des plans de soutien budgétaire qui ont été mis en place pour relancer les économies après la crise de la Covid. Continuer le soutien budgétaire alors que la banque centrale resserre la politique monétaire n’est pas forcément idéal pour combattre l’inflation.
Si on résume, les banques centrales ne peuvent pas anticiper tous les chocs. Elles vont donc essayer d’atteindre leurs objectifs en moyenne, mais pas au jour le jour. En plus, l’efficacité des banques centrales ne dépend pas que d’elles mais aussi des politiques régulatoires et budgétaires qui peuvent parfois être contradictoires avec leurs objectifs principaux.
Voix : Martine Carré-Tallon et Salvatore Serravalle
5c Quels sont les instruments de la politique monétaire ?
On a vu dans un précédent épisode que les banques centrales poursuivaient plusieurs objectifs, stabilité des prix, croissance économique et stabilité financière. Mais quels sont les instruments dont elle dispose pour les atteindre ?
L’instrument de base d’une banque centrale pour mener sa politique monétaire, c’est le taux d’intérêt. En ajustant ses taux d’intérêt, c’est à dire en jouant sur le coût du crédit, une banque centrale influence les décisions de consommation et d’investissements. Quand l’inflation est jugée trop élevée, les banques centrales augmentent le coût du crédit pour inciter les ménages et les entreprises à moins dépenser et investir. La baisse de la demande qui en résulte doit normalement faire reculer l’inflation.
Mais parfois le taux d’intérêt ne suffit pas, comme on a pu le voir après la crise de 2008. N’a-t-il pas fallu inventer d’autres instruments ?
En effet, puisqu’il n’est a priori pas possible pour une banque centrale de diminuer le taux d’intérêt nettement en-dessous de 0%, cet instrument peut perdre de son efficacité lorsque que ce seuil est atteint mais que l’inflation reste à un niveau jugé trop bas. La banque centrale peut alors directement contrôler la quantité de monnaie qu’elle émet plutôt que son prix, c’est-à-dire le taux d’intérêt.
Comment fait-elle exactement ?
Quand la banque centrale veut augmenter la monnaie dans le système économique et financier, elle achète des actifs financiers tels que des obligations souveraines, c’est-à-dire émises par les Etats. En procédant ainsi, la banque centrale permet aux Etats de s’endetter sans risque puisque la dette qu’ils émettent trouve preneurs. C’est ce qu’on appelle l’assouplissement quantitatif ou quantitative easing en Anglais. Cet instrument, mobilisé en 2015 à l’initiative de Mario Draghi, alors Gouverneur de la Banque Centrale Européenne, est considéré comme celui qui a permis aux pays de la Zone euro de sortir de la crise économique dans laquelle ils étaient plongés depuis plusieurs années.
Donc si je résume, la banque centrale a comme outil le taux d’intérêt et son bilan qui lui permet d’intervenir sur les marchés financiers et de modifier la quantité de monnaie en circulation dans l’économie et le système financier. Cela fait au final assez peu d’outils par rapport à l’ensemble de ses missions. Nous allons y revenir dans le prochain podcast sur l’efficacité des banques centrales.
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