"Le cycle d'Ulster" est un ensemble de textes épiques irlandais en prose, dont l'essentiel est formé par un ensemble de récits: la Tain Bo Cualnge.
Le manuscrit le plus ancien s'appelle "Le Livre de la Vache Grise", et date du XIIème siècle, mais l'histoire elle-même trouve ses origines au VIIème ou VIIIème siècle.
Ecrit à l'origine dans un environnement chrétien, le récit a sans doute subi des altérations mais il conserve un grand intérêt mythologique: le héros guerrier Cuchulainn défend la cause ulstérienne tandis que la déesse-reine Medb gouverne le Connach. La destinée des deux royaumes se trouve entre les mains de Morrigane, déesse de la mort et de la destruction.
On remarque d’abord la représentation particulière de la reine Medb: c’est une femme jalouse des possessions de son mari, au point de soulever une large armée et partir en guerre pour satisfaire ses désirs. Elle use ensuite de magie, de manipulations et autres fourberies pour tenter de séduire son opposant. Elle est décrite comme une très mauvaise stratège militaire, et c’est son mari Ailill qui parvient à lui faire entendre raison.
Plus globalement, ce récit met en scène deux animaux aux pouvoirs surnaturels. Le combat entre le taureau brun Donn, et le taureau à cornes blanches Finnbennacht, symbolise la lutte longue, et stérile, entre Ulster et Connacht, les deux provinces les plus au nord de l'ancienne Irlande.
La longue rivalité entre les deux provinces est suggérée par le fait que les deux taureaux ont déjà tenté de régler leur différend sous diverses apparences.
Ce récit passionnant intrigue encore, et surprend par la multiplicité des interprétations; et ce, grâce notamment aux différents noms sous lequel apparaît notre bovidé : Tarb comme Dieu Taureau ou Donn comme « brun », mais également comme nom commun qui signifie roi, noble ou encore seigneur.
C’est en cela que l’interprétation qu’en fait le docteur en Etudes celtiques Dimitri Boekhoorn dans sa thèse sur « Le bestiaire mythique et légendaire dans la tradition celte » nous permet de remarquer encore une fois l’importance de la figure taurine dans cette civilisation. En effet même s’il paraît évident que les deux taureaux incarnent la richesse et des objets de prestige on peut également y voir un symbolisme territorial. C’est-à-dire que le Brun de Cuailnge serait en fait le « seigneur » du royaume d’Ulster.
Et en s’emparant de ce taureau fantastique la Reine ne ferait que s’assurer d’une surpuissante souveraineté, élargissant son autorité.
Emblème royal par excellence qui représente un idéal de sacrifice et de virilité, le taureau celte incarne sans nul doute les valeurs premières d’une civilisation qui n’eut de cesse que de cultiver son brillant esprit belligérant à travers contes et légendes fantastiques...
La déification du Brun de Cuailnge au fil des pages de cette épopée celte irlandaise nous prouve une fois de plus la fascination des hommes pour le taureau. En le faisant Dieu il atteint un panthéon imaginaire que nous n’avons jamais cessé d’honorer siècle après siècle.
Dimitri Boekhoorn, « Le bestiaire mythique et légendaire dans la tradition celte »
La Razzia des Vaches de Cooley, Traduit par Joseph Loth
Encyclopédie de la mythologie