Il y a peu de temps, le Portugal célébrait le 45e anniversaire de la « Révolution des Œillets », c’est-à-dire ce moment historique de 1974 où, pacifiquement, la dictature fut remplacée par la démocratie.
Et tout, ça avec l’aide précieuse d’une chanson : « Grândola vila morena » du poète José Afonso dit Zeca.
« Terre de fraternité,
Grândola ville brune
En chaque visage l’égalité
C’est le peuple qui commande »
Dans un livre qui vient de paraître aux Éditions Otium, Grândola vila morena, Mercedes Guerreiro et Jean Lemaître nous retracent, heure par heure, le déroulement de cet extraordinaire instant de libération de tout un peuple qui, durant près de cinq décennies, avait vécu, plutôt survécu, dans le régime de terreur de Salazar et de ses sbires, dont la tristement célèbre PIDE devenue DGS, police politique secondée par les traditionnels indicateurs.
Et, ce fut grâce à la diffusion sur antenne de la chanson de Zeca, que le signal de départ de cette révolution put avoir lieu dans la nuit du 24 au 25 avril. Aussitôt, vingt-quatre unités des armées (marine, aviation, infanterie), réparties dans tout le pays, se mirent en marche et renversèrent la dictature de manière, j’insiste, totalement pacifique.
Inutile de dire que cette opération avait été minutieusement préparée, car les fonctionnaires de la censure, les indics, les policiers en civil, des fidèles du fascisme… quadrillaient le pays et veillaient vingt-quatre heures sur vingt-quatre. D’ailleurs, la « Révolution des Œillets » n’a tenu qu’à un fil, comme il est expliqué dans le livre.
L’auteur, Jean Lemaître, lors d’une présentation de cette nuit exceptionnelle, attira l’attention, entre autres, sur le fait que les jeunes militaires qui avaient réalisé le soulèvement avec le peuple, se sont ensuite retirés dans leurs casernes et qu’actuellement, les forces de l’ordre et armées portugaises défilent lors des commémorations en rangs serrés « fières de ne plus être le bras armé d’une dictature ».
Outre le récit de ce moment d’Histoire, les auteurs s’attardent sur la personnalité de José Afonso et le sens profond donné aux paroles de sa chanson.
En lisant cet ouvrage, on se dit que l’on ne voudrait plus revivre pareille période de terreur et, pourtant, la peste brune semble à nouveau, petit à petit, envahir l’Europe et que l’on s’éloigne insidieusement de cette « terre de fraternité où à chaque coin de rue on rencontre le visage de l’égalité. »
Musique : extrait de "Grandôla vila morena" (youtube)