Les élections européennes, c’est dans quelques jours ! Et l’écosystème tech
français espère bien s’emparer de ce rendez-vous pour réorienter les priorités
de l’UE en matière de numérique. Mais alors, l’Europe a-t-elle réellement une
chance de devenir un leader compétitif ? On en parle avec Maya Noël, la
directrice générale de France Digitale, Michel Combot, délégué général de
Numeum et Henri d’Agrain, délégué général du CIGREF.
« On peut faire de la politique autrement que par de seules initiatives
législatives et réglementaires. L’inflation réglementaire, ce n’est pas de la
politique, il ne faut pas laisser aux techniciens du droit le soin de gérer
les enjeux politiques au niveau d’un continent comme l’Europe, qui représente
30 % du marché numérique mondial. » Pour Henri d’Agrain, l’Union européenne
est un géant du numérique. Mais un géant endormi par un trop-plein de
régulations, selon le délégué général du CIGREF, association des Grandes
Entreprises et administrations publiques pour réussir le numérique. Son
constat est partagé par Michel Combot, délégué général du Numeum, qui souligne
le coût « pour les PME ». Pour lui, le simple cas de l’IA Act, « c’est
quelques centaines de milliers d’euros de mise en conformité des procédures
« Passer de puissance de la réglementation à puissance de l’innovation »
Ces évolutions ont quelque chose de positif néanmoins, souligne Maya Noël,
directrice générale de France Digitale, à savoir que « les cinq dernières
années en Europe ont été marquées par une meilleure compréhension des enjeux
du numérique ». Elle cite des textes comme le DSA (Digital Services Act, 19
octobre 2022) ou le DMA (Digital Markets Act, 1ᵉʳ novembre 2022) qui prouvent
selon elle « qu’on n’est plus si naïfs par rapport à ce qu’il se passe sur le
marché ». Mais pour pouvoir coexister aux côtés des géants américains ou
chinois, « il faudrait passer de ce statut de puissance de réglementation, à
puissance d’innovation. Il faut se demander comment on permet à nos
entreprises innovantes d’avoir accès à un marché facilité ».
Pour Michel Combot, il est nécessaire de laisser les entreprises digérer les
nouvelles réglementations, et basculer sur « une vraie politique industrielle
du numérique », avec notamment, c’est une proposition de son entité, la
création d’un poste de commissaire européen aux start-up, pour que « demain,
quand une institution européenne passe une commande, elle puisse plus
facilement se tourner vers des start-up ». Une proposition qui a le mérite de
mettre le doigt sur un enjeu fort pour l’Union européenne : exploiter tout son
potentiel. « On a l’un des plus gros marchés au monde, 450 millions de
consommateurs », rappelle Maya Noël. « Le problème, c’est que ce marché est
fragmenté en 27 États différents. C’est donc très compliqué pour une
entreprise de se sentir européenne, on est avant tout sur un marché national.
« Il se passe quelque chose… »
Comment opérer la bascule quand, de l’avis d’Henri d’Agrain, « il y a un
différentiel de mise en application des réglementations selon les pays, ce qui
crée des concurrences intra-européennes qui sont délétères pour le
développement des acteurs technologiques ». Tous les acteurs semblent espérer
la même chose : des champions du numérique européen capables de profiter de
l’intégralité du marché de la zone euro, voire un peu plus loin. Sur la
méthode en revanche, les avis divergent.
Pour Michel Combot, il faut singer les États-Unis ou la Chine avec des
logiques de filières « dans lesquelles un grand groupe entraînerait tout un
écosystème, dont les start-up, derrière lui ». Pour Maya Noël, il faudrait
dépasser les limites nationales : « les entreprises se créent avec l’un des
27 statuts nationaux, il faudrait un 28ᵉ statut pour les entreprises qui
souhaitent avoir une envergure continentale ». Et du côté d’Henri d’Agrain,
il est question de rebooter le logiciel de l’action publique, pour passer «
d’une stratégie de soutien de l’offre à une stratégie de soutien de la
Le délégué général du CIGREF en est convaincu, « ce qui fait vraiment grandir
les entreprises, c’est moins l’investissement que la commande. Et la commande
publique ne suffira pas à faire vivre un écosystème numérique, il faut aussi
stimuler la commande privée ». L’Europe a encore beaucoup de travail pour
revenir au niveau de la concurrence, mais Maya Noël se veut confiante. « Il y
a encore quelques années, c’était compliqué de recruter, tous les bons profils
partaient de l’autre côté de l’Atlantique. Maintenant, ils reviennent, ils
sentent qu’il se passe quelque chose… »
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